Rédactions journalistiques
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Claire Fourier : « La littérature m’aide à trouver un sens à la condition humaine »
Claire Fourier est d’origine bretonne,
diplômée d’Histoire et de l’École nationale supérieure des bibliothèques, elle
a longtemps enseigné la littérature, c’est une écriture brillante prolifique
pour le bonheur des amoureux des belles lettres, d’une langue poussée à
l’excellence.
Il y a des écrivains qui sont véritablement
hors des sentiers battus qui paraissent presque irréels tant ils sont hors du
moule que l’époque et la société imposent. Nous voyons malheureusement tant
d’intellectuels qui s’enflent d’orgueils et de vanité en mutilant la langue et
la libre pensée.
Claire Fourier se distingue et s’illumine,
ses écrits sont si vrais que chacun peut s’y voir et se reconnaître, ce sont
des histoires humaines authentiques sans artifices ni ornements illusoires.
Les livres de Claire Fourier sont une
bouffée d’oxygène, ils interpellent l’âme humaine, c’est aussi un baume
salvateur pour le cœur qui se réchauffe de page en page tout en restant lucide
sans se perdre entre les lignes.
Claire Fourier rend sa valeur au verbe,
élevant la langue dans la sensualité, dans un élan quasi spirituel, laissant
les sens en éveil, même la plume s’émerveille, les nuages s’écartent et se
dissipent laissant la place au soleil.
Claire Fourier magnifie les genres, surfant,
voguant aisément entre romans, récits, essais, poèmes, ses livres sont hors
catégories, hors des limites fixées pour une littérature standardisée.
Claire Fourier est dans le temps et hors du
temps, ses ailes déployées sans équivoque nous invitent à beauté, à la
réflexion, à la liberté, à la passion.
Le Matin d’Algérie : Vous avez beaucoup
enseigné la littérature, la passion de l’écriture vous habite, qui est Claire
Fourier ?
Claire Fourier : Qui suis-je ? Oh, une femme
habitée par la tendresse pour le genre humain. La littérature m’aide à trouver
un sens à la condition humaine, à nos misères, à répondre à la question : à
quoi bon, ce que nous vivons ? De ce fait, la philosophie m’habite plus que la
littérature. Je ne suis pas vraiment une romancière : fabrique, raconter des
histoires pour divertir ne m’intéresse pas, et j’en serais incapable.
Le Matin d’Algérie : Vos livres sont
époustouflants de beauté, de magie, comment réussissez-vous cela ?
Claire Fourier : La magie ! Si elle
s’expliquait ! Mais y a-t-il de la magie dans mes livres ? Vous m’honorez. Je
suis consciencieuse, c’est tout… Hélas, je me sens tellement en deçà de ce à
quoi j’aspire.
Quant à la beauté ! J’essaie, oui, où que ce
soit, dans mon comportement, mes pensées, mon écriture, sinon d’atteindre,
d’approcher la beauté, synonyme de noblesse, selon moi. Dur, dur ! D’autant
qu’il faut donner une impression d’aisance. Mais peut-être est-ce de l’effort
dissimulé que surgit la magie qui a toujours l’air d’une chose facile ?
Le Matin d’Algérie : Le temps ne semble pas
avoir de prise sur vous, comment faites-vous ?
Claire Fourier : Oh si, le temps a prise sur
moi ! Du reste il est le sujet majeur de mes livres. Le temps nous érode (je
m’en désole quand je me vois dans le miroir !), il use nos élans, mais nous ne
valons quelque chose qu’en assumant les effets du temps sur notre personne.
Rejeter le temps nous rétrécit, l’accepter nous grandit. J’essaie donc de tirer
de l’âge, autrement dit, de l’expérience et des déconvenues, un maximum de
bienfaits. Je dis volontiers qu’il n’est de guerre juste que de guerre contre
soi-même, – guerre où nous devons affuter des armes menues pour non pas nier,
mais transfigurer le travail du temps, l’alléger et le rendre transparent, et
être toujours et partout au mieux de ce que nous pouvons être… tout en sachant
que ce mieux est souvent dérisoire. Vivre, c’est travailler inlassablement à
s’améliorer, et rien d’autre.
Le Matin d’Algérie : Vous vous démarquez des
écrivains en vogue qui sont plus dans l’air du temps et le souffle des vents,
votre écriture bouleverse tant elle est vraie et intemporelle, qu’en
pensez-vous ?
Claire Fourier : Oui, j’essaie d’être fidèle
dans l’écriture à ma part la plus difficile : l’exigence de vérité. On revient
à ce que je disais plus haut : la sagesse consiste à faire du temps un tremplin
pour l’intemporel (pour le divin). Ce qui est actuel m’intéresse, bien entendu,
mais je tâche de faire que l’actuel ouvre sur l’intemporel et l’universel. En
donnant à l’instant une valeur dans la durée. – Mettre les choses et les
événements en perspective aide à les comprendre. Mettre en parallèle le présent
et le passé aide à appréhender l’avenir. Je l’ai fait notamment dans Tombeau
pour Damiens, où je rends justice, dans un portrait fouillé, à l’homme qui fut
écartelé pour avoir égratigné le roi Louis XV et qui, au matin de sa
condamnation, répondit aux juges qui lui annonçaient la nature de son supplice :
« La journée sera rude. » J’ai mis en perspective le supplice d’un homme du
XVIIIe siècle et nos menus supplices quotidiens, lesquels si souvent nous font
pareillement dire au matin : la journée sera rude.
Le Matin d’Algérie : Votre écrit sur l’Abbé
Pierre sur Facebook, ce saint homme qui a voué sa vie à aider les plus pauvres
m’a profondément touché, « Pauvre vieillard seul, si seul dans sa chambre
d’hôpital au soir d’une vie de sacrifices, giflé par une infirmière qui s’est
sentie outragée. Mais où donc est l’outrage ? » l’humain semble si oublieux
dans une époque dénuée du sacré, quel est votre avis ?
Claire Fourier : Cette affaire me touche. Je
ne suis pas née pour juger, mais pour comprendre. Et qu’au soir d’une vie
consacrée à son prochain et nourrie de sacrifices, un vieillard, l’abbé Pierre,
atteint de la maladie de Parkinson soit giflé dans sa chambre d’hôpital par une
infirmière parce qu’il a touché son sein, voulu trouver un peu de consolation à
sa solitude, et qu’ensuite cette infirmière (une femme tout de même censée
réconforter) se vante de l’avoir giflé, me paraît abominable et un outrage au
sacré qui loge en chacun de nous. (J’aurais pris la tête du vieillard sur mon
sein avec un sourire et trois mots gentils.)
L’enfant et le vieillard sont particulièrement
sacrés. Or, l’enfant est devenu ludique et le vieillard n’est plus respecté. Le
blasphème est à la mode, au nom de la liberté d’expression. Il y a là, selon
moi, un outrage à la part divine qui loge dans l’être humain.
Le sacré dépasse l’individu, mais exige le
respect de la personne, toujours fragile et défaillante.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les
écrivains qui vous influencent ?
Claire Fourier : Les écrivains russes qui
m’ont enseigné la compassion, la grande pitié.
Montherlant qui m’a enseigné l’écriture
lancée, limpide. Nietzsche qui m’a enseigné l’indépendance d’esprit, le refus
de penser comme le troupeau.
Simone Weil pour les raisons dites plus haut
: le respect du sacré et de la beauté – deux choses qui vont ensemble, selon elle.
D’autres encore, bien entendu.
Le Matin d’Algérie : Vos livres éveillent,
éclairent, entre philosophie et spiritualité, non pas dans une dualité mais
dans une complémentarité, qu’en pensez-vous ?
Claire Fourier : Je me suis longtemps
intéressée à la théologie, cela a accentué un besoin de vivre porté par la
spiritualité. J’ai fait naguère dans un monastère de la Chartreuse un séjour de
dix jours qui m’a beaucoup marquée. J’ai du goût pour l’ascèse et la vie
spirituelle. – Ce qui n’est pas antinomique avec la vie sensuelle. J’ai ainsi
écrit quelques livres dits érotiques mais que je qualifie plutôt de sensuels,
car l’érotisme est souvent violent tandis que la sensualité apaise
l’agressivité et la cruauté du monde.
Bien entendu, dans la vie publique j’approuve
la laïcité, mais je n’aime pas la laïcardise. Et je regrette qu’au nom de la
laïcité, on n’enseigne pas à l’école l’histoire comparative des religions, sans
sectarisme, sans dogmatisme. Quel progrès cela ferait faire aux jeunes esprits
curieux ! C’est un enseignement délicat certes, pourtant nécessaire.
La spiritualité et la vie intérieure nous
sont vitales, elles nous distinguent de la bête, de même que le souci de la
transcendance. Il faut en donner le goût aux enfants.
Le Matin d’Algérie : Votre livre « Tout est
solitude » publié chez les éditions Tinbad est incroyable, car on ne sent pas
du tout seul en le lisant, à quoi est due cette magie ?
Claire Fourier : Vous me récompensez en
disant cela, car je n’ai pas écrit ce livre d’un claquement de doigt ; ce fut
un dur labeur. J’ai voulu analyser pour le lecteur le secret dont il souffre,
et ce secret, c’est la solitude inhérente à la condition humaine. J’ai voulu
aider le lecteur à apprivoiser sa solitude, plutôt qu’à la fuir, parce qu’on
souffre encore plus en la reniant qu’en l’assumant. J’ai considéré qu’il était
de mon devoir de mettre au service du lecteur le petit don que j’ai pour les
mots afin de l’aider à « faire avec » la solitude, en lui disant bien qu’il
n’est pas seul à être seul, que nous appartenons tous à une communauté de
solitaires. Vous me signifiez que j’ai un peu réussi. Tant mieux.
Je plaide non pour le vivre-ensemble pesant,
mais pour une légère communion dans le sentiment de solitude. Je l’ai fait à ma
manière, avec une part d’humour, d’impertinence, de drôlerie, et peut-être de
grâce, ce qui expliquerait la magie dont vous parlez ?
Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Claire Fourier : J’ai continument des
projets. Mais finis les récits épuisants qui exigent une longue documentation.
Je reviens à ma veine profonde, les « Mélanges » : recueils de pensées, de
sensations, d’observations, de saynètes, nourris du quotidien et dépassant le
quotidien, disons : des esquisses, des éclats de romans, fondés sur la
compréhension d’autrui.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Claire Fourier : Je le laisse à un homme qui
avait ses racines en Algérie, Albert Camus : « Quoi qu’il prétende, le siècle
est à la recherche d’une aristocratie. Mais il ne voit pas qu’il lui faut pour
cela renoncer au but qu’il s’assigne hautement : le bien-être. Il n’y a
d’aristocratie que du sacrifice. L’aristocrate est d’abord celui qui donne sans
recevoir, qui « s’oblige ». »
J’ajoute, dans le sillage de Camus : il faut
tâcher d’écrire en aristocrate et faire que les grains de poussière que sont
les mots, s’agglomèrent à la Voie Lactée, pour retomber en pluie d’étoiles et
éclairer la solitude, la nuit de nos semblables, nos pareils… tellement
dépareillés.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Mardi 24 septembre 2024
lematindalgerie.com
Le pianiste François Kerdoncuff s’est éteint le 12 septembre à l’âge de 70 ans des suites d’une longue maladie, il fut inhumé le 18 septembre à Brest, que sa belle âme repose en paix, sa disparition marque la fin d’une belle époque.
François Kerdoncuff est d’origine bretonne, du Finistère, il se distingue très jeune et se révèle comme l’un des plus grands pianistes occidentaux, par son approche subtile et sa maîtrise rare du piano.
De Johann Sebastian Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven, Pyotr Ilyich Tchaikovsky, Franz Schubert, Frédéric Chopin, Richard Wagner, Giuseppe Verdi, Joseph Haydn, Johannes Brahms, George Frideric Handel, Claude Debussy, Antonio Vivaldi, Franz Liszt, Hector Berlioz, Felix Mendelssohn, Maurice Ravel, Robert Schumann, Gustav Mahler, Igor Stravinsky, Henri Purcell, Gioachino Rossini, Antoni Dvorak, Sergueï Rachmaninov, Richard Wagner, Dmitri Chostakovitch, Sergei Prokofiev, Camille Saint-Saëns, Béla Bartók, Erik Satie, Guy Ropartz…,le piano, cet instrument noble traverse les siècles sans jamais prendre une ride.
François Kerdoncuff fut l’élève de Nadia Tagrine à la Schola Cantorum et de Vlado Perlemuter au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris (CNSM, Paris) où il obtient son premier prix de piano en 1969.
François Kerdponcuff était un pianiste virtuose, il ne faisait qu’un avec son piano, il incarnait le savoir et la passion musicale, son répertoire était riche et varié, interprétant, Johann Sébastian Bach, Ludwig van Beethoven, Maurice Ravel mais aussi Guy Ropartz, magistralement, avec une maîtrise technique forçant l’admiration dans un jaillissement d’émotions laissant l’oreille et le cœur dans l’émerveillement.
François Kerdponcuff s’est produit dans de nombreux festivals en France (festivals de La Roque d’Anthéron, Saint-Denis, Menton, Aix-en-Provence, Nohant, l’Orangerie de Bagatelle, Abbaye de la Prée, Vézère, Fénétrange…)
En musique de chambre, il a joué avec les plus grands, les quatuors Benaïm, Sine Nomine, Arpeggione, Manfred ; les violonistes Jean-Marc Phillips, Nicolas Dautricourt, Jan Orawiec, Alexis Galpérine ; les violoncellistes Raphaël Pidoux, Henri Demarquette, Lluis Claret, Yvan Chiffoleau, Raphaël Chrétien ; les chanteurs Mireille Delunsch, Marc Mauillon, Agnès Mellon, Sylvie Sullé, Vincent Le Texier, Brigitte Balleys ; les comédiens Lambert Wilson, Robin Renucci.
Il fut également pendant quelques années directeur artistique du Festival des Musicales de Blanchardeau à Lanvollon dans les Côtes d’Armor, il laisse une quinzaine d’enregistrements, CD, sous le label Timpani.
Parallèlement, il a enseigné le piano au Conservatoire Municipal Georges Bizet du 20e arrondissement de Paris et au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris (CRR).
François Kerdoncufffut directeur du Conservatoire Municipal Camille Saint-Saëns du 8e arrondissement de Paris de 2005 à 2017 où il a enseigné également le piano, et c’est précisément là où j’ai eu la chance de le rencontrer en 2005, c’est mon ami Michel Capelier, musicien, compositeur, chef d’orchestre, professeur d’écriture musicale, paix à son âme, qui a dirigé le Conservatoire Municipal du 8e pendant 20 ans, de 1985 à 2005, qui me l’a présenté.
Michel Capelier et François Kerdoncuff ont assisté tous les deux au récital que j’ai donné dans ce conservatoire, entouré par 7 musiciens, le 07 juin 2006 à 20h, pendant plus de 2 heures, un concert unique célébrant l’ouverture culturelle de Paris sur la musique berbère d’expression kabyle, rendu possible grâce à Michel Capelier directeur et à l’association des parents d’élèves. Une date mémorable gravée à jamais dans mon esprit, je les revois encore assis côte à côte au premier rang, me regardant avec une attention toute particulière pendant mon concert.
Au-delà du rapport professionnel, une amitié était née entre François Kerdoncuff et moi, des années de partage d’amitié, je n’oublierai jamais son ouverture culturelle, sa gentillesse, son écoute et ses encouragements dans ma création musicale.
Le 16 décembre 2015, je fus invité à chanter une chanson en kabyle au bœuf de Noël du conservatoire, François Kerdoncuff, alors directeur, m’a présenté en me rendant un bel hommage ; ses mots chaleureux, dignes du gentleman et du savant de l’art musical qu’il était résonnent encore dans ma tête et sont à jamais gravés dans mon âme et mon cœur.
François Kerdoncuff incarnait à la fois, le savoir, le génie musical, l’humilité, les valeurs, l’esprit et le cœur.
Brahim Saci
Le 20 septembre 2024
diasporadz.com
La mezzo-soprano Doris Lamprecht : chanter rend heureux définitivement !
La mezzo-soprano Doris Lamprecht : chanter rend heureux définitivement !
Doris Lamprecht est une célèbre mezzo-soprano, dont l’aura illumine tout ce qui l’entoure, tant la grâce, le talent et l’humilité s’emmêlent pour ne faire qu’un.
Sa maîtrise vocale atteint les sommets et les plus hautes cimes, une harmonie quasi céleste et spirituelle, quand on l’entend nous sommes saisis et transportés comme par magie par des émotions qui jaillissent pour baigner le corps et l’esprit laissant les sens en éveil, l’œil et l’oreille s’émerveillent, c’est la voix du soleil.
Doris Lamprecht est l’une des plus grandes chanteuses mezzo-sopranos occidentales, bénie par les arts écartant tout brouillard pour ne laisser que l’éclaircie salvatrice d’où les espoirs jaillissent. C’est une voix qui relie la terre au ciel jusqu’aux univers sans fins et limites.
Quand j’écoute Doris Lamprecht je ne peux m’empêcher de penser à Marian Anderson, Agnès Baltsa, Teresa Berganza, Olga Borodina Grace Bumbry, Brigitte Fassbänder, Waltraud Meier, Martha Mödl, Gertrud Burgsthaler-Schuster, Angelika Kirchschlager, tant son talent est grand. Doris incarne tout à la fois le travail, la maîtrise, le don et le talent, des capacités vocales très vastes, ajoutant des couleurs et de la vie aux répertoires qu’elle visite, qu’elle chante et incarne.
Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, où elle passe son prix de chant dans la classe de Jane Berbié, à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris auprès de Michel Sénéchal, elle suit des Masterclasses avec des professeurs de renom tel que Christa Ludwig, Daniel Ferro, Lorraine Nubar, Sena Jurinac, Anthony Rolfe Johnson, Véra Rosza, Heather Harper, Nancy Evans, et se perfectionne en Mélodie et Lied auprès de Gérard Souzay, Dalton Baldwin, Gerald Moore, Martin Isepp et surtout Ruben Lifschitz.
Doris Lamprecht se distingue par sa présence sur scène et ses qualités vocales dans un très vaste répertoire, qui va de Monteverdi, Bach, Haendel de (Scipione à Beaune), aux compositeurs contemporains (créations du Maître et Marguerite de York Höller au palais Garnier, des Lettres de Westerbork d’Olivier Greif, de La Frontière de Philippe Manoury).
Par son talent elle a marqué de son empreinte la Junon du Platée de Rameau, mis en scène à l’Opéra de Paris par Laurent Pelly – avec lequel elle joua au théâtre.
Elle s’est notamment fait remarquer dans Mme Boulingrin (Les Boulingrin, création de Georges Aperghis à l’Opéra-Comique, Lady Pamela dans le Fra Diavolo d’Auber, à l’Opéra-Comique et à l’Opéra Royal de Wallonie, et Ermerance (Véronique) mise en scène par Fanny Ardant au Théâtre du Châtelet. À l’Opéra de Paris, dans Die tote Stadt, Exceptionnelle dans Brigitta.
À l’aise en italien, en français, en allemand, elle interprète avec succès Verdi (Rigoletto à Strasbourg, La traviata à Orange), d’Offenbach (Les Brigands à l’Opéra Bastille, La Belle Hélène à Zürich sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, La Périchole à Marseille, La Vie Parisienne à Tours), de Mozart (La Flûte enchantée à Aix-en-Provence, Lyon et Orange), de Alban Berg (Lulu à Metz), ou encore de Humperdinck (Hänsel et Gretel à l’Opéra des Flandres).
Elle s’est fait également remarquer dans de nombreux rôles dont Dame Marthe (Faust à Lille, Amsterdam et Paris), Gertrud (Hamlet à Saint-Etienne et Moscou), Marcelline (Les Noces de Figaro à Tours et Reims), La Duègne (Cyrano au Châtelet et au Teatro Real de Madrid), Madame Larina dans Eugène Onéguine à Strasbourg, Avignon et Genève, Madame de Croissy (Dialogues des carmélites à l’Opéra de Nantes et Angers), Madame de la Haltière (Cendrillon au Liceu de Barcelone), La Marquise de Berkenfield (La Fille du régiment à l’Opéra de Paris), mise en scène de Laurent Pelly, avec Natalie Dessay et Juan Diego Florez.
Doris Lamprecht est régulièrement à l’affiche à Paris, notamment la Sorcière dans Hänsel et Gretel à L’Opéra de Paris, ainsi que dans Faust et à l’Opéra, mise en scène de Jérôme Deschamps pour Les Mousquetaires au Couvent, Hedwige dans Guillaume Tell, Jacqueline dans Le médecin malgré lui au Grand Théâtre de Genève, L’Opinion Publique dans Orphée aux Enfers à Nancy et Montpellier et à Nantes-Angers Opéra.
Cette chanteuse lyrique née à Linz en Autriche d’une mère compositrice de chansons folkloriques autrichiennes et d’un père fonctionnaire a su mener avec brio une carrière internationale, ses qualités vocales et son talent scénique l’amènent sur les plus grandes scènes mondiales.
Doris Lamprecht est professeur de chant au Conservatoire à Rayonnement Régional CRR de Paris, au PSPBB – Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt, au Conservatoire de Musique du 8ème et 9ème arrondissement CMA8 et CMA9 à Paris.
Doris Lamprecht est membre fondateur aux côtés d’Ariane Jacob, Marc Surgers, Daniel Gardiole, Soyoung Lee, Sarah Niblack et André Serre-Milan, du Festival Chant de la Terre qui propose la 3e édition du 13 au 15 septembre 2024, toujours dans le cadre idyllique du Jardin d’agronomie tropicale de Paris, au 45 bis avenue de la Belle Gabrielle 75012 Paris, pour de belles rencontres où se mêlent les parfums, les couleurs et les styles musicaux.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes une célèbre chanteuse mezzo-soprano, vous sillonnez le monde, vous paraissez infatigable, qui est Doris Lamprecht ?
Doris Lamprecht : Je ne suis que l’instrument qu’on a bien voulu me confier à ma naissance et que je continue à travailler à travers les hauts et les bas d’une vie accomplie. Toujours heureuse et curieuse de prendre de nouveaux défis. J’ai la chance de pouvoir renouveler ma passion tous les jours.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes membre fondateur de ce beau Festival Chant de la Terre, qui en est à sa 3e édition, parlez-nous un peu de ce festival ?
Doris Lamprecht : C’est un Festival fondé il y a trois ans par une amie pianiste Ariane Jacob.
Le jardin d’Agronomie tropical du Bois de Vincennes est un lieu absolument magique et très peu connu par les parisiens.
Vous y trouvez les vestiges de l’exposition coloniale de 1907 en partie restaurés. Les concerts auront lieu au Pavillon Indochine et en plein air.
Les artistes viennent des quatre coins du monde et vous feront découvrir des compositeurs et leurs partitions qui sont elles-mêmes le fruit de la rencontre des cultures.
Le Matin d’Algérie : Le concert d’ouverture de cette troisième édition de ce Festival du Vendredi 13 septembre à 19h30 au Pavillon Indochine est “Chants d’Espagne et de Kabylie” avec la célèbre Amel Brahim Djelloul et le guitariste Thomas Keck, un mot sur cette chanteuse soprano Amel Brahim Djelloul qui mêle la tradition et le classique.
Doris Lamprecht : Amel et moi nous nous connaissons depuis la production « Véronique » d’André Messager, donnée au Théâtre du Châtelet. Elle m’a tout de suite fascinée par sa spontanéité, sa sincérité son talent et surtout son humanité. C’est une grande « Dame » autant connue dans le monde de l’Opéra que des concerts et récitals.
Je suis très heureuse qu’elle ait accepté de partager son amour pour la musique traditionnelle kabyle et de nous faire voyager grâce à un large éventail de son art et ses talents. J’ai hâte de l’accueillir et surtout de l’écouter.
Le Matin d’Algérie : Comment est née cette passion pour l’art lyrique ?
Doris Lamprecht : Comme vous le savez, je suis Autrichienne. Sans prétention aucune je peux vous assurer que la musique en général a une grande place dans la culture des Autrichiens.
J’ai débuté petite soliste à l’église, je suis passée soliste de notre chorale du lycée. Il était facile de dire : pourquoi ne pas tenter un Conservatoire supérieur ?
Le Matin d’Algérie : Quels sont les chanteurs lyriques qui vous influencent ?
Doris Lamprecht : J’ai toujours été en admiration devant Kathleen Ferrier et Christa Ludwig. Ensuite ce sont des rencontres sur scène. José Van Dam, immense artiste et collègue, Margaret Price avec laquelle j’ai eu la chance de partager la scène dans « Ariane à Naxos » et tou(s)tes les autres qui m’ont tellement appris rien qu’en les observant.
Je suis malgré ma longue carrière, comme un enfant jouant à la locomotive. Je m’émerveille de tout et mes antennes restent ouvertes sans jamais se blaser.
Le Matin d’Algérie : Que pensez-vous de l’enseignement du chant dans les conservatoires parisiens ?
Doris Lamprecht : Nous avons beaucoup de chance à Paris, car chaque conservatoire d’arrondissement a une classe de chant. Les professeurs sont de qualité et les modules complémentaires proposés préparent aux grandes écoles toutes celles et ceux qui se montrent digne de notre art. La seule chose que je regrette est le temps imposé.
Les chanteurs ne sont pas de petits élèves de 5 ans qui débutent avec une demi-heure et dont la concentration a des limites.
Malheureusement, nos jeunes recrues entre 18 et 20 ans ne feront qu’une demi-heure comme les petits, alors que le temps de comprendre son corps, son propre instrument, nécessite beaucoup de patience. Personnellement, je dirais qu’un minimum de quarante-cinq minutes seraient beaucoup mieux pour avancer plus vite.
Le Matin d’Algérie : Y a-t-il un pont entre le chant traditionnel dit folklorique et le chant lyrique ?
Doris Lamprecht : Le chant lyrique trouve forcément ses origines dans le chant traditionnel. Le chant folklorique raconte des histoires mettant en musique des situations avec des textes. S’en suivent des Madrigaux en Italie, le premier Opéra vers 1598…
Le Matin d’Algérie : Que pensez-vous de ce proverbe égyptien « N’est malheureux que celui qui ne sait pas chanter » ?
Doris Lamprecht : J’adore les proverbes orientaux. Effectivement chanter est également une thérapie pour moi. On rayonne on respire on vit. Chanter rend heureux définitivement !
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Doris Lamprecht : Je suis actuellement en répétition à l’Opéra de Paris pour « Les Brigands » une opérette de Jacques Offenbach. Je suis très heureuse de faire partie de cette aventure. Ayant chanté le rôle principal, il y a trente ans dans cette même maison et la même opérette, je me retrouve toujours sur la même scène, cette fois-ci dans un rôle beaucoup plus modeste. Mais quel plaisir de voir tous ces jeunes talents autour de moi. La boucle se boucle.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Doris Lamprecht : Il y a de très belles voix en Algérie qui soigne cette culture lyrique. J’ai cette année même une nouvelle étudiante au CRR de Paris (Conservatoire à rayonnement régional) que je serais heureuse d’accompagner le plus loin possible.
Qui sait ? Une interview d’elle dans quelques années. Je vous donne rendez-vous.
Entretien réalisé par Brahim Saci.
lematindalgerie.com
jeudi 12 septembre 2024.
Louis Albert de Broglie. Crédit photo : Deyrolle
Rencontre avec le prince Louis Albert de Broglie
Louis-Albert de Broglie est cet homme érudit, humaniste, qui tire son savoir de la terre et du ciel tel un ange battant des ailes, qu’on croirait sorti d’un conte, tant ce passionné rend le merveilleux possible.
Ce fils de la terre, défenseur du patrimoine universel, multiplie ses efforts pour préserver cette nature généreuse et belle qui remplit le regard lumineux et le cœur heureux, quand on donne on reçoit, œuvrer sans penser au résultat, dans la grâce et l’humilité.
Rien ne prédestinait ce banquier à la préservation environnementale, à la bioculture dans le respect de la nature, et pourtant il arrive avec un regard nouveau, innovant qui déchire les non-sens pour redonner sa valeur au sens, dans une époque qui court vers l’abondance superficielle laissant l’humain sur le bord du chemin.
Louis-Albert de Broglie redonne sa place à l’humain, qu’il arrache du mensonge des illusions de la société sauvage des marchés, pour en sortir le vrai, ralentissant le temps pour un regard en arrière salutaire vers les valeurs et le lien avec la terre et le ciel pour construire l’espoir d’un meilleur avenir.
Louis-Albert de Broglie est comme un ange investi d’une mission quasi divine, le visage apaisé rayonnant de bonté et d’humilité, avec cette noblesse d’âme héritée de ses ancêtres dont l’exemple même améliore notre regard sur le monde. Il est issu d’une illustre famille ; la maison de Broglie compte cinq académiciens, un ministre, un prix Nobel, trois maréchaux, un député et deux évêques.
Cet aristocrate, fils de Jean de Broglie (qui a été l’un des signataires des accords d’Évian avec Krim Belkacem) et de Micheline Segard, a grandi à Paris où il a fait ses études, diplômé de l’école de l’ISG (Institut supérieur de gestion). Il travaille comme banquier de Paris à Londres par l’Inde et l’Amérique latine. Les projets foisonnent dans sa tête et n’arrête pas de se lancer de nouveaux défis.
Louis-Albert de Broglie se souvient des vacances au château familial de Broglie en Normandie. C’est sans doute là qu’est né cet amour de la terre et de la nature et de la volonté de les préserver dans le respect environnemental, militant écologiste, habile entrepreneur.
C’est en 1992, qu’il rachète le Château de La Bourdaisière, classé monument historique, situé en Touraine, au cœur des châteaux de la Loire, il en a fait un hôtel. Louis-Albert de Broglie s’est totalement investi, cœur et âme dans l’écologie, il crée une ferme, un vrai laboratoire d’expérimentation, il a commencé à collecter des graines de tomates pour les planter, et c’est en 1996 qu’il crée le Conservatoire national de la Tomate avec aujourd’hui 650 variétés de tomates cultivées. On le surnomme le prince jardinier.
Louis Albert de Broglie s’est intéressé à la biodiversité en créant dans le parc du château un jardin de plus de 300 variétés de Dahlias, sorti tout droit comme par magie des tableaux des impressionnistes, de Claude Monet, d’Auguste Renoir, de Vincent Van Gogh, dans un jaillissement des couleurs émerveillant les sens, le cœur, les yeux et les cieux, dans un éveil quasi spirituel et un magnifique verger d’environ 80 arbres fruitiers qui forment une belle collection.
Louis Albert de Broglie rachète en 2001 Deyrolle, une institution scientifique et pédagogique située au 46, rue du Bac à Paris qui existe depuis 1831, un temple de l’observation de la nature, et une référence dans le domaine de l’art.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes comme un personnage sorti d’un conte, on vous surnomme le prince jardinier, qui est Louis Albert de Broglie ?
Louis Albert de Broglie : Un peu des deux je suppose, mais heureux d’être avant tout un terrien avec le bagage d’un curieux. Rêveur certes, mais qui tente de comprendre ce qui est sous l’écorce, c’est-à-dire ce que représente l’extraordinaire richesse de la vie, qu’il nous faut apprendre pour mieux la préserver. Pour l’Avenir. Nous avons tant reçu du passé, nous avons tant à transmettre à nos enfants et nous sommes pleins de contradictions. Alors, je cherche l’équilibre dans ce triptyque que j’ai fait mien, Nature Art Education, comme un mantra, mais surtout comme un regard engagé sur la société et sa responsabilité qu’elle doit avoir pour les générations futures.
Le Matin d’Algérie : De la banque au jardin, pouvez-vous nous expliquer ?
Louis Albert de Broglie : Tout est affaire de culture et donc de semer pour récolter. La banque m’a montré le chemin de l’entrepreneuriat, c’était il y a 33 ans. Puis je suis devenu mon propre guide. Le jardin, qui a été à ma naissance un terrain de jeu, me rassure sur le temps long, celui qu’il faut apprivoiser alors que le temps du ‘zapping’ est devenu monnaie commune. Le jardin nourrit et soigne, il émerveille, il nous apprend le partage, la frugalité, la résilience.
Le Matin d’Algérie : En parcourant votre domaine on se rend vite compte que vous avez le regard du peintre, qu’en pensez-vous ?
Louis Albert de Broglie : Quel compliment vous me faites. La nature dans toutes ses compositions, de la matière inerte comme vivante, constitue les tableaux les plus merveilleux qui soient, puisse-t-on les observer. En vous parlant, je regarde au loin une colline plantée de pins parasols, et il me semble contempler le jardin de mousse du temple bouddhiste de Kyoto, Saiho-ji kokedera, je décortique dans ma mémoire ce qui m’émeut et je voyage de par le monde comme dans un tableau de la Renaissance.
Le Matin d’Algérie : Est-ce les souvenirs du château familial de votre enfance qui vous ont poussé à acquérir le Château de La Bourdaisière ?
Louis Albert de Broglie : Peut-être, je ne sais point. Les mystères de nos intuitions, ou de nos repères. Je suis le dépositaire d’un patrimoine et je me sens responsable d’en défendre d’autres, et donc de tenter de faire vivre dans le monde d’aujourd’hui ce qui a constitué la trace du monde d’hier. Cela veut dire être moderne et faire rentrer dans la modernité un monument historique.
Au cœur des châteaux de La Loire, le Château-Hôtel de La Bourdaisière est mon laboratoire autour des enjeux d’écologie environnementale et sociale. Ce sont des défis passionnants – et je l’espère inspirants pour les visiteurs – qui m’ont conduit à créer le Conservatoire de la Tomate, le Conservatoire du Dahlia, le Festival de la Forêt et du Bois, la micro ferme bientôt forêt jardin, les expositions (actuellement Deyrolle, Leçons d’Anatomie, son corps son premier capital), le parcours de l’Art et bientôt l’Ecole Nature Art Education par Deyrolle à destination de tous les publics pour préserver la biodiversité et apprendre la conduite du changement.
Le Matin d’Algérie : Vous paraissez infatigable, vous êtes si souriant et jovial, qu’est-ce qui vous anime ?
Louis Albert de Broglie : Comprendre comment nous préparer (nous et nos enfants) à vivre dans un monde de plus en plus agité. Le faire en cultivant ce qui est essentiel pour bien vivre : un jardin nourricier, une bonne santé physique et mentale, une éducation de l’essentiel qui se résumerait de manière triviale comme bien bouger, bien se nourrir, bien dans sa tête.
Le Matin d’Algérie : Face aux défis de cette époque folle de la surconsommation, d’une production industrielle qui détruit la terre et les hommes, l’écologie, la défense des écosystèmes, et la bioculture sont-elles des réponses ?
Louis Albert de Broglie : Il n’y a pas qu’une réponse, mais des réponses pour une vision commune, prendre soin de la Terre, prendre soin des hommes. Créer et recréer des écosystèmes de vie, bas carbone, fondés sur ce qui demeure fondamental pour vivre en bonne santé.
S’intéresser à l’extraordinaire diversité du vivant pour se sustenter, pour étudier l’orthographe, l’histoire, la géographie, les mathématiques, la chimie, la philosophie, les sciences naturelles…, pour grandir plus fort en observant les milieux et le vivant, comme autant de raisons de moins se préoccuper des travers de la consommation et des chimères que sont les excès de la démesure, de l’hybris.
Le Matin d’Algérie : Parlez-nous du Conservatoire National de la tomate que vous avez créé ?
Louis Albert de Broglie : Juste l’expression de la méconnaissance de ce dont nous avons hérité. Il y a 30 ans, pour beaucoup, la tomate était ronde, rouge et sans saveur. Aujourd’hui, notamment à travers les travaux du Conservatoire de la tomate, nous comprenons qu’il existe plus de 20.000 variétés anciennes, de toutes les couleurs, toutes les formes et de goûts bien différents. Les qualités organoleptiques de ce fruit sont immenses mais révèlent l’intérêt que nous devons porter à la diversité, source de découvertes dans de nombreux domaines.
Il y a tant à entreprendre dans tous les chapitres de la recherche quand on étudie les propriétés d’une espèce, d’une variété que ce conservatoire est juste un exemple qu’il faut continuer à cultiver ! au service de notre santé et de notre bien-être.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur Deyrolle, cette extraordinaire institution scientifique et pédagogique
Louis Albert de Broglie : Un mot ne ferait pas gratitude à cette exceptionnelle maison au langage universel qui fut présente à travers les musées, les écoles dans plus de 120 pays entre 1840 et 1970. Deyrolle a fondé l’engagement scientifique, pédagogique et artistiques de très nombreuses personnes à travers le monde, notamment avec la création de matériel scientifique dédié à la faune, la flore, la chimie, la physique, le corps humain… Ses célèbres planches pédagogiques, qui voient le jour dès la fin du XIXe siècle pour orner les murs des écoles et universités, ont été traduites historiquement en espagnol, portugais, arabe, anglais. Deyrolle pérennise aujourd’hui cet engagement avec la création de collections naturalistes autant que d’œuvres artistiques. Je me suis employé depuis 2001 à retrouver l’ADN de cette institution et la faire rentrer dans le XXI° siècle à travers deux nouveaux métiers :
- Créer un langage universel pour la préservation de la biodiversité et la conduite du changement par des outils comme les ouvrages, les nouvelles planches et les livrets pédagogiques, la conception d’expositions sur une écologie positive (l’exposition Dessine-moi ta planète qui croise le regard du Petit Prince et celui de Deyrolle et qui fera le tour du monde), les collaborations avec les entreprises engagées à partir de l’iconographie historique.
- Créer les contenus pour la mise en place d’écosystèmes bas carbone : ce sont les projets d’aménagement de territoires que nous concevons pour les aménageurs, les villes, les entreprises (voir deyrolleterritoires.com) à travers une méthodologie fondée sur notre triptyques Nature Art Education, qui permettent une autre vision du territoire, transversale, plus résiliente, plus humaine, plus respectueuse du vivant.
Depuis 2001, Deyrolle a été partenaire de la COP21 pour l’éducation ; a retrouvé les chemins de l’école (kit pédagogique sur les enjeux environnementaux et sociétaux) ; a une convention cadre avec l’UNESCO pour la diffusion des sciences. C’est donc une institution puissante, moderne qui ambitionne de servir la cause de tous les projets au service d’un monde plus équilibré.
Le Matin d’Algérie : Que pensez-vous de cette citation de Charles Darwin : « L‘amour pour toutes les créatures vivantes est le plus noble attribut de l’homme » ?
Louis Albert de Broglie : Charles Darwin a appareillé sur le Beagle en 1831, date de la naissance de la maison Deyrolle ! Je suis évidemment sensible aux mots de Charles Darwin et je déplore que nous fassions partie des créatures vivantes dérogeant quotidiennement à l’amour que nous devrions porter à autrui, que ce soit les hommes, les animaux, ou les plantes.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Louis Albert de Broglie : Oui, ils sont nombreux, et espérons tous dans la même direction, donner du sens à la Vie et ce pour l’Avenir. À suivre sur les sites de Deyrolle et de Deyrolle Territoires.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Louis Albert de Broglie : Merci à vous de tant de bienveillance. Il y a tant à faire partout où il y a la Vie. Nous nous devons de construire des mondes plus respectueux de la Terre et des hommes. Le monde de demain, toujours plus connecté, plus rapide dans ses interactions, par la technologie, par le progrès doit se souvenir que l’excès de vitesse peut nuire à l’équilibre, que le vivant, sur lequel se sont érigées nos sociétés, est fragile, que notre condition l’est, contrairement au roseau qui plie et ne rompt point.
Entretien réalisé par Brahim Saci
labourdaisiere.com
deyrolle.com
deyrolleterritoires.com
leprincejardinier.fr
Jeudi 22 août 2024
Lematindalgerie.com
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Le célèbre chanteur Brahim Bellali n’est plus
Le célèbre chanteur Brahim Bellali n’est plus, il s’est éteint aujourd’hui le
19 août à l’âge de 90 ans, à Saint-Denis (Seine-Saint- Denis) que sa belle âme
repose en paix.
Brahim Bellali était originaire de Guenzet, Ath Yaala. Guenzet héritière de la
tradition intellectuelle de la Kalâa des Beni Yaala, depuis le XIe siècle comme
l’atteste Ibn Khaldoun dans son Histoire des Berbères et des Dynasties
musulmanes.
Cette région fut depuis plusieurs siècles un centre de diffusion du savoir.
Guenzet est située au nord-ouest de Sétif dans la chaîne des Babors, entourée
des communes de Harbil, Ain legradj (Setif) et El-Maïn, Tassamart, Zemmoura
(Bordj Bou Arreridj).
La disparition de Brahim Bellali signe la fin d’une époque, où la musique est
une école, transmise de maître à maître. Sa rencontre avec le compositeur chef d’orchestre Amraoui Missoum un maître incontestable et un monument de la musique chaâbi, Farid Ali, Cheikh Arab Bouyezgarène, a été déterminante et lui a ouvert la voie d’une belle carrière artistique avec des compositions révélant un perfectionnement recherché, et une cime atteinte par beaucoup de travail et de sueurs versées.
Brahim Bellali a marqué son époque, comme Cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Allaoua Zerrouki, Salah Sadaoui, Chérif Kheddam, il est l’un des piliers de la chanson kabyle, il a su apporter sa touche, son empreinte, par son talent et des compositions de qualité restant une référence pour la chanson et la musique algérienne particulièrement kabyle.
Certaines de ses chansons comme, Lemεanda n tismin ig xlan tudrin, Lɣiba tḍul, Ṛuḥ ay itri ṛuḥ, a wi izuṛen at yaala, diffusées régulièrement par la Chaîne 2, ont marqué les mémoires et résonnent dans l’espace-temps.
Je me souviens de nos retrouvailles en 2010 chez le poète Hamid Ait Said rue de Paris à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Brahim Bellali et Chérif Kheddam qui a composé pour lui, venaient souvent dans ce bar où se côtoient les arts et la culture, l’on pouvait voir l’amitié profonde qui les liait, comme il est rare
d’en voir aujourd’hui. Ces moments précieux avec ces deux grands hommes sont gravés dans le cœur et l’esprit.
Brahim Bellali était un gentleman, au visage souriant, généreux, toujours avec
une belle parole, il encourageait toujours. Il était l’artiste aimé de tous. Il
a enrichi considérablement la chanson kabyle depuis la fin des années 50. Il
laisse derrière lui un grand répertoire témoin d’une époque rude et généreuse.
Son engagement dans la Fédération de France du FLN jusqu’à l’indépendance de l’Algérie témoigne de son attachement et de son amour pour son pays.
Brahim Bellali restera cet artiste au grand cœur, aussi grand était son talent,
aussi grande était son humilité, il a eu un parcours lumineux sans ombres.
Brahim Saci.
lematindalgerie
Le 19 août 2024.
Daoud Mekhous, la langue kabyle en bandoulière
Daoud Mekhous invité de l’écrivain Youcef Zirem au café littéraire parisien de l’Impondérable nous a ébloui par sa maîtrise d’une langue kabyle ciselée, travaillée qui n’a rien à envier aux langues internationales, par son imaginaire fertile qui ne demande qu’à se développer et s’élever pour atteindre les plus hautes cimes.
Le passage de l’auteur Daoud Mekhous au café l’Impondérable a renforcé en nous la conviction que la littérature d’expression berbère, plus particulièrement en langue kabyle a de beaux jours devant elle.
La langue berbère plusieurs fois millénaire ne cesse d’occuper du terrain, celui de la création, de la poésie, du roman et de la nouvelle et ceci dans ses différentes langues que ce soit en Algérie, ou ailleurs. Nous sommes loin de la littérature orale, depuis, la Méthode de langue kabyle, de Saïd Boulifa en 1913 et le premier roman, Asfel de Rachid Aliche paru en 1981. Les premiers instituteurs, comme Boulifa, Ben Sedira, ont laissé des textes de littérature orale, comme les poèmes de Si Mohand collectés et publiés par Boulifa.
Mais le premier texte littéraire fut celui de Belaïd Aït Ali ; mort prématurément à 39 ans en 1950, auteur d’un seul ouvrage que le Fichier de Documentation Berbère publia en 1962 sous le titre : Les cahiers de Belaïd ou la Kabylie d’antan. Cet ouvrage est un recueil de poèmes (isefra), de contes (timucuha) et de « nouvelles » (amexluḍ, un mélange descènes de la vie quotidienne en Kabylie)un genre innovant difficile à définir.
Mouloud Mammeri, figure emblématique de la défense de la culture berbère, insuffla un nouvel élan à la littérature berbère. Il recueille et publie, en 1969, les textes du poète kabyle Si Mohand, comme l’ont fait Boulifa en 1904 et Mouloud Feraoun en 1960, en tant que linguiste, Mouloud Mammeri a fixé la graphie berbère (Alphabet berbère latin), même si celle-ci est encore en évolution.
On a vu apparaitre ces dernières années beaucoup d’écrivain en langue kabyle, après tant de peines, cette langue s’approprie un espace resté vierge.
Daoud Mekhous fait partie de cette littérature kabyle émergente, c’est un passionné, très productif, qui magnifie les genres littéraires, passant aisément d’un genre à l’autre, du roman à la nouvelle. Son intervention au café littéraire de l’Impondérable et l’échange avec Youcef Zirem et le public, étaient claires et lucides, si la littérature kabyle souffre d’un manque de lecteurs elle est par contre en pleine expansion, améliorant la qualité, amenant une grande diversité, et un plus grand choix qui ne peut que ramener des lecteurs.
Daoud Mekhous, cet enfant des At Wertiran, au nord-ouest de la wilaya de Sétif en basse Kabylie, cette belle région frontalière de trois wilayas, Béjaïa, Sétif et Bordj Bou Arréridj, une région où résonne encore les noms de Hocine Al Wartilani, un savant du XVIIIe siècle, Abdelhamid Benzine, résistant, militant politique, écrivain et ancien rédacteur en chef d’Alger Républicain.
Abdelhafid Amokrane, compagnon et bras droit de Amirouche Ait Hamouda dans la Wilaya III historique, Cheikh Fodil Al Ouartilani, grand savant algérien de son époque, Cheikh El Mouhoub Ulahbib, un savant du XIXe siècle, connu pour avoir constitué une bibliothèque, d’une riche collection de manuscrits pluridisciplinaires.
Cette belle région célèbre pour ses savants continue d’enfanter des lumières, Daoud Mekhous en fait partie, cet amoureux de sa terre, de sa langue, de sa culture, est l’un des écrivains en langue kabyle les plus prolifiques, son style ne cesse de s’améliorer et de s’affiner au fil des livres pour le plus grand bonheur d’un lectorat exigeant et grandissant.
BRAHIM SACI
Diasporadz.com
Le 19 août 2024
Si Boualem Cheurf (zi Boualem) s’est éteint comme une lumière à Azazga le mardi 17 octobre 2023, subitement à l’âge de 72 ans, que sa belle âme repose en paix.
Si Boualem Cheurf est parti bien trop tôt, lui qui aimait tant la vie et les gens. La terre et le ciel se rappelleront de ce sage, érudit, cet homme hors du commun, au cœur pur, au regard brillant, qui aimait la nature.
J’ai eu la chance de connaître, ce grand monsieur d’art et de culture, qui aimait la liberté de pensée, élégant et discret dont l’aura inspire le respect. Une longue et fidèle amitié était née entre nous à une époque où l’amitié se conjuguait avec la générosité.
Je garde des souvenirs mémorables de ce grand humaniste, qui avait toujours le sourire, un homme d’une grande intelligence, une âme noble qui aimait les gens et la terre. C’était un topographe et un architecte de talent, lorsque fraîchement diplômé il aurait pu partir comme tant d’autres, tenter sa chance et se perdre ailleurs, mais il s’est accroché à cette terre à la fois rude et généreuse, il aimait profondément son pays soucieux de contribuer à sa construction. Il est devenu une source d’inspiration et un repère pour plusieurs générations. Il était plein d’humilité et affable désireux de toujours partager.
Les souvenirs se bousculent dans ma tête, dans ma jeunesse quand je venais en vacances en été, nous parlions beaucoup et c’était à chaque fois une joie de le retrouver. Zi Boualem était un homme éclairé, souvent en avance sur son temps dans ses réflexions et sa façon de voir les choses toujours avec le souci de les améliorer. Nous passions des heures à discuter à la belle étoile, parfois dans le noir complet, seuls nos échanges et les sons de la nature, les cigales, les chacals et autres froissements des buissons et broussailles caressés par le vent rompaient le silence, cela ajoutait une dimension quasi spirituelle à nos discussions interminables. Nous nous quittions tard dans la nuit en pensant au plaisir de nous retrouver le lendemain à la nuit tombée. Je rentrais alors avec une petite lampe de poche ou dans le noir complet laissant les chemins me guider.
Hélas, ces dernières années, les temps ont beaucoup changé, mes retours en Algérie devenaient rares. L’idée de ne plus te revoir mon ami m’est insupportable, tu es parti sans prévenir, des hommes de ta trempe se font rares, tu incarnais les valeurs kabyles, d’entraide, de générosité, d’amour de fraternité, tu aimais tout le monde et tout le monde t’aimait, tu étais aussi devenu l’ami de mon frère si Mokrane, ton absence sera dure à supporter.
Ibn Arabi, théologien, juriste, poète, soufi, métaphysicien et philosophe arabo-andalou, auteur d’environ 850 ouvrages a dit : « La mort n’est pas un anéantissement mais uniquement une séparation. »
Le théologien et écrivain britannique Henri Scott Holland a écrit : « Ne pleurez pas si vous m’aimez, Je suis seulement passée dans la pièce à côté. Je suis moi, vous êtes vous. Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel et triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été, Sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre. La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié. Elle est ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends. Je ne suis pas loin, Juste de l’autre côté du chemin. Vous voyez, tout est bien. Essuyez vos larmes. »
La mort n’est jamais une fin c’est juste un passage vers une autre dimension. L’écrivain et poète français Christian Bobin disait : « La vie a deux visages : un émerveillant et un terrible ». Mais le merveilleux finit par s’imposer, le soleil finit par briller. Les paroles et les actes ne diaprassent pas ils survivent dans la mémoire des vivants.
L’écrivain, journaliste et philosophe français Jean D’Ormesson disait : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. ».
Si ton départ laisse un vide immense, notre village Tifrit Naït Oumalek, ta famille, tes amis, et au-delà, se souviendront de toi, ton passage ici-bas fut lumineux. Repose en paix Si Boualem Cheurf.
BRAHIM SACI
Le 19 août 2024
diasporadz.com
L'écrivain en langue amazighe Daoud Mekhous. Photo DR
Daoud Mekhous :
« L’augmentation du lectorat en langue amazighe est encourageant »
De passage au Café littéraire parisien L’Impondérable de l’écrivain Youcef Zirem, l’auteur en langue amazighe Daoud Mekhous a croisé la route de notre ami le poète et journaliste Brahim Saci qui a tenu à l’interviewer.
Entretien
Diasporadz : Vous êtes un auteur prolifique, qui est Daoud Mekhous ?
Daoud Mekhous : Je m’appelle Daoud Mekhous, j’ai grandi dans les bras des sommets des montagnes de Kabylie, fils d’une famille paysanne, du village Aghalad Imedjat, Laarch n’At Brahem de la commune D’Ain Alegradj At Wertilane, dans la wilaya de Sétif.
Je suis né au printemps, lorsque les fleurs printanières fleurissent partout, les arbres sont feuillus, la couleur verte se mélange aux couleurs des fleurs et la beauté de la nature est tissée et héritée, encore une fois, célébrant la vie et cela arrive chaque printemps.
D’une bénédiction verte à une saison sèche et glaciale, ma vie fut soudainement bouleversée, transformée en enfer, je n’avais que huit ans lorsque je fus brûlé accidentellement, tranchant l’innocence, échappant de justesse à la mort, mon visage et ma main gauche furent grièvement brûlés, depuis, je souffre chaque fois que je vois un feu, non parce qu’il m’a brûlé, mais parce qu’il me rappelle les stigmates laissés sur mon visage et sur ma main, des cicatrices qui m’ont volé mon enfance.
C’est péniblement, avec sueur et courage que je suis arrivé au baccalauréat que je n’ai pas obtenu à cause de mes besoins médicaux. Mais j’ai appris beaucoup au lycée où j’ai fait de belles rencontres, s’est développée cet amour pour les livres et la lecture, je traduisais les poèmes des poétes Arabes en kabyle que je transcrivais en Tifinagh.
J’allais au contact des écrivains en langue Amazighe, assistant à des conférences sur la culture amazighe, j’ai été notamment très influencé par Tahar Oussedik, j’ai eu la chance d’assister à l’une de ses conférences à Beni Ourtilane en 1994, peu avant sa mort survenue le 26 octobre 1994.
Tahar Oussedik a laissé de précieux livres, Apologues, Oumeri, Bou-Beghla : (l’homme à la mule) : le mouvement insurrectionnel de 1850 à 1854, Le royaume de Koukou, Les poulains de la liberté, 1871 : mouvement insurrectionnel de 1871, L’la Fat’ma N’Soumeur, Des héroïnes Algériennes dans l’histoire.
Ma passion pour les livres s’est agrandie, je lisais des romans en arabe à cette époque, il n’y avait pas beaucoup de livres en Kabyle, même si j’ai lu le livre, Askuti, de Said Sadi, qui est le premier livre que j’ai lu en kabyle, je lisais aussi des magazines, Asalu, ACB…, Je me suis fait la promesse décrire dès le premier moment favorable, particulièrement dans ma langue maternelle, le kabyle.
L’opportunité s’est présentée avec ma réussite au concours de Superviseur d’éducation, mon rêve a donc commencé à se réaliser. J’ai commencé à travailles au CEM Beni Brahim. Les projets d’écriture ont alors occupé mon esprit. J’étais membre de plusieurs associations locales, la plus récente étant l’association du tourisme D’Ain Alegradj dont j’étais le secrétaire général, nous avons travaillé avec des étrangers dont la Fondation Abbé Pierre et l’association française génération 2010, nous avons pu construire 18 logements à caractère social pour les nécessiteux, grâce à l’aide précieuse de ces associations.
Notre association ATA a commémoré et mis en avant le patrimoine culturel de la région avec des festivals et des fêtes à chaque occasion. Tout mon vécu a agi comme un terreau nourrissant l’imagination et l’inspiration pour faire germer les livres.
Diasporadz : En vous lisant, on sent que la littérature kabyle a encore de beaux jours, comment arrivez-vous à partager votre passion avec le lecteur ?
Daoud Mekhous : Le lecteur de mon pays, surtout dans notre région, est généralement bon et généreux mais très exigeant quant à la qualité des publications, romans, nouvelles, récits, poésie.
On constate qu’il y a beaucoup plus de lecteurs depuis l’introduction de notre langue dans les écoles, lycées et universités, dans la recherche scientifique, par l’écriture avec alphabet latin, notamment avec l’introduction des romans dans les mémoires de fin d’études et de recherche pour les étudiants.
Mes romans sont ainsi inscrits dans les mémoires de fin d’études, notamment dans les universités de Bejaia, Tizi Ouzou, Boumerdes, Bouira, et même dans les universités de Batna et d’Algérie, ce qui m’encourage à écrire davantage.
Diasporadz : Pourquoi ne pas écrire en Tifinagh ?
Daoud Mekhous : On valorise la langue par sa fixation à l’écrit. L’alphabet latin est pratiqué, surtout en Algérie, depuis plus d’un siècle. Certains se posent la question, mais l’adaptation de l’alphabet latin est la plus usitée principalement en Algérie dans la plupart des publications littéraire et scientifiques, ce qui permet d’écrire le berbère de la même façon, quel que soit la langue. Le souci de définir de diffuser une graphie à base latine, usuelle a été partagé par tous les berbérisants et producteurs autochtones depuis le début du XXème siècle.
La graphie berbère avec l’alphabet latin tend à se stabiliser et à s’homogénéiser, grâce à des travaux scientifiques, les travaux d’A. Basset (dans les années 1940 et 1950), celle du Fichier de Documentation Berbère en Kabylie (de 1947 à 1977), de l’œuvre et de l’enseignement de Mouloud Mammeri, et enfin, depuis 1990, celle de l’INALCO, (Institut National des Langues et Civilisations Orientales), ont été décisives ce qui a permis de réduire les divergences dans la graphie des langues berbères. La quasi-totalité de l’enseignement, des publications et des éditions se fait en caractères latins. C’est en fait le système le plus facile à adapter à la structure de la langue et c’est le système qui répond le plus au critère d’universalité.
Diasporadz : Vos livres sont époustouflants, comment faites-vous pour passer d’un genre littéraire à un autre avec cette facilité déconcertante ?
Daoud Mekhous : Tout d’abord, je salue tous mes chers lecteurs. J’adore lire, des livres, des histoires, de la poésie, des romans, des nouvelles, je suis un grand passionné de la littérature.
Un écrivain ne peut pas composer un roman sans lire, car à travers la lecture, l’écrivain ou le romancier tire ses idées de choses existantes et les établit dans le monde de l’imagination et de la représentation avant de commencer à écrire et de les imaginer comme un film cinématographique, et elles se cristallisent dans son esprit jusqu’à ce qu’il établisse une imagination précise.
Ainsi, lire des livres, des romans, des histoires et même de la poésie, mais aussi regarder des films, des documents cinématographiques, écouter la nature, écouter de la musique et des musiciens aident l’écrivain en diversifiant dans son esprit des méthodes, des objets et les fondements de l’imagination pour que le cœur puisse battre, que l’esprit puisse penser et que la main puisse écrire.
Diasporadz : Beaucoup se plaignent d’un manque de lecteurs, quel est votre avis ?
Daoud Mekhous : Le manque de lecteurs, surtout dans notre pays est dû à plusieurs facteurs, parmi lesquels la méthodologie de l’éducation, qui commence dans les écoles primaires, et l’orientation actuelle des écoles vers l’arabisation de manière plus objective dans tous les domaines.
La langue berbère a longtemps été marginalisée, ce qui a affecté la lecture et le manque d’installations culturelles, récréatives et sportives qui construisent une pensée dialogique solide pour l’enfant. Les circonstances sociales difficiles de la famille et le déséquilibre entre croissance économique et développement social sont aussi des facteurs qui jouent un rôle dans le manque de lecteurs. Mais les chose s’améliorent tout n’est pas noir.
La généralisation de tamazight sur le territoire national constitue un facteur favorable à l’augmentation du lectorat en langue tamazight, particulièrement en kabyle. Nous constatons une augmentation du lectorat en langue amazighe.
Diasporadz : L’Algérie est un pays qui se recherche, en proie aux bouleversements, mais qui mérite beaucoup mieux, la littérature peut-elle aider à l’émergence d’un nouveau souffle ?
Daoud Mekhous : Evidemment, un pays comme l’Algérie est un continent qui possède tous les atouts, les fondements et les conditions pour une vie bonne et meilleure, comme beaucoup de pays dans le monde, il possède des trésors souterrains et aériens et il possède également les énergies de la jeunesse si elles étaient exploitées de la meilleure façon ou utilisées comme énergie pour la construction, c’est un potentiel inépuisable.
Aujourd’hui nous pourrions beaucoup mieux vivre, mais malheureusement, nous voyons toute une jeunesse dans une paupérisation insupportable, mourant sur les mers à la recherche d’un avenir meilleur, ceux qui ne périssent pas en mer découvrent que l’eldorado convoité n’est parfois qu’une illusion, le constat est souvent amer.
Les conditions de vie se dégradent, la cherté de la vie est insupportable. Les mendiants jeunes et moins jeunes remplissent nos rues. L’Algérie ce beau pays est encore un pays qui se recherche, il peut faire beaucoup mieux c’est certain et ce ne sont pas les énergies qui manquent.
Diasporadz : Quels sont les auteurs qui vous influencent ?
Daoud Mekhous : Dans les années quatre-vingt-dix, je lisais de nombreux auteurs et traducteurs arabes, Al-Manfaluti, Al-Majdulin, Al-Sha’ar, Al-Fadhila et d’autres. Ces dernières années, j’ai lu de nombreux romans dont Askuti de Saïd Saadi, Mmis N Igellil de Mouloud Feraoun, traduit par Moussa Ould Taleb, IḌ D WASS, Tagrist, urɣu de Amar Mezdad, Tiziri de Zohra Aoudia, Amsebrid de Chabha Ben Gana.
Le romancier qui m’a beaucoup influencé c’est Aumer U Lamara, Tagara n Yugurten, Aqadir n Roma.
Diasporadz : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Daoud Mekhous : Le niveau littéraire a commencé à s’élever de plus en plus au niveau de la littérature amazighe, c’est une très bonne chose.
J’essaie de terminer un roman fantastique en kabyle, que j’ai commencé en 2019, ce sera le premier de ce genre en tamazight.
J’ai d’autres projets, un recueil de nouvelles et de poèmes, et même un projet d’écriture d’un scénario pour le roman, Tirga n Lḥif, sur le phénomène de la Harraga.
Diasporadz : Un dernier mot peut-être ?
Daoud Mekhous : Tout d’abord je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur un sujet pertinent, le livre, dont la bonne santé détermine le bonheur d’une société. Toute littérature améliore et aide une société dans son émancipation, et à l’émergence d’une nouvelle conscience vers un avenir meilleur où le bonheur sera à portée de tous. Le livre réconcilie l’être humain avec lui-même et le rend meilleur. L’augmentation du lectorat en langue amazighe montre que le peuple algérien dans sa diversité linguistique se réapproprie sa culture amazighe plusieurs fois millénaire, et retrouve son imaginaire amazigh. Mouloud Mammeri disait « une culture n’est pas un patrimoine, une culture n’est pas un héritage. Une culture c’est quelque chose que l’on vit, et c’est quelque chose que l’on fait vivre. »
L’Algérie est un immense pays, la porte de l’Afrique, l’espoir est permis.
Entretien réalisé par Brahim Saci
diasporadz.com
Le 17 août 2024
Rachida Belkacem. Crédit photo : Pierre Lenoble
Rachida Belkacem : « Rompre la cage sémantique de l’écriture »
Rachida Belkacem est cette poétesse aux vers simples, profonds et libres, à portée de tous, dont les ailes battent comme un rappel au monde, déchirant les vacarmes et autres temps orageux.
La poésie de Rachida Belkacem dissipe les nuages pour retrouver ce ciel d’azur dont la lumière rappelle ce soleil d’Afrique, ce continent mère, chaleureux, à la terre bienfaitrice faisant jaillir des oasis pour étancher la soif du désert et celle des âmes assoiffées en quête de sens. La source spirituelle retrouvée est un baume aux maux par des mots et des silences.
La poésie de Rachida Belkacem est un jaillissement de lumière, c’est un geyser réchauffant la terre, c’est une oasis rafraîchissant les déserts. La poésie et la spiritualité se mêlent et s’entremêlent, interdépendantes dans l’équilibre et l’harmonie parfaite. C’est un beau voyage intérieur qui reflète l’extérieur d’où la nécessité de polir le miroir, pour que la perception ne soit pas faussée ou voilée.
En parcourant son livre « Phronésis » paru récemment chez les éditions Mindset, j’ai senti des parfums de jadis émanant des jardins du soufisme, et nous voyons passer çà et là les ombre de Rumi et d’Omar Kheyyam, même si le titre « Phronésis » nous renvoie aussi et surtout vers la philosophie grecque d’Aristote, Socrate et Platon, dialectique, l’éthique, la science, et les quelques divergences qui ne sont pas antinomiques. Ces philosophes nous ont appris à voir et à s’interroger. On constate une grande proximité de la philosophie avec la spiritualité. La philosophie partage avec la spiritualité la place accordée à l’âme et à l’esprit pour une élévation libératrice dans un rapprochement de la vérité. « Connais-toi toi-même », disait Socrate.
Rachida Belkacem est née en Hauts-de France, vivant en Ile-de-France, diplômée en santé au travail à l’université Paris-Est Créteil. Elle est investie depuis quelques années dans le monde de la culture en France et au Maroc. Ancienne chroniqueuse radio, décorée des Hauts insignes de Divine Académie à Paris, membre de jury du prix littéraire « D’ailleurs et d’ici ». Elle a publié un roman « La révolte des secrets » et a collaboré à l’ouvrage « Maroc de quoi avons-nous peur » sous la direction Abdelhak Najib et Noureddine Bousefiha chez les Éditions Orion, membre du jury du « Prix International de Poésie ARS in Versi ». En 2023, elle préside brillamment le Prix littéraire René-Depestre pour les éditions Milot à Paris permettant aux auteurs de tous les continents une visibilité et une mise en lumière.
Rachida Belkacem nous invite par sa poésie à un voyage intérieur initiatique et profane dans un élan d’amour unifiant et rapprochant les peuples.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes poétesse, diplômée en santé au travail, activant dans le milieu culturel franco-marocain, pour un rapprochement entre les deux rives, qui est Rachida Belkacem ?
Rachida Belkacem : Attirée par l’humain, j’ai depuis toujours aimé mettre des mots sur les émotions. De plus, j’aime particulièrement réunir les artistes des deux rives et bien plus et ceci pour faire progresser la culture sous forme de cénacle en dépassant les logiques de continents.
De plus, le 18 juin 2024, j’ai eu l’occasion et l’opportunité d’échanger avec le premier ministre français Mr Gabriel Attal pour réitérer mon intérêt de mettre l’accent sur la culture en France et avec ma deuxième casquette mon rôle en matière de prévention en santé au travail : permettre plus de moyens humains et matériels. J’en profite pour le remercier du temps accordé.
Le Matin d’Algérie : D’où vient cette envie d’écrire ?
Rachida Belkacem : Le plus important en ce qui me concerne, c’est de donner à l’insensé du sens, j’ai toujours eu envie d’écrire comme un irrépressible besoin qui a trouvé son chemin à travers mes différents écrits.
Une envie de partage, je me sens profondément investie d’écrire sur les vertiges et les bouleversements de la vie pour y extraire du beau. Une manière de donner mots et voix à des choses abstraites.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les auteurs des deux rives qui vous influencent
Rachida Belkacem : En ce qui me concerne j’ai une vision internationale j’aime lire Romain Gary, Victor Hugo, Mririda N’Ait Attik autant que Mouloud Mammeri, Tahar Djaout, Mohamed Choukri et Mohammed El Harraq Al-Alami : finalement ces différents auteurs ont déposé dans mon imaginaire un univers spirituel, riche, libre et poétique.
Le Matin d’Algérie : Comment faites-vous pour passer avec cette facilité qui subjugue du roman à la poésie ?
Rachida Belkacem : Une fois de plus en tant qu’auteur j’aimerais parler de ma perception de l’écriture sans limites ni frontières.
Je recherchais un agencement particulier entre les mots comme une manière de rompre la cage sémantique de l’écriture, la poésie me permet cela : une liberté unique.
Je ne prétends pas qu’une discipline est supérieure à l’autre, je retirerais autant de satisfaction de savoir manier à la fois la narration et le style d’un roman que de pouvoir créer de beaux poèmes.
Si la poésie est l’univers des mots, la nouvelle et le roman sont l’empire de la narration.
La poésie permet des textes courts comme des mantras pour s’adapter à la vie quotidienne des lecteurs.
Le Matin d’Algérie : Après votre roman « La révolte des secrets » vous publiez « Phronésis », comment s’est fait le choix de ce titre évocateur ?
Rachida Belkacem : Je suis allée puiser directement dans la mythologie grecque un terme résumant à la fois la prudence et la sagesse.
Le manuscrit est construit comme une grossesse conduisant le lecteur à se libérer de ses épreuves de vie et reprendre possession de son existence comme une renaissance.
Le Matin d’Algérie : Votre livre « Phronésis », s’ouvre sur une citation de la poétesse russe Marina Tsvetaïeva « Chaque chose doit resplendir à son heure, et cette heure est celle où des yeux véritables la regardent », pourquoi ce choix ?
Rachida Belkacem : Je tiens particulièrement à remercier les Editions Mindset de m’avoir fait confiance et accompagnée dans cette si belle aventure humaine.
Effectivement, cette poétesse russe m’inspire depuis toujours de son exil à sa destinée tragique. La notion de temporalité est centrale dans ses écrits, de plus dans son œuvre elle pousse ses écrits à un degré d’intensité qui me fait écho.
Commencer mon livre par les thématiques de temps, de beauté et de perception avec cette citation a permis d’introduire mes écrits dans le tumulte de l’âme, de nos interrogations à nos instants de bonheurs furtifs.
Le Matin d’Algérie : En parcourant « Phronésis », j’ai vu les ombres de Rumi et d’Omar Kheyyam, qu’en pensez-vous ?
Rachida Belkacem : Incontestablement, je m’en inspire, modestement il s’agit du même univers que ces auteurs, mon univers est onirique, poétique, spirituel voire parfois philosophique.
Par ailleurs, j’aime cette pensée inspirante de Rûmi : « L’univers n’est pas à l’extérieur de vous. Regarde en toi. Tout ce que tu veux, tu l’es déjà. »
Le Matin d’Algérie : Un mot sur l’artiste peintre Ilham Laraki Omari qui a illustré « Phronésis », parlez-nous de cette belle rencontre ?
Rachida Belkacem : Il s’agit d’une artiste marocaine brillante et talentueuse participant au salon d’automne de Paris chaque année, ayant exposé au Grand Palais des Champs Elysées et un peu partout dans le monde la Russie, l’Espagne, l’Autriche, USA … Ce fut d’abord une collaboration de femmes artistes ayant la même sensibilité, Ilham Laraki par son art sublime la valeur du temps. Ses peintures s’inscrivent dans le même univers que mon écriture, nous avons travaillés autour de la thématique du mouvement, du souffle, du chaos et de la beauté qui s’y extrait. Je la remercie d’ailleurs vivement pour cette collaboration.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes Franco-Marocaine, quel regard portez-vous sur le Maroc d’aujourd’hui ?
Rachida Belkacem : Un Maroc résolument comme un lieu de talents s’inscrivant dans un continent comme un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique : faisant rentrer le pays dans une nouvelle ère.
Depuis plusieurs années ; le Maroc souverain, continue de multiplier les réformes afin de répondre à certaines attentes de sa population. J’y séjourne actuellement, j’y dépose un regard à la fois attachant et doux. J’y trouve refuge et mon écriture se nourrit de l’atmosphère des lieux.
Le Maroc attire des grands investisseurs dans certains domaines, il recèle en lui un florilège d’histoire et de traditions ouvert sur une forme de modernité.
Il est important de continuer à encourager les talents africains.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Rachida Belkacem : Absolument, je viens de signer un projet à Paris, toujours sur la thématique de l’écriture en collaboration avec une artiste peintre marocaine, il s’agit de l’aboutissement d’un beau projet qui j’espère plaira aux lecteurs, une belle surprise pour cette rentrée littéraire.
J’ai également le privilège d’être invité comme auteur le 22 septembre au festival Arabesque avec la participation d’artistes internationaux brillants encourageant la visibilité des artistes et promeut le dialogue interculturel.
Je remercie The MarKaz Review pour cette invitation et l’organisation de cette conférence qui aura lieu à Montpellier le 22 septembre 2024.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Rachida Belkacem : Je souhaite encourager à la lecture des auteurs de tous les continents, je vois fleurir des talents de tous les pays. Il faut se souvenir que le livre reste une impulsion et une force aidant tout homme à se dépasser : un espace de liberté unique : ne jamais s’en priver !
Ce dont je suis certaine : la lecture peut ouvrir tout un ciel, continuer à se nourrir de mots et se remplir de morceaux d’étoiles comme un goût d’éternité et d’apaisement.
Merci infiniment au journal Le Matin d’Algérie qui m’a donnée l’opportunité d’évoquer mon parcours, mes projets et de mon amour des mots.
Entretien réalisé par Brahim Saci
lematindalgerie.com
Le 16 août 2024
Crédit photo : Arwa Ben Dhia
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Paul Ardenne : « Avançons, main dans la main »
lematindalgerie.com
Alexis Denuy : « Perpétuer l’esprit français »
Catherine Poulain : « Réinventer la beauté abîmée »
Thierry Eliez : « L’essence du jazz est avant tout africaine »
Il y a des artistes qui brillent par le talent, la modestie, l’humilité et la générosité, qui redonnent le sens noble à leur art. Thierry Eliez fait partie de ces artistes lumineux par le travail, la sueur versée du labeur pour toujours avancer semant cultivant composant innovant dans un élan d’élévation quasi spirituel, saisissant les couleurs, les genres musicaux, sans jamais sourciller mais surtout et avant tout dans un souci constant de pureté pour en extraire la beauté pour la partager là où se rencontrent le cœur et l’esprit.
Thierry Eliez est ce musicien, pianiste, compositeur, chanteur de génie qui ne cesse de nous émerveiller par un talent grandissant au fil des années qui font de lui l’un des plus grands pianistes de jazz. Le voir jouer émerveille le regard et l’oreille tant il ne fait qu’un avec le piano dans une symbiose éclatante de beauté d’équilibre et d’harmonie, passant aisément du classique au jazz,
Le tout dans l’union, celle des arts, dissipant les brouillards pour combler les sens baignés dans cette musique qui semble jaillir de la terre pour embrasser les cieux.
Thierry Eliez est né à Arcachon, il commence le piano à l’âge de quatre ans, puis l’Orgue Hammond après avoir vu l’organiste Rhoda Scott. Il suit des études de piano classique pendant 8 ans avec différents professeurs en cours particuliers, tout en se perfectionnant sur le Hammond, avant de découvrir le jazz.
Excellent dans l’improvisation, amateur de musique anglaise, il devient l’un des pianistes du jazz européen les plus en vogue.
Thierry Eliez signe ses premiers contrats en tant que pianiste à l’âge de 17 ans et se fait rapidement connaître sur tout l’ouest de la France, de Bayonne à Cholet, puis dans toute la France et l’Europe.
En 1985, il rejoint Paris, occupe les clubs de jazz parisiens où il est très vite repéré comme le plus jeune virtuose du Jazz français.
En 1986, il enregistre avec le violoniste Didier Lockwood l’album 1234, c’est le début d’une longue amitié, à la rythmique, Jean-Marc Jafet et André Ceccarelli.
La symbiose est telle que naît en 1989, le Ceccarelli Trio, suivi de trois albums mythiques qui marqueront durablement le Jazz : Dansez sur moi (avec Claude Nougaro et Toots Thielmans), Hat Snatcher (Victoire de la Musique du Meilleur Album Jazz et Django D’or en 1992) et 3 around the 4, en hommage aux Beatles.
Dès 1990, Thierry Eliez collabore avec la chanteuse américaine Dee Dee Bridgewater, sur scène et en studio jusqu’en 2004 : pianiste, compositeur, arrangeur et directeur musical. Quatre albums sortiront : Keeping tradition, Love & Peace (Tribute to Horace Silver – avec Horace Silver), Dear Ella, et Live at Yoshi’s. Il composera pour elle la chanson « For your Love » qu’elle enregistrera en duo avec sa fille China Moses pour Sol en Si.
La chanteuse et violoniste Catherine Lara fait appel à Thierry Eliez, la même année. Il se joint à elle pour mettre en musique le spectacle « Les Romantiques » en 1993, jouera sur plusieurs de ces albums et co-composera les musiques des albums Maldone et Graal. Catherine Lara et Thierry Eliez composeront de nombreuses musiques ensemble que ce soit pour elle-même, pour Johnny Hallyday, des musiques de films et de séries… principalement pour TF1, ainsi que la comédie musicale La Légende du Graal, sur un livret de Jean-Jacques Thibaud.
En 2004, Muriel Robin lui demande de composer la musique de son nouveau spectacle, Au secours. Plus tard, ils travailleront ensemble à la création de 12 chansons pour le projet d’album de Muriel Robin, album qui ne verra pas le jour.
Thierry découvre la chanteuse Ceilin Poggi. Il créera alors le Duo Jadden avec Ceilin Poggi à la voix, choisissant de réarranger de grands thèmes du jazz et de la pop des années 70-90. En 2007, leur duo devient quintet et s’enrichit d’un violoncelle (Yan Garac), de percussions (Xavier Sanchez), et d’une contrebasse (Dominique Bertram) mélangeant les accords, les temporalités et les influences musicales.
Thierry Eliez forme le trio progressif « Eliez » avec son frère Philippe Eliez à la batterie et Daniel Ouvrard à la basse. Un premier album nommé Hot Keys, patchwork des univers musicaux qui l’ont nourri depuis son enfance, sort en 2009. Puis un second album original et underground « Night Fears » sorti en 2012.
Le compositeur Éric Serra fait appel à Thierry Eliez pour créer le projet Trans Jazz rock RXRA. Formé de sept musiciens, ils réarrangent les grands thèmes des bandes originales des films de Luc Besson écrites par Éric Serra.
Dès lors, Europacorp fait appel à lui pour interpréter des passages musicaux de Angel-A, de Bandidas et Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec.
Thierry Eliez sillonne la France et collabore avec différentes formations dont le Paris Jazz Big Band dirigé par Pierre Bertrand et Nicolas Folmer.
Michel Legrand fait appel à lui dans son album Legrand Nougaro en hommage à Claude Nougaro où il sera à l’orgue hammond, avec son ami André Ceccarelli à la batterie, le contrebassiste Ron Carter, entre autres.
En décembre 2019 il intègre le groupe Magma. Thierry Eliez s’est révélé aussi bien dans la composition ou l’interprétation de musiques de films (Éric Serra, Lalo Schifrin, Michel Legrand, Astérix aux Jeux olympiques, Tout pour plaire, Le Rôle de sa vie, Bandidas, Taxi Blues, Angel-A, etc.), la composition de musiques de spectacles (Légende du Graal, Au Secours), Comme grand improvisateur de jazz (Didier Lockwood, Dee Dee Bridgewater, Ceccarelli trio, Horace Silver, Paris Jazz Big Band, Paco Séry, Magma, Sylvain Luc, …), le jazz World (Ultra Marine, The Syndicate…), qu’auprès d’artistes de la scène française (Charles Aznavour, Catherine Lara, Alain Chamfort, Patrick Bruel, Johnny Hallyday, Roberto Alagna, Nathalie Dessay, Ceilin Poggi…).
Pianiste, organiste, claviériste, chanteur, compositeur, auteur, arrangeur, Thierry Eliez est un musicien hétéroclite qui fait appel à tous les styles musicaux avec naturel et facilité : du jazz en passant par la chanson, la fusion, la musique classique ou encore le rock, pour lequel il garde une passion vivante.
Thierry Eliez est un pianiste de jazz virtuose qui illumine la musique par son génie créateur dans la recherche sans cesse renouvelée d’un regard passionné d’une beauté partageant l’amour.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un artiste éclectique, dont l’aura ne cesse de rayonner à travers la France, l’Europe et le monde, qui est Thierry Eliez ?
Thierry Eliez : Un musicien curieux de toutes les musiques. Ayant commencé vers l’âge de 5 ans en essayant de rejouer à l’oreille ce que j’entendais à la radio, j’ai développé assez tôt une mémoire musicale importante, ce qui me permettait d’aborder rapidement différents styles musicaux … le jazz, la musique classique, la musique progressive, mais aussi la chanson bien sûr.
C’est en grande partie grâce à cette « oreille absolue » que j’ai pu appréhender toutes ces formes musicales. Cette aptitude m’a été très utile dans ma carrière, j’apprenais et retenais rapidement les morceaux, copiant souvent moi-même mes relevés et partitions.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes passé du classique au jazz, mais tout en sauvegardant l’union sans rupture, racontez-nous ?
Thierry Eliez : J’ai toujours aimé les mélanges de styles, et j’ai eu la chance de connaître une époque où ces différents genres musicaux se sont littéralement « télescopés » : le jazz, le rock, le classique fusionnaient d’une façon souvent expérimentale et passionnante.
Dans les années 70, J’étais un jeune adolescent qui découvrait des groupes tels que Magma, une musique toujours inclassable aux influences aussi riches et diverses que Stravinsky, John Coltrane ou Otis Redding. Emerson, Lake& Palmer, le trio de ProgRock anglais, qui combinaient la musique classique, baroque ou contemporaine avec le son de cette époque : batterie, basse, orgue Hammond – instrument que j’affectionne particulièrement- et les tous premiers synthétiseurs construits par Robert Moog.
J’ai aussi beaucoup écouté Frank Zappa à cette époque, qui de son côté mixait savamment le rock, le blues, la musique contemporaine, et même le « doo wop », avec talent et ironie…
J’ai réellement commencé à m’intéresser au Jazz vers 15-16 ans, en découvrant d’abord son pendant du moment, communément appelé « Jazz Rock », à travers des groupes mythiques comme Weather Report ou le Return to Forever de Chick Corea. Ce n’est que par la suite que je suis venu au jazz plus originel.
Le Matin d’Algérie : La passion vous anime, il y a des rencontres musicales déterminantes qui marquent, parlez-nous de ces rencontres ?
Thierry Eliez : Je pense que chaque rencontre musicale est importante et peut être vécue comme une expérience, un apprentissage quel que soit le style de musique. J’ai appris beaucoup en travaillant avec des artistes tels que Didier Lockwood, André Ceccarelli, Michel Legrand, Dee Dee Bridgewater, Catherine Lara, et toutes les formations avec lesquelles j’ai eu l’occasion de jouer, tout en leur amenant aussi ma propre vision et mon expérience.
J’ai eu la chance de croiser Keith Emerson, en juillet 2000. Nous avons déjeuné ensemble et échangé pendant plusieurs heures sur notre passion pour la musique. C’était un moment assez unique, me retrouver ainsi avec un des « héros » de mon adolescence à discuter autour d’une langouste et d’une bouteille de Chardonnay à Santa Monica !
Le Matin d’Algérie : Un mot sur le groupe de rock, Magma, et la chanteuse Ceilin Poggi…
Thierry Eliez : J’ai rejoint le groupe Magma en 2019, et je peux dire que c’est assez troublant de partager soudain la scène avec d’autres « héros » de mon adolescence, Stella et Christian Vander. Pour l’anecdote, Stella, chanteuse originelle du groupe, hésitait à m’appeler, pensant que ça ne m’intéresserait peut-être pas…Elle était surprise et ravie de découvrir qu’il n’en était rien, et que j’étais au contraire très enthousiaste !
Avec Ceilin Poggi, c’est une belle et longue histoire, car nous nous connaissons depuis 20 ans… Nous aimons beaucoup travailler, jouer, composer ensemble, nous participons beaucoup mutuellement à chacun de nos projets.
J’aimerais aussi préciser que Ceilin est productrice et coordinatrice de mes albums personnels, à travers le label DoodRecord qu’elle a créé il y a quelques années.
De mon côté, je participe en tant qu’arrangeur à son album actuel, « Sänd », sur des chansons qu’elle écrit et interprète. C’est un superbe projet dont on va entendre parler et qui sortira à la rentrée 2024.
Le Matin d’Algérie : Certains disent que l’Europe est à la musique classique comme l’Amérique est au jazz, est-ce toujours vrai ?
Thierry Eliez : Je pense que c’est beaucoup plus nuancé et subtil. De tout temps, l’improvisation musicale, un des éléments principaux du jazz, a existé dans le monde entier, sous des formes différentes selon les régions du monde. Il est certain que Bach, Mozart, Chopin et bien d’autres étaient de grands improvisateurs.
D’un autre côté, il y a beaucoup de musiciens de jazz qui ont su utiliser les éléments mélodiques et harmoniques du classique pour les amener à leur écriture. Je pense notamment à Duke Ellington, qui a savamment intégré des couleurs impressionnistes à sa musique, mais aussi au Modern Jazz Quartet et à leurs nombreuses références au classique.
Puis, plus tard, des immenses pianistes comme Bill Evans, Herbie Hancock, Chick Corea, Keith Jarrett, ont montré par leurs interprétations ou compositions leur connaissance de la musique classique. Je pense notamment à Chick Corea interprétant Bartok, Herbie Hancock et le Concerto en Sol de Ravel, ou bien encore Keith Jarrett et sa version des Préludes et Fugues de Bach. Sans oublier que l’essence du jazz est avant tout africaine.
Le Matin d’Algérie : Les conservatoire parisiens s’ouvrent depuis quelques années sur les musiques actuelles et les musiques du monde, qu’en pensez-vous ?
Thierry Eliez : C’est de toute façon une belle initiative, ça prouve une recherche d’ouverture de la part d’une institution qui s’est figée pendant trop longtemps dans la rigueur au détriment de la curiosité et du plaisir de la découverte. La musique a besoin de tous ces éléments pour rester vivante.
J’aimerais souligner qu’un des premiers musiciens de Jazz à revendiquer cette ouverture était le regretté Didier Lockwood, avec qui j’ai eu le plaisir de jouer de nombreuses fois. De plus, c’était un très bon ami.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Thierry Eliez : Oui, je travaille sur un nouveau projet, assez différent de tout ce que j’ai fait précédemment. Une nouvelle aventure pour moi ! Et puis, nous continuons sur le projet de Ceilin, à élaborer ensemble les arrangements de ses chansons.
Une tournée avec Magma prendra place entre 2024 et 2025, des concerts avec Eric Serra, puis des concerts au Mexique et au Québec avec Ceilin Poggi autour du projet Emerson Enigma.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Thierry Eliez : Quelques références discographiques personnelles.
« Improse » (Album Piano Solo)
« Improse Extended » (Album en Trio avec André Ceccarelli et Ivan Gélugne)
« Berceuses & Balladines Jazz » (Duo Piano/Voix avec Ceilin Poggi)
« Balladines et Chansons douces » (Duo Piano / Voix avec Ceilin Poggi)
« Emerson Enigma » (avec Ceilin Poggi et Le Quatuor Manticore)
« Sur l’Ecran Noir » (Hommage aux Chansons écrites par Claude Nougaro et Michel Legrand. Avec plusieurs invités).
Entretien réalisé par Brahim Saci
wikipedia.org/wiki/Thierry_Eliez
Jeudi 18 juillet 2024
lematindalgerie.com
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David Louwerse : « Toute musique est belle dès lors qu’elle trouve le chemin de notre âme »
David Louwerse fait partie de ces génies de la musique classique dont l’humilité est aussi grande que leur talent atteignant les cimes de la volupté où l’émotion est portée à son point le plus élevé laissant le mélomane et le profane dans l’émerveillement.
Sa maitrise du violoncelle laisse l’oreille et le cœur admiratifs. David Louwerse se passionne pour la création musicale en général dans toute sa diversité n’hésitant pas à relever des défis, le tout dans une volonté de pousser le jeu et l’interprétation musicale vers l’excellence pour en saisir toute la beauté, dans les sonorités, dans une exaltation de l’esprit mettant les sens en éveil.
David Louwerse est titulaire d’un Premier Prix à l’Unanimité en classe de violoncelle et d’un Premier Prix à l’Unanimité en classe de Musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, ainsi que de la Lucy G. Moses Award de l’Université de Yale.
Il est actuellement le violoncelliste de, l’Ensemble Variances,
sous la direction artistique du compositeur Thierry Pécou , il se produit comme soliste ou musicien de chambre en France : à l’Opéra de Lyon, à la Maison de Radio France, à l’Arsenal de Metz, au Lille Piano Festival, aux Détours de Babel de Grenoble, aux Journées Musicales de Dieulefit, au Festival Flam’ de Blaye, au Théâtre des Arts de Rouen, à l’Auditorium Rostropovitch de Paris, à Ault en Musiques !, au Festival Offenbach d’Étretat, aux Nocturnes de la cathédrale de Rouen, au Festival d’Ambronay, à la cathédrale de Riez, à La Force.
Il se produit aussi au Canada et aux États-Unis, au Bourgie Hall de Montréal, au Music on Main de Vancouver-Ottawa, au Chamber Festival/Bargemusic de New-York, au Ferst Center for the Arts d’Atlanta, au Town Seattle Hall de Los Angeles, à Washington, en Asie (Taipei, Kaoshung, Yilan) ainsi que dans différentes villes européennes : à l’Unerhôrte Music de Berlin, au Festival Arabesque de Hambourg, au Festival d’Heidelberg, au Château de Sans-Souci de Potsdam (Berlin), au Gregynog Music Festival, au St John’s Smith Square de Londres, à St George’s Church de Bristol, au Brighton Festival, au Lisinki Hall de Zagreb, au Festival Ossiach de Villach (Autriche) et à Utrecht et Maastricht…
David Louwerse est également le directeur artistique du festival, Ault en Musiques !, qu’il a créé, qui se déroule le premier week-end du mois de juillet au sud de la Baie de Somme, et anime les Musiciens de l’Instant, association de musiciens excellant dans l’art de la musique de chambre.
Il enseigne le violoncelle aux conservatoires de la ville de Paris et la musique de chambre au Pôle Sup 93 ainsi qu’à l’École Normale de Musique de Paris.
Il reste l’un des plus grands violoncellistes, dont le savoir musical ne cesse de s’enrichir aux contacts de musiciens de différents horizons, à l’écoute de la nature, avec la pratique et l’expérience des années, magnifiant sa sonorité, dans un souci de perfectionnement mais aussi de partage du cœur et de l’esprit.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un violoncelliste de renom, qui est David Louwerse ?
David Louwerse : Je ne me pose pas trop la question de savoir si je suis un violoncelliste de renom, je suis simplement un garçon qui aime jouer du violoncelle pour lui et pour les autres, partager des émotions avec le public, enseigner le plaisir d’en jouer aux plus jeunes et rencontrer des gens différents au travers de la musique.
Le Matin d’Algérie : La musique a besoin de compositeurs mais aussi de musiciens interprètes, quelle est la part de l’interprétation dans une œuvre musicale ?
David Louwerse : Je dirai que c’est un peu comme au théâtre, il y a tellement de manières de dire et de faire vivre un texte. Une chose est sûre, les œuvres que nous jouons nous parlent de nous, de nos émotions, de tout ce que nous partageons. Notre mission est de pouvoir les jouer en toute sincérité au moment du concert afin d’être proche du public.
Le Matin d’Algérie : Quand on vous écoute, nous sommes emportés par le jeu poussant l’émotion à son paroxysme, peut-on dire que vous avez trouvé votre sonorité propre ?
David Louwerse : Nous avons tous besoin de trouver notre voix, et c’est particulièrement vrai pour les instrumentistes à cordes car nous devons créer entièrement notre sonorité. J’ai été bercé enfant par la sublime sonorité de Mstislav Rostropovitch, mais aussi Issac Stern ou Yo Yo Ma, et au fil des années je cherche le moyen d’être le plus proche du public, de lui parler avec mon violoncelle en quelque sorte, de le toucher au plus profond de lui-même. La beauté de la sonorité y contribue beaucoup !
Le Matin d’Algérie : On parle du violoncelle français, y a-t-il une particularité française ?
David Louwerse : Oui je le pense. L’école du violoncelle français se distingue par une forme d’élégance, de clarté dans le son, d’expression des sentiments juste en évitant certains excès. De plus, certains violoncellistes étaient de grands pédagogues en plus d’être de magnifiques concertistes ! On pense tout de suite à nos André Navarra, Paul Tortelier, Philippe Muller ou encore Xavier Gagnepain.
Le Matin d’Algérie : Jean-Sébastien Bach a dit « J’ai beaucoup travaillé. Quiconque travaillera comme moi pourra faire ce que j’ai fait. », qu’en pensez-vous ?
David Louwerse : C’est une belle leçon d’humilité !
Exercer une profession artistique demande un travail gigantesque ainsi qu’une remise en question sur notre pratique constante. Concernant des grands compositeurs, comme Jean-Sébastien Bach, ce sont d’immenses travailleurs mais n’oublions pas qu’à la base, ils ont du génie !
Le Matin d’Algérie : Les conservatoires parisiens s’ouvrent depuis quelques années sur les musiques actuelles et les musiques du monde, qu’en pensez-vous ?
David Louwerse : Je trouve cela très bien ! Je pense que toutes ces musiques nous parlent des mêmes choses : nos émotions, nos espoirs, nos passions… c’est juste le vocabulaire musical qui change. Toute musique est belle dès lors qu’elle trouve le chemin de notre âme.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur le festival, Ault en Musiques, que vous avez créé
David Louwerse : Ault est un très joli village en bord de mer dans le nord de la France. Le festival Ault en Musiques, s’y déroule au début du mois de Juillet dans plusieurs lieux (deux chapelles, une église, une bibliothèque et une salle de concert ainsi que des concerts en plein air) et en tant que directeur artistique, je cherche à ce que chacun de ces lieux trouve la musique qui lui convient, que ce soit de la musique classique, du jazz, de l’improvisation en encore des musiques du monde. De plus, avec mon ami le plasticien Fontaine de la Mare, nous développons la présence de sculptures, peintures, photographie au moyen de différentes expositions durant le festival.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
David Louwerse : Oui bien sûr, une multitude de projets pour les années qui viennent ! Beaucoup de concerts, d’enregistrements, de projets très différents de tous styles…tout en continuant à prendre soin de mes chers élèves !
Je pense faire plus de place à la musique improvisée ou encore à quelques collaborations avec des pianistes de jazz.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
David Louwerse : Le rôle de la culture et du spectacle vivant est de nous rassembler et de partager, de nous exprimer…. C’est si important dans ce monde qui nous divise de plus en plus
Pour finir, je tiens à remercier Le Matin d’Algérie d’avoir proposé cet entretien. Cela fut un plaisir et un honneur.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Lundi 15 juillet 2024
Lematindalgerie.com
Michel Margotton (alias M. de Saint-Michel), est un poète d’une grande profondeur, c’est comme une méditation poétique qui s’offre au lecteur. Michel Margotton fait partie de ces rares poètes qui écrivent sous pseudonyme, ce qui intrigue, en ajoutant une part de mystère forçant et élevant l’élan poétique vers les plus hautes cimes où le lecteur tente de saisir ou seulement d’appréhender un sens enfoui ou une rime vagabonde déchirant l’air transfigurant toute la beauté.
Il y a un jaillissement de lumière dans la poésie de Michel Margotton, où les esprits avertis et non avertis s’apaisent et s’immergent emportés par les flots où chemine l’éveil spirituel comme un voyage vers le soi et l’expérience humaine.
La poésie défriche notre jardin intérieur, améliorant notre perception du monde, Michel Margotton nous emporte à travers ses vers libérés des entraves des illusions humaines vers une démarche spirituelle aboutissant à une quête entre le visible et l’invisible, où l’apparent et le caché annihilent la dualité.
La poésie de Michel Margotton fait sortir le meilleur de nous-même, en nous projetant vers l’Un et vers le Tout, tout nous apparaît alors lié dans une parfaite harmonie de la Terre à l’univers.
Michel Margotton est né à Marseille, il a effectué sa scolarité, dans le primaire et le secondaire, à Arles cette ville d’art et d’histoire, située sur le Rhône, dans la région de Provence au sud de la France, une ville réputée qui a inspiré Van Gogh, qui a influencé l’art contemporain exposé à la Fondation Vincent Van Gogh. Autrefois capitale provinciale de la Rome antique, Arles est également renommée pour ses nombreuses ruines romaines, notamment l’amphithéâtre d’Arles, qui accueille aujourd’hui des pièces de théâtre et des concerts.
Après des études de Lettres à la Faculté Paul Valéry de Montpellier, Michel Margotton a enseigné pendant une trentaine d’années dans les Académies de Lyon et d’Aix-Marseille. Déjà poète adolescent, il a été très tôt attiré par l’écriture et, notamment, l’écriture poétique.
Les recueils de Michel Margotton invitent donc à la réflexion à l’élévation tant spirituelle que philosophique. La nuit et le jour s’entrechoquent, la vie et la mort se côtoient dans l’harmonie, dans une relation d’interdépendance, sachant que l’une ne peut être sans l’autre.
La conscience humaine se trouve bouleversée, bousculée, interrogée, cherchant des réponses dans un monde en toute vitesse, en perte de repères, où l’illusion et le mensonge tendent à remplacer le vrai. La poésie se dresse heureusement salvatrice pour ramener les équilibres perdus.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un poète à la fois grave et lumineux, vous écrivez depuis longtemps, mais vous n’avez publié que tardivement, qui est Michel Margotton ?
Michel Margotton : Il est toujours difficile, voire impossible, de dire qui l’on est vraiment. C’est sans doute pour cela que la poésie me paraît essentielle : elle seule permet de plonger au plus profond de soi, par-delà les images toutes faites que chacun se fait de lui-même. Traverser le miroir des apparences et des concepts, telle est pour moi la finalité de l’écriture poétique. Lorsque j’écris, je pars en quête de moi-même – quête qui ne peut, évidemment, jamais atteindre totalement son but : il y a en moi (comme en tout être humain) une part toujours mystérieuse que le poème ne définit pas, ne circonscrit pas mais suggère… « Je est un autre » comme dit Rimbaud.
Le Matin d’Algérie : Vous écrivez sous pseudonyme est-ce pour vous extraire du réel pour que puissent librement battre vos ailes comme pour ne pas être souillé par le monde qui vous entoure ?
Michel Margotton : Le pseudonyme permet de bien différencier le « moi social » du « moi créateur », pour reprendre la terminologie de Marcel Proust : le premier représente l’homme extérieur, l’homme public vivant à la surface des choses, résumé à sa biographie ; le second est l’être intérieur, caché aux yeux du siècle, celui-là même d’où naissent les œuvres – le moi véritable : sous le masque visible, à peu près semblable à tous les masques, le visage réel, unique entre tous.
Michel Margotton va, vient, s’agite sur la scène du monde, M. de Saint-Michel écrit.
Le Matin d’Algérie : On sent votre passion pour la mythologie grecque, pouvez-vous nous en parler ?
Michel Margotton : En effet, j’aime particulièrement les mythologies grecque et romaine (C’est d’ailleurs la même, les Romains ayant le plus souvent repris à leur compte les divinités grecques en se contentant de changer leurs noms : Zeus devenant Jupiter, Athéna Minerve, Arès Mars etc…)
C’est en 6ème que m’est venu cet intérêt lorsque j’ai commencé à apprendre le latin et cet intérêt n’a fait que croître au fil des ans. La fiction mythologique nous apprend, à mon sens, beaucoup plus sur l’âme humaine (ses passions, ses craintes, ses désirs…) que tous les livres de psychologie réunis. Sous le couvert de récits fabuleux, elle met à nu les ressorts les plus enfouis de notre psyché ; elle exprime à merveille nos interrogations essentielles face à la Vie, à la Mort – au Destin. Loin d’être simplement une collection de contes plus ou moins curieux d’un temps révolu, elle dévoile l’intimité de ce que nous sommes. Elle est donc Poésie.
Le Matin d’Algérie : Vos recueils élèvent la philosophie et la spiritualité, Friedrich Nietzsche disait « Dieu a aussi son enfer : c’est son amour des hommes », qu’en pensez-vous ?
Michel Margotton : Le chrétien que je suis est d’accord sur ce point avec l’auteur de « L’Antéchrist » ! Le Christ, par sa passion et sa mort, a bien, pour le salut des hommes, vécu l’enfer – mais cet enfer-là débouche sur une lumière surpassant toutes les ténèbres du monde.
Pour adhérer à cela, il faut, bien sûr, accepter l’idée d’incarnation : celle d’un dieu désireux, par amour, d’endosser, à l’exception du péché, la condition humaine – et la souffrance en fait partie…
Le Matin d’Algérie : La France pays des droits de l’homme et des lumières, vient de vivre un moment critique et charnière de son histoire, où l’extrême droite a failli prendre le pouvoir, à votre avis, comment sommes-nous arrivés là ?
Michel Margotton : Les gouvernants français des trente ou quarante dernières années (de droite, du centre ou de gauche) se sont peu à peu coupés du peuple. Enfermés dans un élitisme bon chic, bon genre, ils ont refusé d’entendre, plus ou moins consciemment, ses plaintes et ses colères. Avec arrogance, ils ont pensé qu’en eux seuls résidaient l’intelligence, la raison, la culture ; la « plèbe » n’avait qu’à suivre ce que les « doctes » lui professaient… Ainsi n’ont-ils pas voulu (ou pas osé ?) répondre à ses problèmes quotidiens : immigration incontrôlée, insécurité galopante, effondrement du pouvoir d’achat, dépossession de souveraineté au profit d’une Europe hors-sol et mercantile… D’où la montée des populistes. (Tous les pays européens, d’ailleurs, sont, peu ou prou, dans le même cas de figure.)
Le Matin d’Algérie : Quels sont les poètes qui vous influencent ?
Michel Margotton : Baudelaire est depuis mon adolescence mon poète de chevet : je considère Les Fleurs du Mal comme le livre phare de la poésie française, à la croisée du classicisme et de la modernité, où se mêlent sensualité et mysticisme, vertige de la vie et hantise de la mort…
Parmi les autres poètes français qui ont, sinon influencé, du moins nourri ma création, je peux citer pêle-mêle Ronsard, Hugo (surtout celui des Contemplations), Mallarmé (un maître du Verbe), Lautréamont, O. V. de Lubicz-Milosz (un immense poète trop peu connu, hélas !), Saint-John Perse, Pierre Jean Jouve…
Sans oublier, chez les écrivains étrangers, Dante dont la Divine Comédie est l’un des plus hauts sommets de la poésie universelle !
Le Matin d’Algérie : La création poétique et l’art en général, peuvent-ils changer notre regard sur le monde ?
Michel Margotton : Oui, je le crois fermement. L’art, en effet, nous permet de sortir de nous-mêmes et de nous mettre en contact avec les différentes facettes du réel. Chacun d’entre nous, seul enfermé dans son coin, seul claquemuré dans son ego, a une vision nécessairement univoque du monde ; l’art nous fait prendre conscience de sa diversité, de sa pluralité, de sa complexité : de sa richesse. Il nous ouvre à l’infini des possibles de l’existence…
Mais attention, il ne faut pas être naïf et s’illusionner : si l’art change certes notre regard sur le monde, il n’a pas le pouvoir de changer le monde !
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Michel Margotton : Je suis en train de préparer un recueil comprenant des formes poétiques courtes : monostiques, haïkus, distiques. C’est Twitter qui, il y a quelques années, m’a donné cette idée : comme il était impossible de poster des textes allant, à l’époque, au-delà de 140 caractères, je me suis vu « contraint » de composer des poèmes très brefs – dont le haïku, ce type de poésie d’origine japonaise que j’apprécie particulièrement.
Ce recueil devrait paraître fin 2024 ou début 2025…
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Michel Margotton : De nos jours, en Europe (je ne sais s’il en est ainsi sur votre continent), la poésie paraît ne pas exister aux yeux du plus grand nombre. Elle est proprement invisible. Invisibilisée par la quasi-totalité des principaux médias qui n’en parlent jamais.
Je veux espérer, contre toute espérance, qu’elle reviendra un jour à l’honneur et reprendra la place qui est sienne : la première.
Entretien réalisé par Brahim Saci
mdesaintmichel.eklablog.com
Livres publiés :
– 2018 : D’Éros & de Thanatos [poésie] (Edilivre)
– 2019 : Mémoire d’un corps anonyme [poésie] (Ed. Spinelle )
– 2021 : Nuit obscure [roman] (Ed. Maïa)
L’absolu dans la peau [poésie] (Ed. Atramenta)
– 2022 : Douze longs mois d’une vie éphémère [poésie] (Ed. Atramenta)
– 2023: Il faut détruire Babel [poésie] (Ed. du Net)
Cent précieuses paroles de Divine [poésie] (Ed. du Net)
– 2024: Dionysos et le Crucifié [poésie] (Ed. Atramenta)
lematindalgerie.com
Mardi 16 juillet 2024
Abdelmadjid Adda : « L’Étranger de Camus a été le moteur de mon inspiration »
Abdelmadjid Adda est natif de ce beau village, Ighil Ali chez les Ath-Abbès, situé au cœur du massif montagneux des Bibans, dans la wilaya de Bgayet (Bejaïa), Ighil Ali est un nom qui résonne tant il est porteur d’histoire, un village magnifiquement préservé grâce à la pugnacité de ses enfants. Chaque ruelle de ce village recèle un pan d’histoire.
La commune d’Ighil Ali fut le centre du royaume kabyle des Ath-Abbès, (Avec la Kalâa des Ath-Abbès) qui régna en Kabylie aux côtés du royaume de Koukou à Aït Yahia (actuelle commune de Aït Yahia, dans la wilaya de Tizi-Ouzou). Ighil Ali est donc un joyau architectural qui témoigne d’un riche passé, la casbah ressemble de très près à celle de Constantine ou d’Alger. Quand on évoque Ighil Ali on ne peut s’empêcher de penser à l’illustre famille Amrouche, notamment, Taos et El Mouhoub.
Abdelmadjid Adda, invité de l’écrivain Youcef Zirem au café littéraire parisien de l’Impondérable, a évoqué avec émotion Taos et Jean El Mouhoub Amrouche, pendant les questions du public, un monsieur natif du même village a même évoqué le grand père Amrouche qu’il a connu.
Abdelmadjid Adda a fait des études de droit à l’Université Panthéon Assas Paris II, il a publié un livre étonnant, émouvant, « Le téléphone piégé » où il raconte une histoire vraie, la sienne.
Ce livre est bouleversant, Abdelmadjid Adda se livre avec une dextérité rare. Dans un souci de préservation des traditions l’auteur se retrouve piégé dans les filets d’une histoire conjugale sans égale dans le déchaînement de haine et de violence.
« Le téléphone piégé » est un livre qui interpelle le cœur et l’esprit, pour un avenir réfléchi, apaisé et serein.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes natif d’un village, Ighil Ali des Ath-Abbès, prestigieux, aussi bien par l’art, la culture et l’histoire, vous venez d’ajouter votre pierre à cet enrichissement, en publiant un livre bouleversant, qui est Abdelmadjid Adda?
Abdelmadjid Adda : Père de trois enfants, je suis né au village Ighil Ali, quartier Thazayarth, où j’ai passé mon enfance, c’était la belle époque et la meilleure période de ma vie. À mon arrivée en France j’ai entamé des études de droit à la prestigieuse Université Paris II Assas car mon objectif était de travailler dans la fonction publique mais par la force des choses je me suis retrouvé dans le domaine des affaires.
Le Matin d’Algérie : Vous avez commencé des études de droit à l’Université Panthéon Assas Paris II, mais c’est la littérature qui vous passionne, comment est venue l’idée d’écrire ?
Abdelmadjid Adda : Depuis mon jeune âge j’aimais beaucoup lire et écrire des petites histoires, plusieurs années après j’avais envie de raconter mon histoire tragique mais l’inspiration n’était pas au rendez-vous, un jour je suis tombé sur le livre du grand écrivain Albert Camus, L’Étranger, quand j’ai commencé à lire ce livre, je me suis dit « pourquoi pas moi ? », j’ai trouvé finalement que c’était une histoire simple et que mon histoire pourrait aussi intéresser beaucoup de lecteurs. Je considère, L’Étranger, de Camus comme le moteur de mon inspiration.
Le Matin d’Algérie : « Le téléphone piégé », comment s’est fait le choix du titre ?
Abdelmadjid Adda : franchement Brahim c’est une bonne question, en fait le choix s’est imposé, car c’est ma mère qui s’est fait piéger au téléphone.
Le Matin d’Algérie : On peut dire que vous avez l’art de raconter, mais on sort de votre livre écorché, c’est une histoire déchirante, romanesque, mais vous éclairez quelques ombres de nos traditions, pouvez-vous nous en parler ?
Abdelmadjid Adda : Dans cette histoire je voulais passer plusieurs messages pour que les lecteurs ne tombent pas dans le même piège et j’ai aussi pensé que les gens qui me connaissent ont le droit de connaître la vérité.
Vous savez Brahim, les hommes comme les femmes peuvent être victimes des mariages arrangés, la première cause est liée à nos traditions, mais normalement même si on respecte nos traditions et nos parents, rien n’empêche de réfléchir et de prendre son temps pour prendre ses décisions. Mais les temps ont malheureusement changé, le matérialismes prime sur les valeurs morales.
Je suis content aujourd’hui car j’ai beaucoup de témoignages de lectrices et lecteurs qui se retrouvent dans cette histoire et ça fait vraiment un grand plaisir.
Abdelmadjid Adda : Plusieurs écrivains kabyles, El Mouhouv Amrouche, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, ils ont écrit des livres qui ont une grande influence sur notre société et on se réfère souvent à eux, même s’ils ne sont plus de ce monde.
Dans ce Roman je me suis aussi inspiré de l’écrivain journaliste Youcef Zirem dans son roman, Les portes de la Mer.
Le Matin d’Algérie : Concernant l’écriture, avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Abdelmadjid Adda : J’ai terminé le premier jet d’un roman avec ma fille Lylia, j’espère trouver le temps de continuer, pour l’avenir j’ai beaucoup de projets notamment une biographie de mon frère disparu.
Livres publiés :
– Le téléphone piégé, Independently published
– Chambre contre services, Independently published
Entretien réalisé par Brahim Saci
lematindalgerie.com
jeudi 27 juin 2024
Geneviève Guevara fait partie de ces écrivaines, poétesses, artistes peintres qui fascinent tant la passion les anime. Elle porte dans son regard cette lumière bienfaitrice et créatrice qui irradie autour d’elle.
Après une licence en philologie romane et une agrégation, un certificat en langue arabe et islamologie, elle étudie l’art dramatique, au Conservatoire de Namur, puis enseigna le français à l’Institut Saint-Louis de Namur. Mais la poésie a toujours été là, elle a toujours fait partie d’elle.
Geneviève Guevara a une relation étroite, de cœur et d’esprit, avec l’Afrique du Nord. Est-ce ce soleil d’Afrique qu’elle porte dans ses yeux ? Probablement, car Geneviève Guevara est une artiste chaleureuse qui porte la générosité dans son regard.
Elle est poète et peintre et ce n’est pas le fait du hasard, les arts sont liés comme par magie, ce que le peintre transmet par le jeu des couleurs, le poète le transmet par les mots. Le poète joue avec les mots qu’il manie, qu’il tord et magnifie avec cette aisance et facilité déconcertante mais qui retient l’œil averti et le passant pour un moment de pur bonheur qui semble arrêter l’heure, l’oreille n’entend plus le tictac de la pendule pour n’entendre que cette mélodie, cette harmonie qui se dégage du poème ou du tableau.
L’art s’abreuve et s’écoule dans l’éternité, il retient et ralentit le temps qui devient l’ami, l’œuvre d’art n’a point de dualité puisqu’elle converge vers l’union où la beauté prend tout son sens.
Les créations artistiques de Geneviève Guevara se sont gorgées du soleil d’Afrique contrastant avec le froid de la Belgique, d’où cette richesse du mélange des cultures et des couleurs qui promet un avenir meilleur.
La poésie et les tableaux de Geneviève Guevara dégagent un cri d’espoir, même quand le soir tombe avec son chagrin, la plume et le pinceau pensent au soleil du matin, au nouveau jour naissant qui émerveille l’enfant et le regard innocent dans l’éblouissement de la perception remodelée par l’expression artistique d’où jaillissent mille ombres et lumières qui célèbrent la vie.
Le Matin d’Algérie : Vous avez enseigné des années le français, le savoir littéraire, vous avez étudié l’art dramatique, vous écrivez depuis l’enfance, mais vous avez mis le temps pour vous révéler, pour publier, vous êtes multiple, qui est Geneviève Guevara ?
Geneviève Guevara : En effet, j’ai mis beaucoup de temps pour publier parce que j’étais fort occupée pendant toutes ces années. J’ai beaucoup observé, je suis une très très grande observatrice, j’observe les gens, le monde dans lequel on vit.
J’ai beaucoup lu, énormément lu, j’ai découvert des êtres différents. J’aime bien avoir des points de vue différents que je peux confronter. Je dis souvent, que ce soit à mes élèves, à mes enfants… que c’est très important de lire des choses diamétralement opposées : ne pas se cantonner à un seul domaine que ce soit d’un point de vue littéraire ou autre, et ne jamais estimer qu’on a la vérité. Une personne qui estime qu’elle détient la vérité, c’est une personne qui se ment à elle-même et qui ment aux autres consciemment ou non.
Oui, je suis observatrice, je suis curieuse aussi, je suis très respectueuse des autres mais (et ça, c’est vraiment devenu fondamental chez moi) je ne veux plus me taire pour ne pas blesser les autres. J’estime hyper important d’être authentique lorsque l’on pense quelque chose, il importe de le dire avec bienveillance. Et si l’autre est blessé, c’est qu’il a quelque chose à travailler… C’est comme ça maintenant que j’envisage les choses. Avant j’étais trop dans l’observation et je croyais que c’était mieux de me taire pour ne pas blesser mais j’étais dans un amour pour autrui qui n’était pas juste en fait.
J’aime l’authenticité, la congruence, la cohérence. J’aime partager ce que je sais mais sans l’imposer à autrui. Si l’autre estime que je lui impose c’est parce que lui a peut-être cette tendance à vouloir imposer à autrui ses idées… Une de mes phrases porteuses est celle-ci : « Je propose, tu disposes, rien ne s’impose » Par ailleurs, j’ai énormément contemplé des œuvres d’art depuis l’adolescence j’ai été très intéressée par tout ce qui est artistique : peinture, sculpture, danse, musique, tissage, céramique…et surtout l’écriture. J’ai toujours énormément lu depuis mes cinq ans. J’ai beaucoup écrit pendant mon adolescence des poèmes et un roman.
Et puis, pendant trente ans, je n’ai presque rien écrit mais j’ai énormément lu encore et encore. J’ai beaucoup travaillé adolescente la laine (filage, tissage, tricot, broderie…). J’ai un goût de l’ornementation depuis toujours. Quant à la peinture, elle s’est invitée tardivement dans ma vie, depuis 2018 en fait et il m’a fallu plusieurs mois pour me sentir légitime dans cet art. J’ai passé le cap de la légitimité maintenant.
Vous disiez qu’il m’a fallu du temps pour me révéler, ce n’est pas tellement ça, c’est plutôt à manifester qui je suis, à me révéler à moi-même ce qui comme toute personne, c’est le travail d’une vie. Mais j’aurais pu déjà manifester avant. En tous les cas de manière beaucoup plus publique. Je pense que je me suis montrée à mes élèves, à mes enfants, à mes proches… mais pas autant que je le fais maintenant.
Le Matin d’Algérie : La littérature, la poésie, la peinture, vous animent, racontez-nous ?
Geneviève Guevara : La littérature, c’est depuis toujours. Au plus loin que je remonte dans mes souvenirs, la lecture a toujours été quelque chose de sacré. J’ai énormément lu depuis l’âge de cinq ans et demi, à partir du moment où j’ai appris à lire, j’ai dévoré les livres. Je pouvais être dans une salle comble et avec plein de monde et de bruit autour de moi, j’arrivais à me concentrer suffisamment sur la lecture et celle-ci n’a jamais été une lecture superficielle.
La poésie est entrée dans ma vie vers l’âge de treize ans. J’ai écrit beaucoup de poèmes mais je n’ai rien publié sauf un poème dans le livre de l’école. Jusqu’à l’âge de vingt ans, j’ai beaucoup écrit : de la poésie et un roman. Puis, après une année d’université, j’ai arrêté pour me consacrer uniquement à ma vie estudiantine, ma vie amoureuse, puis ma vie professionnelle et ma vie familiale… Et je n’ai presque rien écrit pendant plus de trente ans.
Je lisais toujours autant, peut-être même plus. J’avais des cours à préparer et cela prend beaucoup de temps. Et je me suis investie dans beaucoup de projets interculturels notamment. Et puis, la vie a fait qu’il y a eu énormément de ruptures dans ma vie à partir de 2015 : la vie a été extrêmement difficile pour moi. Et comme il y a eu beaucoup de ruptures, il y a eu du temps pour moi.
Étrangement je n’ai plus beaucoup lu de 2015 à 2022, par contre j’ai énormément écrit surtout de la poésie (certains jours, j’écris jusqu’à six poèmes. Et puis, il y a l’écriture de mon roman commencé il y a déjà maintenant presque six ans… mais c’est une somme ! Il comprendra plusieurs volumes d’ailleurs. Ce roman est assez inclassable. On pourrait le qualifier d’historique puisqu’il traite de plusieurs époques : antiquité, moyen âge, renaissance, fin 19ème- début 20ème, notre époque aussi.
C’est un roman d’amour, un roman philosophique, surtout un roman initiatique. J’espère l’avoir terminé cette année Quant à la peinture, j’étais uniquement observatrice très intéressée mais jamais je n’aurais pensé passer à l’acte de peindre (croyance limitante : » je suis incapable de peindre »…). Mais dans ce moment de rupture, de chaos, de manière assez étrange, sont arrivés dans ma vie plusieurs artistes nord-africains qui m’ont fortement incitée à peindre.
Le Matin d’Algérie : Vous avez une histoire d’amour avec l’Afrique du Nord, nous retrouvons ses rayons de soleils dans vos créations, vous portez cette lumière dans vos yeux, à quoi est due cette magie ?
Geneviève Guevara : Cette histoire d’amour a débuté dès l’adolescence, vers l’âge de dix-sept ans, par l’écoute d’une chanson du groupe Djurdjura. Un véritable coup de foudre. J’ai écouté énormément ce groupe, j’ai même interprété au conservatoire au cours de déclamation un des textes de ce groupe traduit en français. Par ailleurs, la littérature maghrébine m’a fort intéressée. Et l’amour s’est personnalisé aussi. L’Afrique du nord Oui. Le Maroc et depuis 2017, c’est l’Algérie qui est entrée très fortement dans ma vie. Un immense éblouissement qui n’a fait que s’intensifier.
L’Algérie a fortement chamboulé ma vie, on peut le dire. Et je suis d’ailleurs très contente d’avoir eu ce chamboulement même si ça a été quelquefois très inconfortable. Mais bon, je pense que c’était nécessaire notamment pour me relancer dans l’écriture, me lancer dans la peinture (ce sont beaucoup d’artistes algériens qui m’ont incitée à peindre). Enfin, je suis autant attirée que j’attire les nord africains, et plus particulièrement les Algériens, c’est même incroyable parce que c’est constant !
Le Matin d’Algérie : Vous semblez passer de la poésie, à la peinture, au roman, avec une facilité déroutante, d’où cet élan intellectuel exceptionnel qui semble lier le tout en gardant les spécificités de chacune des expressions, comment faites-vous ?
Geneviève Guevara : Parce que je ne me donne aucun frein. J’ai décidé d’être dans la spontanéité, dans l’intuitif, de me laisser porter. Je refuse qu’il y ait des canalisations, des voies balisées…
À une galeriste qui voyant mes tableaux et disait : « mais vous allez dans tous les sens… vous vous cherchez ! », j’ai répondu :
» pas du tout, je ne me cherche pas, je m’amuse ! »
Elle n’a pas compris…
Je trouve que c’est extrêmement important de s’amuser. Je trouve ça extrêmement triste quand on veut absolument canaliser les artistes ou les écrivains en voulant qu’ils peignent ou écrivent toujours d’une certaine façon. Chacun a à être libre entièrement. C’est quelque chose de primordial : on ne brime pas tout ce qui est artistique en soi (et on est tous des artistes). Donc, qui a accepté son côté artistique n’a pas à être canalisé par les autres. C’est lui qui décide de ce qu’il a envie de faire.
Moi, je n’ai pas envie du tout qu’on me dise : « tu dois faire ça comme ça. » Je peins ou j’écris comme je le sens à ce moment-là et avec plaisir.
C’est très très important le plaisir pour moi.
Je ne sais pas si je garde la spécificité de chacune des expressions parce que je fais des ponts entre la peinture et la poésie : j’intègre régulièrement dans mes tableaux des poèmes, des extraits de mes poèmes.
Le Matin d’Algérie : L’Afrique du Nord jouit de cette lumière exceptionnelle recherchée par les peintres, les poètes et les génies littéraires mais malheureusement dans une liberté entravée, toute cette région peine à se démocratiser et se referme de plus en plus sur elle-même, les arts et l’expression artistique en général peuvent-ils aider à l’émancipation de l’Afrique du Nord pour une prise de conscience salutaire d’ouverture culturelle ?
Geneviève Guevara : Concernant cette lumière exceptionnelle en Afrique du nord, c’est évident : on a bien vu les peintres des 19e et 20e siècle… Et c’est vrai que la liberté est entravée… Je parlerai en premier de mon pays et plus particulièrement de mon école. Quand j’ai commencé à enseigner en 1989, je donnais des cours d’art dramatique, d’histoire de l’art et d’esthétique. Ces cours n’existent plus depuis 1995 ! Référons-nous maintenant à cette fameuse pandémie et les confinements : les inessentiels… La littérature, les arts… Je constate tout de même que depuis 2020, il y a énormément de gens qui ont commencé à écrire, leurs écrits sont publiés (ce n’est pas toujours de bonne qualité selon moi, ce qui ne signifie pas que ça ne puisse pas présentement faire du bien à d’autres que moi). Je ne suis pas dans cette énergie d’empêcher ceux qui ont commencé à écrire et qui vont commencer à peindre.
Je pense que c’est nécessaire pour retrouver la créativité en chacun mais c’est important de voir par après quelle est la forme artistique la meilleure pour soi. La promotion de la culture, des arts de manière générale est en recul dans le chef de bien des dirigeants dans le monde. C’est important là maintenant de s’exprimer. Il y a beaucoup de gens qui ont peur d’essayer, qui ont des croyances limitantes du style : » je ne suis pas capable de, je ne suis pas doué. » Croyance récurrente. J’avais moi-même cette croyance. Si je peins c’est grâce à des nord-africains surtout algériens qui m’ont beaucoup encouragée à me lancer dans la peinture. Mais j’avais cette croyance limitante et je me disais » je ne suis pas capable » … Le mois dernier, je terminais ma 4e exposition ! Ce qu’il faut c’est oser ! Oser sortir de ses croyances limitantes. Ne pas avoir peur de ce que les autres peuvent penser.
Pour revenir à l’Algérie ou à l’Afrique du nord de manière générale, Je pense, au risque de choquer, que ce n’est pas que ceux qui gouvernent qui entravent les autres. Les gouvernants ne reflètent que ce que la majorité du peuple choisit. Ce que je veux dire, c’est que chacun a sa part de responsabilité.
Je vais donner plusieurs exemples. Quand je lis les Kabyles qui râlent parce qu’on construit trop de mosquées en Kabylie et accusent ceux qui les construisent, je réponds tout simplement que si les Kabyles n’ont pas envie que des mosquées soient construites, il ne faut pas y aller, idem pour les écoles coraniques : on n’a pas envie que ses enfants aillent à l’école coranique ? On ne laisse pas ses enfants y aller. Je donne un autre exemple, concernant cette fois mon pays, la Belgique : l’âge de la retraite est fixé à 67 ans. Nous n’avons rien fait pour refuser cette limite. C’est nous qui acceptons certaines choses qu’on nous impose.
Si maintenant il n’y a qu’une personne qui se révolte, c’est sûr que c’est difficile de changer les choses mais si maintenant de manière beaucoup plus générale il y a plus de personnes qui ne sont pas d’accord, on s’extirpe de cette énergie de brimade.
Je pense que c’est à chacun de travailler sur soi-même. Pour revenir à la question, Oui les arts et expressions artistiques aident à l’émancipation des peuples, des individus et pas rien qu’en Afrique du Nord. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que dans les dictatures pures et dures, les artistes sont persécutés voire supprimés. Il y a une autre censure qui n’est pas politique et que j’ai tristement constatée depuis déjà un certain temps en Algérie. C’est cette tendance à discréditer celui ou celle qui réussit et/ou diffère de la ligne de pensée de ses détracteurs.
Je n’évoquerai que trois cas : une jeune chanteuse lauréate d’un concours de télé-crochet lynchée, un jeune poète qui malgré sa mauvaise maîtrise de la langue française osait publier sur son mur : lynché et enfin une amie artiste très fréquemment critiquée sur sa façon de peindre. Je pourrais encore parler de Yasmina Khadra…. L’ouverture culturelle est l’affaire de tous. Elle a à s’effectuer respectueusement. L’intelligentsia a un rôle d’ouverture à promouvoir avec sagesse et bienveillance; le monde artistique a à poursuivre en association son expansion. Je crois en l’impact de festivals comme celui de Raconte Arts.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Geneviève Guevara : Après avoir eu cette année deux expositions de peinture ainsi qu’un symposium artistique en Tunisie, la publication d’un nouveau recueil de poèmes et plusieurs événements littéraires à Bruxelles, dont une conférence que j’ai intitulée » la poésie, des ressentis à la joie « , ce mois de mai sera consacré principalement à la poésie : trois moments poétiques à Bruxelles ( 1 à Uccle, 2 à Anderlecht dont une journée dans la maison de Maurice Carême qui aboutira à la publication d’un recueil collectif). Et puis, en collaboration avec mon amie Ana Lina, j’ai lancé Paris Poésie, le premier après-midi poétique) d’une longue série j’espère) le 19 mai.
En juin, toujours la poésie à l’honneur : la Tour Poétique à Paris en plus de mes rendez-vous poétique mensuels à Bruxelles. À l’occasion de la troisième édition de la Tour Poétique, un recueil collectif sera disponible auquel j’ai contribué : trois de mes poèmes et une réflexion à propos de la poésie. Au niveau plus personnel, je vais continuer d’animer des ateliers d’écriture, de connaissance de soi… Je vais me consacrer à la finalisation de quelques recueils de poèmes parce que j’ai énormément écrit et qu’il est grand temps de présenter maintenant au public cette production. Et enfin, je souhaite ardemment terminer l’écriture de mon roman » MoTsaïques. »
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Geneviève Guevara : Oser. Oser être soi-même, oser dire qui on est, oser découvrir différentes choses, ne pas rester toujours dans le même domaine. Et pourquoi pas lire mes poèmes par exemple… Ne pas avoir peur de la poésie parce que la poésie n’est pas un domaine réservé à une élite. La poésie rend libre. Je pense à Alexandros Panagoulis, cet opposant grec qui, lors de la dictature des colonels, a composé énormément de poèmes lors de son incarcération, poèmes qu’il étudiait par cœur. Ses poèmes lui ont permis de tenir le coup lors des séances de torture… La poésie n’est pas qu’écrite (je pense à Si Mohand qui n’écrivit pas sa poésie).
La poésie est multiple, elle peut se trouver dans toutes les formes artistiques : peinture, photographie… elle peut se retrouver dans une manière d’être, dans la manière d’arranger son logis, sa façon d’être avec les autres… Le mot « poésie » vient de ποιεω, poîéô (en grec) qui veut dire « faire, fabriquer, créer ». La poésie, c’est la création. Elle est à oser.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Lematindalgerie.com
Le mardi 07 mai 2024
Le lecteur est accaparé dès les premières pages par la force de la narration, où l’élan poétique subjugue et ouvre la réflexion. Jean-Michel Wavelet possède la magie du conteur pour faire passer les idées et la magnanimité du philosophe qui s’interroge.
Café l’Impondérable : Habiba Djahnine, une poésie entre ciel et terre
Le livre de poésie, Traversée par les vents, publié chez les éditions Bruno Doucey, de Habiba Djahnine a été l’occasion de discuter de poésie, de féminisme, de cinéma, de décennie noire, de mysticisme… au café l’Impondérable de Youcef Zirem.
Habiba Djahnine est productrice, documentariste, réalisatrice de films, poétesse et écrivaine. Mais on ne peut parler de Habiba Djahnine sans évoquer sa sœur Nabila qui était une architecte engagée pour le droit des femmes, l’une des plus grandes féministes algériennes.
Nabila a créé l’Association de Défense des Droits des Femmes, Tiɣri n tameṭṭut (cri de femme), dont elle était présidente. Elle a lutté durant toute sa courte vie contre le Code de la famille reléguant les femmes au statut de mineures.
Nabila Djahnine a été assassinée par l’obscurantisme, par des fondamentalistes musulmans le 15 février 1995, rejoignant les milliers de victimes de cette période la plus noire de l’histoire de l’Algérie post-indépendance.
Habiba Djahnine est l’initiatrice de Béjaïa Doc, un atelier de création de films documentaires. Elle sillonna les routes d’Algérie dans le cadre de ces ateliers.
Son long métrage poignant, Lettre à ma sœur, consacré à sa sœur Nabila, a eu un grand impact sur le réveil des consciences et le sursaut identitaire.
Son recueil, Traversée par les vents, est une envolée mystique, une invitation au voyage, à la méditation, où le cœur interpelle l’esprit.
Le recueil s’ouvre sur une citation de Rumi (Djalâl ad-Dîn Rûmî), le grand poète mystique persan, l’un des plus hauts génies de la littérature spirituelle universelle.
« Je viens de cette âme qui est à l’origine
de toutes les âmes
Je suis de cette ville qui est la ville
de ceux qui sont sans ville
Le chemin de cette ville n’a pas de fin
Va, perds tout ce que tu as, c’est cela
qui est le tout. »
Cette citation donne le ton du recueil, une dimension mystique et spirituelle s’ouvre à nous et nous attire vers un beau voyage où aventuriers, chercheurs et initiés s’y retrouvent dans une voie qui transcende la réalité déchirant l’illusion vers la vérité.
« Tout nous assaille
Inquiétude et chaos
Tissent un sentiment
Peut-être une conviction
De n’appartenir qu’à la terre »
La terre nourricière qui donne vie et accueille la mort. La vie en sort toujours vainqueur.
Durant l’échange avec Youcef Zirem, une atmosphère apaisante nous enveloppa tous, les lectures de poèmes plongèrent la salle dans l’émerveillement, il faut dire que Youcef Zirem sait donner le ton, le rythme, le tout planant dans l’harmonie.
Habiba Djahnine cite les grands savants mystiques qui l’influencent, qui lui parlent, Rumi (Djalâl ad-Dîn Rûmî), Hallaj (Mansur al-Hallaj), Kheyam (Omar Khayam), des références qui émeuvent le public, éveillant les cœurs vers l’union et l’amour.
Les regards se croisent bienveillants, heureux du partage culturel comme une douce brise fraîche soufflant sur les âmes.
« Aâmi Salem
…..
J’ai bu du thé qu’il m’a offert et j’ai demandé
« As-tu prié … ? As-tu jeûné ? »
« Dieu m’a dispensé de tout
Ma soumission à Lui recouvre mes prières
Quant au jeûne il m’est quotidien »
Le sage, le mystique ou même l’Ermite savent voir au-delà des voiles, des cieux pleins d’étoiles, loin des certitudes, loin des servitudes, loin du superflu de note époque folle, ils se délectent de l’essentiel.
Le poète comme le peintre peint sa réalité, met des couleurs là où il n’y en a pas, ces couleurs sont les mots, ceux qu’il choisit et ceux qui s’imposent d’eux-mêmes.
« Les entrailles de la terre ont gémi
Désarroi destruction agonie
En lambeaux ils étaient
Mais ils se relèveront d’entre les morts
Ils reviendront maintes fois leur dire
Que la terre a assez bu de mensonges et de crimes
J’avais la conviction non la certitude d’un désert »
Habiba Djahnine a côtoyé les vents de la peur, de l’effroi, ceux qui accompagnent le sifflement de la faux de la faucheuse fauchant les âmes, elle peut maintenant accueillir ceux du déserts, ces vents qui sculptent les dunes et les mirages, son regard la portent au-delà des horizons, des vents mauvais aux vents meilleurs.
La rencontre littéraire s’est terminée aux frontières du désert, libre à chacun de continuer à marcher sur le sable fin ou de rebrousser chemin.
Brahim Saci
Livres de poésie :
Outre Mort – édition El Ghazali.
Fragments de la maison – édition Bruno Doucey.
Traversée par les vents – édition Bruno Doucey.
Les films :
Lettre à ma sœur
Autrement citoyens
Retour à la montagne
Avant de franchir la ligne d’horizon
Safia, une histoire de femme
La Kabylie des Babors
D’un Désert
Le poète Ben Mohamed, de son vrai nom Benhamadouche Mohamed, fait partie de ces poètes à la verve franche et brillante. Il parle sans détours avec un charisme digne des poètes légendaires.
Nous avons pu le constater, invité de l’écrivain Youcef Zirem au café littéraire parisien de l’Impondérable, où le poète Ben Mohamed a su captiver le public en parlant de son parcours dans le champ culturel berbère et de son expérience riche et mouvementée à la Radio kabyle Chaîne 2.
On peut dire que Ben Mohamed a l’art de la rhétorique, alimentant son argumentation d’anecdotes laissant l’assistance dans l’émerveillement.
Il nous raconte qu’à huit ans, il assiste émerveillé avec son père à un récital de Slimane Azem dans un restaurant d’At Wacif. Il sortira de là avec un fascicule où des chansons de Slimane Azem étaient transcrites en caractères latins.
Le destin de poète de Ben Mohamed fut scellé ce jour-là. On a appris aussi que c’est grâce à Mohamed Hilmi qu’il fit sa première émission de radio.
L’affaire Sliman Azem
On ne pouvait évidemment pas évoquer la Chaîne 2 sans parler de la censure qui y a durement sévi et de Slimane Azem qui en a payé le prix fort, puisque celui-ci fut interdit d’antenne et jugé Persona non grata de 1967 jusqu’à l’ouverture politique de 1988.
Youcef Zirem n’a pas manqué de poser cette question cruciale à ce témoin de l’époque sur la censure touchant le légendaire Slimane Azem, l’un des plus grands poètes chanteurs du XXe siècle.
Ben Mohamed semblait s’attendre à cette question. Il nous rappelle ce que Kamel Hamadi ne cesse de dire, que l’interdiction n’était pas officielle, qu’une main malveillante a ajouté au stylo le nom de Slimane Azem sur une liste adressée par le ministère de l’information.
Nous étions en 1967 pendant la guerre des six jours, et cette liste concernaient les chanteurs français ayant apporté leur soutien à Israël.
Le directeur de la radio de l’époque n’a pas cherché à savoir qui avait ajouté le nom de Slimane Azem sur la liste, mais a inclus Slimane Azem dans l’interdiction, la loi du silence était tombée comme un couperet, personne n’osait en parler.
Une interdiction qui a brisé Slimane Azem que l’exil n’avait déjà pas épargné, personne n’a essayé d’éclairer les zones d’ombre, d’ailleurs même les écrivains et intellectuels de l’époque se sont tus.
Cette histoire d’ajout au stylo n’a évidemment convaincu personne. Puis Ben Mohamed nous raconte ses mésaventures avec la radio, on a censuré plusieurs fois ses émissions. Il est le premier à avoir invité Matoub Lounès, ce qui lui a coûté la suppression de son émission.
Puis Ben Mohamed nous raconte une autre anecdote concernant l’un des directeurs de la radio qui voulait donner une part importante au chant religieux, sous les conseils de bouffons de la radio espérant s’attirer ses faveurs.
Il fait venir le grand Mokrane Agawa spécialiste du genre, mais quand celui-ci arrive et entre dans le bureau tel un gentleman, à peine assis, que le directeur lui dit qu’il est ignorant, comme un âne, concernant le chant religieux.
Mokrane Agawa se lève brusquement et s’en va en lui laissant ces mots : « Je ne suis pas venu ici pour parler avec un âne. »
La salle est hilarante à ce moment-là, puis Ben Mohamed nous parle de ces projets d’écriture, 3 livres en perspective, dont l’un regroupera les poèmes chantés par les artistes puisque certains n’évoquent jamais l’auteur de leurs chansons.
Brahim Saci
Diasporadz
Le café littéraire parisien de l’Impondérable, de l’écrivain Youcef Zirem, qui se déroule chaque dimanche à 18h, au 320, rue des Pyrénées, dans le XXe arrondissement de Paris, est un espace littéraire unique en son genre, ouvert et à la portée de tous.
Il peut se vanter d’être le seul café littéraire hebdomadaire de cette capitale des arts et des lumières. Nombreux sont ceux qui sont passés par là depuis 2017, et l’on se bouscule pour y être invité, tant Youcef Zirem a le don de mettre à l’aise l’invité dans des échanges courtois et éclairés.
Tous les dimanches l’art et la littérature se côtoient et prennent un verre dans ce lieu devenu quasi mythique, où les tenants actuels du lieu, Mourad et Sofiane, vous accueillent avec le sourire bienveillant.
L’écrivain poète journaliste Youcef Zirem a le génie de pouvoir tenir une programmation depuis 2017, ce qui est une sacrée performance, mais l’écrivain humaniste est aimé de tous, artistes et auteurs s’y retrouvent avec joie, ils savent que Youcef Zirem les mettra généreusement en lumière.
Paris compte cinq cafés littéraires historiques, « Les Deux Magots » à Saint-Germains-des-Prés, que fréquentaient jadis Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, un lieu de rendez-vous d’artistes et d’intellectuels, Guillaume Apollinaire, Elsa Triolet, Louis Aragon, André Gide, Picasso et d’autres.
« Le Procope » dans le VIe arrondissement de Paris, La fontaine, Racine, Diderot, d’Alembert, Beaumarchais, Voltaire, Balzac, Nerval, Hugo, George Sand, Musset et Verlaine s’y sont attablés. Aujourd’hui Amélie Nothomb, Éric-Emmanuel Schmitt fréquentent ce lieu.
« Le Café de la Paix », place de l’opéra dans le IXe arrondissement, fréquenté par de nombreux intellectuels, écrivains, Maupassant, Victor Hugo, Émile Zola, Oscar Wilde, Paul Valéry, André Gide, Marcel Proust.
« Le Café de Flore » dans le VIe arrondissement, fréquenté par Guillaume Apollinaire, Picasso, Boris Vian, Serge Reggiani, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Ionesco.
« La Closerie des Lilas » dans le VIe arrondissement, Bazille, Renoir, Monet, Sisley, Pissarro, Émile Zola, Paul Cézanne, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Edmond de Goncourt, Paul Verlaine, Paul Fort, Lénine Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry. Amedeo Modigliani, Germaine Tailleferre, Paul Fort, André Breton, Louis Aragon, Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre, André Gide, Paul Éluard, Oscar Wilde, Samuel Beckett, Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, Henry Miller, ont fréquenté cet endroit.
Le café littéraire parisien de l’Impondérable est un exemple pour le vivre ensemble et l’ouverture culturelle. C’est un lieu convivial, où les échanges se font dans la curiosité, l’amitié, et la bonne humeur. Les poètes, les écrivains, les artistes en général, sont toujours les bienvenus.
Les artistes, les écrivains, les intellectuels de tous bords viennent parler de leurs publications. L’écrivain Youcef Zirem anime toujours les débats avec brio.
Après une présentation et un échange entre l’invité et Youcef Zirem, la parole est donnée au public. Chacun est libre d’intervenir et de poser la question qu’il veut, même celui qui vient de rentrer, qui n’a rien suivi, tout le monde l’écoute avec bienveillance et l’invité lui répond, tout se passe dans le respect du vivre ensemble.
Ce café littéraire situé dans un quartier populaire joue aussi un rôle éducatif. Les rencontres sont toujours chaleureuses et conviviales. Les gens restent souvent très tard et en profitent pour échanger autour d’un verre entre eux et avec l’invité.
Le café littéraire parisien de l’Impondérable de l’écrivain Youcef Zirem reste le rendez-vous incontournable de tous les dimanches à 18h. L’écrivain Youcef Zirem continue d’assurer la programmation, parfois même avec peines et sueurs, mais pour cet amoureux des arts et des lettres le partage culturel est comme un don de soi, il sait combien le livre et les arts peuvent améliorer le monde et il nous le rappelle souvent en disant « le meilleur est toujours possible ».
Brahim Saci
26 mars 2024
DIASPORADZ
samedi 23 mars 2024
lematindalgerie.com
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Séphanie Guilhou : « Sans lecteurs, la littérature devient stérile »
Stéphanie Guilhou est cette poétesse au grand cœur, au visage souriant, n’est-ce pas le meilleur des partages ? Le sourire, comme pour braver le temps qui passe. Stéphanie Guilhou porte la poésie dans son regard d’où émanent et jaillissent des espoirs, ceux d’un lendemain meilleur, ceux d’un présent apprivoisé sans les regrets.
Après des études littéraires et l’histoire de l’Art, Stéphanie Guilhou décide de publier. L’écriture a en fait toujours été là comme une fidèle amie pour elle, et c’est seulement là qu’elle se dévoile comme une étoile naissante dont la lumière irradie enfin au-delà des horizons.
Les poèmes de Stéphanie Guilhou sont parfois comme des tableaux, l’œil averti y entrevoit la voie menant vers soi et là-bas, des images et des couleurs s’entremêlent afin de porter l’émotion et les sensations au paroxysme du possible dans un élan quasi-mystique au-delà des limites crées, au-delà de l’éther comme une prière qui assainit l’air pour un souffle renouvelé, rafraîchi.
Stéphanie Guilhou vient de publier un beau recueil de poésie « Au fil du temps » chez, Lys bleu éditions, une écriture arrivée à maturité, des années ont coulées laissant des traces, des couleurs, mais aussi des blessures et des cicatrices, d’où un élan poétique magnifiant le beau même en bousculant le logos pour élever l’expression poétique de l’apparent au caché toujours pour en extraire la profondeur et la beauté vers une renaissance exaltée.
Le Matin d’Algérie : Vous avez fait des études littéraire et l’histoire de l’art, vous venez de publier un beau recueil de poésie « Au fil du temps », qui est Stéphanie Guilhou ?
Stéphanie Guilhou : Comme les chats j’ai eu 7 vies, vivant chacune d’elle avec passion et parfois des moments plus longs et difficiles. C’est cette alternance de rythmes, de matière, de temporalité qui m’a donné à la fois l’élan, la créativité et l’espoir.
Suite à un baccalauréat littéraire, j’ai commencé mes études supérieures par un cursus en Histoire de l’Art et Archéologie. Chaque cours était un voyage, chaque livre une découverte. Cela a été des années très stimulantes. J’ai aussi pu participer à des chantiers de fouilles en Charente-Maritime. Un aqueduc romain, plein de galeries, de rivières souterraines, de pierres centenaires qui nous dévoilaient au fur et à mesure des fouilles leurs mystères.
Ce sont des années baignées par l’esthétisme, le beau, le romantisme, parfois le tragique aussi. Cette sensibilité et la culture développées au contact de ces œuvres font maintenant partie de moi, comme un photographe fait corps avec son appareil, l’œil s’ajuste aux tableaux, aux sculptures, aux bâtiments et cela laisse une empreinte même pour les petites choses du quotidien.
Mes projets ont ensuite évolué vers d’autres aventures, j’ai ensuite travaillé en ONG (Organisation non gouvernementale) auprès de personnes passionnées et d’une humanité très humble et très grande. Cela chamboule tout ce que vous aviez appris jusqu’à présent et transforme la notion du temps consacré, et de l’engagement. En 2010 je suis partie sur le terrain au Liban pour travailler dans un dispensaire auprès de personnes atteintes de handicap. Cela restera à ce jour ma plus belle expérience. Un temps dans ma vie où chaque instant avait un sens et où pourtant était présent ce sentiment de ne pas faire assez, de pouvoir se dépasser chaque jour un peu plus, et d’être pourtant humain, de pouvoir tant donner et pourtant d’être parfois si démuni.
Si cette expérience était à refaire je la referais sans hésiter !
Un troisième temps est ensuite arrivé celui de la vie en entreprise, le dynamisme des projets, les premières rencontres artistiques professionnelles. Dans le cadre de mon travail nous organisions des concours de chant : un concours européen de karaoké et un concours mondial de chant dont la finale en 2018 s’est déroulée à Paris. J’ai découvert à ce moment l’environnement musical, les tournées de sélections, la magie du show, toute une culture que je connaissais à travers ma chère radio. Ce bain de musique a été pour moi un élément moteur en termes d’écriture et de rencontres. Sans cette étape je n’aurai jamais osé me lancer dans de nombreux projets.
Aujourd’hui vient le temps de l’écriture diffusée, et je continue à travailler au sein de projets associatifs.
Le Matin d’Algérie : « Au fil du temps » est un titre évocateur qui interpelle la réflexion, pouvez-vous nous en parler ?
Stéphanie Guilhou : “Au fil du temps” est mon premier livre, il a donc une signification toute particulière pour moi. Il a été écrit au fil de l’eau, au fil des années, au fil de mes expériences, au fil des rencontres… C’est un mélange de vécu, de témoignages, d’histoires, d’idées qui étaient là dans ma tête et qui ont été au fur et à mesure transposées sous formes de vers.
Au début c’était des textes, des poésies, des chansons que j’écrivais en rentrant des tournées des concours de chants. Je les partageais avec mes proches et mon entourage artistique. Peu à peu le contenu s’est densifié et la trame s’est brodée avec patience.
Un jour où j’étais entre deux jobs m’est venu l’idée de me lancer enfin, de le publier. Je ne savais pas trop où j’allais et j’ai été agréablement surprise par les retours positifs que j’ai eus. J’ai consacré le temps que j’avais de disponible à ce moment-là, à le bichonner pour sa parution et c’est ainsi que ce premier livre est né. Je suis très heureuse de pouvoir diffuser ces textes à un public plus large, ils ont longtemps été cocoonés et il est temps pour eux de vivre leurs vies et d’être appropriés par d’autres !
Cette influence musicale qui a été à l’origine en termes d’inspiration de leur construction, et de leur rythme continue de se diffuser. Certains poèmes sont transposables en chanson et ont trouvé leur place sur le piano d’amateurs qui s’en servent pour leurs compositions.
L’idée que ce que j’ai écrit en noir et blanc puisse trouver une nouvelle dimension en blanches et noires en version plus aérienne me réjouis. J’aime cette idée de transformation, d’évolution, d’adaptation. Une nouvelle vie qui prend forme pour ces textes, quelque chose qui m’étonne à nouveau sur leurs constructions.
Le Matin d’Algérie : Pour Charles Baudelaire, le temps est l’ennemi, celui qui détruit, le poète constate impuissant ses ravages, qu’en pensez-vous ?
Stéphanie Guilhou : On ne peut pas échapper au temps, il court infiniment, même si on décide de faire une pause dans sa vie le temps lui continue de courir.
Cependant je ne pense pas qu’il soit un ennemi, certes nous grandissons puis nous vieillissons mais il nous apporte aussi maturité, confiance, la solidité des liens avec ceux que nous aimons.
Quand nous disons de quelqu’un “ Je le connais depuis 20 ans” le temps est alors un fidèle ami. Il est à la fois invisible et marqueur, imperceptible et indélébile, il est ce que nous en faisons mais comme la nature il aura toujours le dernier mot !
Le Matin d’Algérie : Votre poésie est limpide, à portée de tous, et pourtant elle est d’une profondeur inouïe, comment faites-vous ?
Stéphanie Guilhou : C’est cette inspiration musicale qui lui apporte ce rythme et cette construction. Les chansons sont construites pour être diffusées, pour s’adapter à leurs publics. Quand j’écris, j’écris d’abord pour moi mais avec l’idée que cela puisse aussi se transmettre, comme un dialogue. Sans lecteurs, la littérature devient stérile et comme tout art c’est avant tout une histoire de rencontres, quelque chose qui nous a touché et qui pourra par ricochets toucher quelqu’un d’autre.
Il y a beaucoup de poèmes construits sur des témoignages aussi il y a de ma part une volonté de leur rester fidèle. Fidèle à leur histoire, à leur simplicité, à leur authenticité.
J’écris depuis toujours, lycéenne et étudiante j’aimais beaucoup participer à l’écriture d’articles et à des concours d’écriture : Théâtre, court métrage, poésie… Je pense que cela a aussi influencé mon style et ma façon d’aborder ma plume.
J’essaie toujours de faire en sorte que dans les textes que j’écris qu’il y ait quelque chose qui puisse accompagner le lecteur. Quelque chose que j’ai appris et que j’ai envie de transmettre, quelque chose que l’on m’a raconté et que j’ai trouvé d’une grande beauté. Il y a un cheminement qui continue et qui par les échanges que j’ai avec mes lecteurs s’enrichit et m’inspire.
Le Matin d’Algérie : La poésie et l’art en général peuvent sauver le monde, pour un retour salvateur vers le cœur, vers le bonheur, qu’en pense la poétesse Stéphanie Guilhou ?
Stéphanie Guilhou : Absolument, l’encre noir devient couleur en se transformant en calligraphie. Les mots ont une nuance, comme une gamme chromatique, comme une partition de musique. Je travaille avec des dictionnaires et des dictionnaires des rimes. Pour chaque mot il y a une palette, un relief, une puissance.
C’est un moyen de quitter les abysses et d’élever nos plus profondes pensées. Que ce soit par l’écriture, la peinture, le cinéma, la musique etc… l’art nous permet de toucher des choses au plus profond de nous, de transcender des douleurs, de catharsiser des blessures.
L’art c’est aussi de la légèreté, ce qui nous permet de nous évader, de s’imprégner d’un lieu, de personnes, de cultures.
Nous sommes entourés d’art, et de poésie. La poésie se trouve sur la façade d’un immeuble, dans le vent qui balaie les feuilles d’automne, dans les chansons, à chaque printemps, dans la solitude de l’hiver, dans le spleen du métro un lundi matin, dans un échange de regards…
C’est un moyen de mettre en vers notre quotidien du plus banal canard dans le café aux moments les plus extraordinaires qui illuminent nos vies.
C’est aussi une histoire de transmission de vécu, d’impressions d’émotions. C’est ce qui fait notre humanité et que nous devons laisser en patrimoine chacun à son échelle et avec le savoir-faire de son art.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les poètes qui vous influencent ?
Stéphanie Guilhou : J’aime beaucoup Victor Hugo, j’aime son romantisme et la façon dont ses poèmes peuvent être poignants. Au cours de mes études littéraires j’ai eu la chance d’étudier les grands classiques de la littérature française : Baudelaire, Musset, Apollinaire, Rimbaud… ça a été une chance et une éducation aux belles lettres.
Je garde une tendresse particulière pour Prévert qui a marqué mon enfance, et pour son poème Barbara.
Il y a dans la musique aussi beaucoup de poésie et j’ai été fortement influencé par les mots d’Aznavour. Chaque mot à sa place, sa puissance et sa justesse.
J’aime aussi beaucoup la modernité et la tendresse des paroles de Jean-Louis Aubert ainsi que l’élégance et la chaleur de la musique d’Anna Chedid dite NACH, petite fille d’Andrée Chedid.
Le Matin d’Algérie : Avez des projets en cours ou à venir ?
Stéphanie Guilhou : J’ai un nouveau recueil de poèmes consacré au Liban qui est en cours d’écriture. Cela tient une place dans mon cœur depuis longtemps, il y a cette envie de le partager. Il sera illustré et cette fois-ci plus construit comme des tableaux.
Je continue à écrire des poèmes et des chansons, qui sont là bien sagement dans un cahier le temps que des projets arrivent à maturité.
Après j’ai le projet d’écriture d’un livre biographique sur une artiste, et toujours des idées de nouvelles de romans, d’articles qui foisonnent et qui j’espère un jour verront le jour !
Entretien réalisé par Brahim Saci
lematindalgerie.com
Le 19 mars 2024
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Rencontre avec le grand compositeur Philippe Hersant
Philippe Hersant est ce compositeur de génie à l’humilité stupéfiante comme le sont les plus grands. Cet homme généreux et souriant force le respect et l’admiration. Il a marqué la musique classique d’une empreinte quasi-mystique tant la lumière qui émane de ses compositions invite le cœur et l’esprit vers une élévation touchant les étoiles.
Philippe Hersant est licencié en lettres modernes de l’Université Paris-Nanterre, il a en parallèle un parcours musical remarquable. Il a fait ses études musicales au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il suit les classes d’harmonie de Georges Hugon, de contrepoint d’Alain Weber et de composition d’André Jolivet.
Philippe Hersant a aussi enseigné la musicologie à l’université Paris-Sorbonne, il a côtoyé les plus grands noms du monde de la musique classique, largement reconnu. Il s’est vu décerner les plus hautes distinctions, Il est Commandeur des Arts et Lettres.
Son catalogue est riche de près de deux cents œuvres, musique instrumentale soliste, musique de chambre, orchestre, chœur. Il est l’auteur de trois opéras : Le Château des Carpathes, commandé par le Festival de Montpellier et de Radio France, Le Moine noir, commandé par l’Opéra de Leipzig et Les Éclairs, sur un livret de Jean Echenoz, commandé par l’Opéra-Comique.
Il a également écrit une musique de ballet pour l’Opéra de Paris, Wuthering Heights, sur une chorégraphie Kader Belarbi, des Vêpres de la Vierge, commandées par Notre-Dame de Paris pour le 850ème anniversaire de la cathédrale et un opéra choral, Tristia, commandé par Teodor Currentzis et l’Opéra de Perm en Russie.
Philipe Hersant a également écrit un grand nombre de musiques de scène et de musiques de film. Il est ce composteur patient et persévérant qui traverse les ans déchirant l’air, le souffle sans cesse renouvelé, avec une jeunesse défiant le temps avec des créations qui émerveillent le profane et le mélomane tant l’émotion est élevée à son paroxysme.
Excusez du peu, Philippe Hersant est comme cette source où mène la Grande Ourse, où s’abreuve l’âme et le cœur.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un compositeur reconnu, vos créations sont un jaillissement de lumière, qui est Philippe Hersant ?
Philippe Hersant : Je ne pense pas que ma production ait toujours été lumineuse ! Elle s’est nettement éclaircie au fil du temps. Mes œuvres ont longtemps été le reflet d’un parcours chaotique, semé de doutes, parfois même à la limite du renoncement. À cinq ans, j’étais sûr de vouloir être compositeur. C’était une véritable vocation. Mais à l’adolescence, l’incertitude s’est installée durablement… J’avais 30 ans lorsque j’ai écrit ce que je considère comme mon opus 1. J’ai renié tout ce que j’ai écrit auparavant. Il m’a donc fallu des années pour me trouver, pour m’accepter. La route fut longue, tortueuse et escarpée…
Le Matin d’Algérie : Les arts en général et la musique en particulier sont comme cette fontaine de jouvence, les ans, le temps n’ont pas d’emprise sur le génie créateur, vous paraissez infatigable, comment faites-vous ?
Philippe Hersant : Depuis une vingtaine d’années, le rythme de ma production s’est beaucoup accéléré. C’est parce que, progressivement, le fait d’écrire de la musique est devenu pour moi naturel, régulier, presque quotidien. Je ne remets plus jamais cela en question et n’imagine pas ma vie sans cette activité.
Je ne dirais pas que le temps n’a plus d’emprise sur moi, mais je pense que cette certitude adoucit le cours du temps et j’en suis heureux.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les compositeurs qui vous influencent ?
Philippe Hersant : Ils sont extrêmement nombreux ! Je n’ai pas coupé le lien avec la musique du passé : celle-ci, bien au contraire, me nourrit. Lorsque j’avais vingt ans, j’adoptais, par suivisme, une attitude avant-gardiste (« Du passé faisons table rase » !) Cette attitude n’était pas profondément ressentie, elle ne me correspondait pas et m’a mené dans une impasse. Mes compositions maintenant font souvent référence au passé, parfois même à un passé très ancien (musiques médiévales, renaissantes, baroques…) Je suis également influencé par les musiques populaires de toutes origines. Je me sens relié à toutes les musiques du monde qui m’ont précédé et qui me touchent. Je ne sens nullement le besoin d’innover à tout prix.
Un compositeur me fascine particulièrement, c’est Gustav Mahler, car ses œuvres englobent tout, le sublime et le trivial, le savant et le populaire, le sacré et le profane. Ses symphonies sont des œuvres-mondes.
Le Matin d’Algérie : La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée, disait Platon, qu’en pensez-vous ?
Philippe Hersant : J’ai souvent lu cette phrase et j’ai longuement cherché (sans succès) à savoir de quel dialogue de Platon elle provenait.
En fait, je crois qu’elle est un résumé un peu sommaire de ce que le philosophe dit dans le Timée : « Quand on cultive avec intelligence le commerce des Muses, l’harmonie, dont les mouvements sont semblables à ceux de notre âme, ne paraît pas destinée à servir, comme elle le fait maintenant, à de frivoles plaisirs ; les Muses nous l’ont donnée pour nous aider à régler sur elle et soumettre à ses lois les mouvements désordonnés de notre âme, comme elles nous ont donné le rythme pour réformer les manières dépourvues de mesure et de grâce de la plupart des hommes ».
En somme, la musique, si elle est pure, peut influencer l’âme humaine et la rendre bonne. Belle idée !
Le Matin d’Algérie : Nous vivons une époque écorchée, déréglée, la musique peut-elle aider à retrouver les repères perdus qui équilibrent la balance ?
Philippe Hersant : Toute forme d’art peut aider, je pense, à compenser les laideurs et les dérèglements du monde. Dans L’Idiot de Dostoïevski, le prince Mychkine dit cette phrase fameuse : « La beauté sauvera le monde ». Comment s’en passer ?
Le Matin d’Algérie : Les conservatoires sont la vitrine d’un pays, et leur santé est un indicateur du niveau culturel et du bonheur, qu’en pensez-vous ?
Philippe Hersant : Oui, ils sont essentiels, bien sûr ! L’apprentissage d’un instrument et – peut-être plus encore – la pratique collective, au sein d’un orchestre ou d’un chœur, est un formidable outil de socialisation. Cela apprend à écouter l’autre, à vivre ensemble, à s’ouvrir vers le monde.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Philippe Hersant : De nombreux projets ! Des œuvres chorales, un concerto pour violon et, pour dans quatre ans, un opéra.
Entretien réalisé par Brahim Saci.
philippehersant.fr
Le 17 mars 2024
lematindalgerie.com
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Cyril Mokaiesh : « La musique et la poésie guident ma vie »
Crédit photo : Dominique Gau
Cyril Mokaiesh est l’un des auteurs compositeurs chanteurs français à texte le plus en vogue, il est une bouffée d’oxygène dans le paysage artistique parisien. Sa poésie, ses chants sonnent vrais, on ne peut s’empêcher en l’écoutant d’avoir une pensée pour Jacques Brel, Léo Ferré, Georges Brassens, Serge Reggiani, et de se replonger dans cette époque glorieuse de la chanson française, où la chanson à texte s’était imposée par la qualité, la force des poèmes, de la musique et le charisme de ces chanteurs qui ne trichaient pas, qui étaient fidèles à leurs écrits.
Cyril Mokaiesh est cet artiste authentique animé par la passion des arts, de la poésie, de la musique et le chant. Il a été un grand joueur de tennis, un sport qu’il pratiqua avec art. Il fut à 18 ans champion de France de tennis junior.
Cyril Mokaiesh s’investit entièrement dans tout ce qu’il fait, il continue à émerveiller son public par des compositions de qualité, en l’écoutant on se dit que la chanson française a encore de beaux jours devant elle.
Le Matin d’Algérie : Vous avez été champion de France de tennis, vous êtes auteur compositeur chanteur, on peut dire que la passion vous anime, qui est Cyril Mokaiesh ?
Cyril Mokaiesh : J’ai 38 ans, je suis père de famille et en effet la musique, l’écriture, l’interprétation guident ma vie. La création d’une chanson, un album est à chaque fois une manière de me prouver que mon existence a un but, c’est vital.
Le Matin d’Algérie : Dans cette époque écorchée ou le matérialisme sauvage est dévastateur, la chanson à texte est quelque peu boudée, c’est l’ère de la « fast fashion », la priorité est donnée à la facilité, la médiocrité au détriment de la qualité, l’univers de la chanson française s’appauvrit, qu’en pensez-vous ?
Cyril Mokaiesh : Parfois j’ai l’impression que l’époque n’est pas sensible à la beauté, à l’exigence, que la chanson n’est pas considérée à sa juste valeur et que tout se vaut à l’ère des réseaux : une recette de cuisine, un combat de MMA, un You tubeur ou un artiste finalement quelle différence ? On juge sur le nombre de followers qui primera sur le contenu. Tout le monde a quelque chose à dire ou à vendre, ce qui laisse peu de place pour la nuance et la subtilité. J’essaie d’être indifférent à tout ce spectacle et à redoubler de concentration dans ce qui m’anime.
Le Matin d’Algérie : Quelles sont vos influences dans la poésie et la musique ?
Cyril Mokaiesh : Je ne saurais plus dire quelles sont mes influences aujourd’hui car après quinze ans de métier les goûts et les envies changent mais s’il ne devait en rester que deux je dirais Léo Ferré et Paul Éluard pour leur engagement romantique auquel je suis resté fidèle.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Cyril Mokaiesh : Je joue un spectacle sur la vie et l’œuvre de Georges Moustaki. Un concert – théâtre où je me glisse dans sa peau, je chante et raconte sa vie de poète citoyen du monde. Et je prépare un nouvel album de mes propres compositions.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Site vidéos de Cyril Mokaiesh
youtube.com/@CyrilMokaiesh/videos
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vendredi 15 mars 2024
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Rencontre avec l’écrivain Madjid Boumekla
Madjid Boumekla est cet infatigable militant pour les causes justes, il a fait des études en Algérie à l’Institut de planification et des statiques de Ben Aknoun puis à l’Université Paris-Sorbonne où il obtient un DESS (Diplôme d’Études supérieurs spécialisées) en économie des ressources humaines, il a entamé un doctorat qu’il a arrêté pour devenir chef d’entreprise jusqu’à sa retraite.
Il vient de publier deux livres sur l’Académie Berbère, Académie berbère – Genèse et question identitaire, et, Académie berbère – Genèse et question identitaire : témoignages et entretiens, Agraw imaziɣen, cette association emblématique, l’élan précurseur pour la reconnaissance de l’identité berbère, dont les membres fondateurs sont Mohand Arab Bessaoud, Abdelkader Rahmani, Mohand Said Hanouz, Naroun Amar, Khelifati Med Amokrane, et Taos Amrouche et bien d’autres personnes de renom.
Invité par l’écrivain Youcef Zirem au café littéraire parisien de l’Impondérable, Madjid Boumekla a expliqué comment cette formidable association malgré les difficultés, les pressions de l’Algérie, de la France de l’époque et les nombreuses tentatives de l’amicale des algériens en France pour saboter et avorter son travail, a malgré tout aidé à l’éveil des consciences bien avant l’apparition du concept d’identité comme l’a expliqué le chercheur, l’ethnopsychiatre Hamid Salmi.
Madjid Boumekla évoque la genèse, l’évolution et l’impact de l’Académie berbère sur l’imaginaire berbère.
Le Matin d’Algérie : Vous avez dit au café littéraire que vous n’étiez qu’un bistrotier qui écrit, mais vous êtes aussi universitaire, alors qui est Madjid Boumekla ?
Madjid Boumekla : il est vrai que j’ai fait des études d’économie que j’ai arrêtées après mon obtention du DESS à la Sorbonne. Ce n’était pas l’envie de continuer qui me manquait, mais plutôt les moyens financiers. Je suis arrivé à Paris avec un pantalon, une chemise, quelques sous-vêtements de rechange dans un petit sac, et également la somme de 350,00 frs de change que l’État algérien permettait, dans la poche.
Ma situation précaire m’a obligé à trouver du travail dans la restauration et j’ai continué parallèlement mes études. Une telle situation est supportable seulement pendant un court laps de temps, ce qui m’a poussé à interrompre mes études. Dans un premier temps, c’était temporaire. Je pensais reprendre mon cursus universitaire une fois que j’aurais amassé un petit pécule. Hélas, ou pas, les choses se sont passées autrement. J’ai continué à travailler pour finir définitivement dans le commerce jusqu’à ma retraite.
Une fois dans le commerce, je me suis légèrement éloigné du travail intellectuel, bien que mes connaissances en économie m’aient partiellement aidé dans mes activités de chef d’entreprise dans la restauration.
Porté sur le combat culturel, j’ai réussi tout de même à joindre l’utile à l’agréable en utilisant mon espace commercial pour des activités culturelles en plus de celles liées à la gastronomie. Cela m’a permis d’utiliser mon restaurant de tremplin pour sortir Yennayer de son espace privé et lui donner sa place dans l’espace public en organisant régulièrement son dîner depuis 1985, première année de l’achat de mon restaurant. J’ai également utilisé mon commerce pour d’autres rassemblements militants. Il a servi de lieu pour le lancement de la dynamique des associations de villages kabyles en France et de lieu de réunions politiques lorsque j’étais militant du FFS.
Cette situation, avec un pied dans le commerce et un autre dans le monde politico-culturel, m’a permis d’écrire des articles, un peu plus tard, avant d’investir l’univers du livre.
Le Matin d’Algérie : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ces deux livres sur l’Académie Berbère ?
Madjid Boumekla : la publication de ces deux livres sur l’Académie berbère est venue après quatre autres, mes livres sont disponibles sur Amazon.
Pour répondre à la question, je dois remonter à ma période d’adolescence. En tant que lycéen en Kabylie, avec certains de mes amis, nous recevions le bulletin de l’Académie berbère, Itij de l’OFB (organisation des forces berbères ) et la revue de l’association Afus deg fus, que nous faisions circuler autour de nous. Cela m’a valu six mois de prison ferme, deux ans avec sursis, une amende pécuniaire et une interdiction d’avoir un passeport pendant longtemps. Tout ceci m’a sensibilisé un peu plus au combat identitaire amazigh, car mes débuts de prise de conscience de l’amazighité remontent à mon enfance, avec un père militant aux côtés de Laïmèche Ali à Tizi-Rached. Ensuite, la chanson engagée, avec tous les groupes de chanteurs kabyles qui ont fait florès à l’époque, a contribué à mon éveil identitaire.
Suite à ma deuxième opération chirurgicale du dos, j’ai arrêté de travailler pour incapacité physique, pour ensuite partir à la retraite. Et là, après ma militance sur le terrain, je me suis entièrement consacré à celle de l’écrit. Les sujets qui me sont venus à l’esprit étaient ceux liés à ma propre vie. Voilà, comment j’ai écrit et publié les deux livres sur l’Académie berbère. À ces raisons s’ajoute celle de rendre hommage à cette association qui avait bravé tous les dangers pour contribuer à faire avancer le combat culturel et identitaire des Amazighs.
Le Matin d’Algérie : Quand on parle de l’Académie berbère, on pense à Mohand Arab Bessaoud, est-ce ses livres ou sa forte personnalité qui ont masqué les autres membres fondateurs ?
Madjid Boumekla : j’oserai dire les deux en mettant tout de même un bémol. Le passé de combattant au sein de l’ALN (armée de libération nationale), celui dans les rangs du FFS (Front des forces socialistes ) dans sa guerre contre le duo machiavélique Ben Bella – Boumediene qui s’apprêtait à prendre le pouvoir après l’indépendance du pays, en cassant le processus constituant qui se mettait en place, son statut d’ancien instituteur et d’écrivain, a probablement joué dans le lancement de l’Académie. Le bémol est qu’il n’est pas le seul à avoir un passé aussi convaincant. Il y avait tous les autres y compris des chercheurs émérites sur la berbérité, qui ont apporté leurs cautions à la naissance de l’Académie. J’ai cité toutes ces personnes dans le premier volume.
Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui a empêché l’Académie berbère d’évoluer vers une véritable académie ?
Madjid Boumekla : Ma réponse va recouper en partie la précédente. À ses début, l’Académie a regroupé beaucoup de personnes « intellectuelles ». Je mets le terme intellectuel entre guillemets car ces personnes étaient plutôt des universitaires, des politiques, des artistes et d’étudiants en plus de quelques travailleurs manuels.
À l’origine l’Académie portait le nom ABERC (Association berbère d’échanges et de recherches culturels ). Effectivement, le but recherché était celui d’une académie qui va s’atteler à la recherche et la publication. Sa destinée a été tout autre. Pourquoi ? Je vois deux grandes raisons. La première était politique. Le coup d’État orchestré par Boumediene en 1965 a verrouillé tout l’espace politique et l’opposition s’est retrouvée à l’étranger, singulièrement en France. Le climat au sein du mouvement militant était prédominé par l’esprit politique. Ceci me permet d’évoquer la deuxième raison. Cet esprit a traversé l’Académie dès sa naissance. Deux tendances se sont affrontées, celle culturaliste et celle politico-culturaliste. In fine, la deuxième tendance, autour de Mohand Arab Bessaoud, l’a emporté après l’immobilisme de l’association pendant environ un an et demi. En 1969, un changement structurel est intervenu. Hormis Abdelkader Rahmani, président de l’ABERC, qui avait quitté l’association, la majorité des membres fondateurs était restée. Certains la quitteront progressivement. Ceux qui sont restés se sont occupés des activités de l’association que j’ai traitées en profondeur dans mes deux livres. C’était cette tendance que j’ai qualifiée de politico-culturaliste qui a pu donner une dynamique à l’Académie berbère.
Le Matin d’Algérie : Pourquoi les autres cofondateurs n’ont-ils pas écrit d’après-vous ?
Madjid Boumekla : Les véritables raisons ne pourraient être apportées que par certains des intéressés eux-mêmes, malheureusement décédés. Dans ma réponse, je ne peux qu’approcher la question
Je dirai que la peur joue en partie un rôle. Les pouvoirs successifs en place en Algérie depuis l’indépendance n’ont pas hésité à recourir à des politiques de répression et d’oppression. Qui pourrait oublier les assassinats des opposants perpétrés par la sinistre sécurité militaire à l’époque de Boumediene ? L’oppression a instauré l’autocensure dans les esprits.
Je vois également deux raisons. La première est liée à la structure interne de l’Académie et la seconde à notre culture orale. Pour ce qui est de la première, à l’exception des cofondateurs « intellectuels », le reste des adhérents qui ont participé à la fondation de l’Académie étaient des ouvriers qui n’avaient pas nécessairement les capacités d’écrire. Quant à la seconde raison, notre culture est restée longtemps dominée par l’oralité et l’écrit peinait à y trouver sa place, surtout en l’absence de lecteurs. Ce phénomène s’accentue avec l’avènement de la culture des réseaux sociaux, qui accorde une plus grande importance à l’audiovisuel, favorisant ainsi notre tradition orale.
Le Matin d’Algérie : L’académie berbère est gravée dans la mémoire collective des berbères, particulièrement des kabyles, quelles conclusions peut-on en tirer aujourd’hui ?
Madjid Boumekla : Malgré ses moyens matériels limités et les pressions qu’elle a reçues de la part des pouvoirs politiques en place dans les pays de l’ex-tamazgha, l’Académie berbère a fortement contribué à l’éveil identitaire des peuples amazighs. Il est vrai que son travail a eu un impact beaucoup plus important sur les Kabyles que les autres amazighs. La raison en est qu’elle était constituée en majorité de Kabyles, et donc le premier travail de sensibilisation s’est principalement concentré en Kabylie, notamment à travers son fameux bulletin « Imazighene ». Néanmoins, le combat avant-gardiste mené par les kabyles a pu entrainer les autres berbères dans la lutte. Actuellement, la berbérité se manifeste partout où les berbères existent. Peu nombreux étaient ceux qui ont cru à cet éveil des peuples amazighs. Les militants de l’Académie y étaient du nombre. Ils ont pu mener des petites actions ayant un impact grandiose.
Quelques repères historiques prouvent l’impact des actions de l’Académie sur le mouvement berbère. Lors de la manifestation de la fête des cerises de Larba Nat Iraten, en 1974, et de la finale de football de la coupe d’Algérie, en 1977, remportée par la JSK (jeunesse sportive de Kabylie ) dans les tribunes du stade et dans les rues d’Alger, les personnes présentes ont scandé Imazighen, l’un des slogans phares de l’Académie. Lors du gala d’Idir en 1977 à la Coupole d’Alger, une lettre écrite en tifinagh a été projetée sur un écran géant placé sur le bord de la scène a suscité l’euphorie général au sein des spectateurs. Pendant la même époque, des tags en tifinagh ont été apposés sur des plaques d’indication routières et sur des routes en Kabylie. Qui a vulgarisé le tifinagh après l’avoir actualisé ? C’était bien l’Académie. Elle a également créé le drapeau que tous les amazighs arborent, le système d’énumération, le calendrier, etc. Tout est bien détaillé dans mes deux livres.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Madjid Boumekla : comme je l’ai dit précédemment j’écris sur des sujets liés à mon vécu. Je suis donc en train de collecter des informations sur la dynamique des associations de villages kabyles en France. Si tout se passe bien j’essaierai d’en publier un livre.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Madjid Boumekla : Toi aussi, Brahim, tu excelles dans l’écriture poétique. Je te souhaite bon courage. Il faut écrire, écrire, … comme notre ami commun Youcef Zirem n’arrête pas de le dire.
Merci pour le journal Le Matin d’Algérie qui m’a offert la possibilité de m’exprimer. Je lui souhaite longue vie.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Livres publiés :
– Académie berbère : genèse et question identitaire, independently published
– Académie berbère- Genèse et question identitaire : témoignages et entretien, Independently published
– Yennayer amager n tefsut… rituels fondamentaux dans la tradition kabylo-amaziɣ, Independently published
– Couscous artisanal, mode de préparation et recettes, de Madjid Boumékla et Malika Boumekla, Independently published
– La crise berbériste de 1949 ou le sursaut de la berbérité, Independently published
Berbérités: Entre amalgame et manip, Spinelle éditions
mardi 12 mars 2024
lematindalgerie.com
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Rencontre avec la chanteuse Lycia Nabeth
Lycia Nabeth est une chanteuse talentueuse, à la voix envoutante qui ne cesse de monter comme une étoile dans le ciel de la chanson kabyle de ces dernières années.
Lycia Nabeth est une voix qui rafraîchit le cœur et l’esprit, elle s’écoule pure comme l’eau des sources du Djurdjura ou de l’Akfadou. L’art est une histoire familiale chez les Nabeth, son père et sa mère chantent, la passion des arts s’est transmise. Son père Kader Nabeth a marqué la chanson kabyle par la beauté de ses compositions et ses chants.
De l’université au chant, Lycia Nabeth est une bouffée d’oxygène dans la chanson kabyle, de sa belle voix jaillissent tant d’espoirs.
Le Matin d’Algérie : De l’université au chant, qui est Lycia Nabeth ?
Lycia Nabeth : Azul, alors il est toujours difficile de parler de soi (rire), ce que diraient les gens qui me connaissent bien … c’est que Lycia Nabeth est une chanteuse qui chante son identité, sa société kabyle, ses valeurs qui lui ont été transmises par ses parents et qui l’encouragent et la soutiennent dans cette voie. Elle a fait son apparition avec la chanson « Riyid Iles-iw », qui a été chaleureusement accueillie par le public en 2009, puis s’est consacrée à ses études et sa vie de famille.
Elle est revenue en 2021 avec un album de huit titres et qui a rencontré un franc succès notamment avec la chanson « Amxix-iw ». Cet album a également bénéficié du soutien de mes parents et d’autres contributions sur le plan artistique. C’est un album qui a été salué par la critique comme apportant de nouvelles sonorités et du renouveau, c’est ce que j’essaie de faire en m’inspirant des sonorités d’autres cultures et styles.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes une étoile montante dans la chanson kabyle, le talent, la voix, l’esprit kabyle, tout est là, comment faites-vous ?
Lycia Nabeth : J’ai eu la chance d’avoir comme école mes parents et j’ai toujours aimé chanter en étant accompagnée par le jeu de guitare de mon père que je trouve exceptionnel.
Mes parents m’ont toujours transmis aussi leur amour de la culture et de la question identitaire sur laquelle je suis très sensible, j’estime qu’il est dans notre devoir collectif de transmettre à nos enfants la culture, l’héritage que nous avons reçu de nos aïeuls.
Et le fait de chanter en kabyle est aussi une forme de contribution à la préservation et le rayonnement de notre culture qui a besoin du soutien de tous. Il y a toujours une magie entre le public kabyle et les artistes, je suis le fruit de cette société, je fais aussi partie de ce public et je chante une histoire qui est la sienne, qui est la nôtre et quand les paroles, la musique sont bien accueillies par le public, il s’opère une symbiose entre l’artiste et son public et c’est grâce à ce public que nous rayonnons et j’espère contribuer à son rayonnement aussi.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur votre père Kader Nabeth qui a marqué le chant kabyle par ses compositions de qualité.
Lycia Nabeth : Mon père a toujours été un exemple à suivre pour moi. On a toujours eu une grande complicité depuis ma tendre enfance. Il a toujours veillé à mon bien-être et à me soutenir dans la voie que j’ai choisie, à tous les niveaux.
Quant à ses compositions, je trouve que ses mélodies dérivent « descendent » de la montagne du Djurdjura et sont authentiques en plus de ça, toutes ses chansons sont différentes les unes des autres.
Le Matin d’Algérie : Vos chansons s’écoulent, enchantent et émerveillent l’oreille et le cœur, vous aimez le bon travail, quelles sont vos influences artistiques ?
Lycia Nabeth : J’ai grandi en écoutant les chansons de mon père bien évidemment, et celles de son ami d’enfance Brahim Izri dont j’ai adopté le style naturellement. J’écoutais tous les détails sans jamais me lasser. Il y a eu évidemment Idir que j’ai eu la chance de côtoyer et dont j’ai partagé la scène, notamment à Bercy, ça été des moments inoubliables et des influences qui ont forgé mon style et qui m’ont beaucoup inspirée. J’écoute énormément la musique kabyle en général, qu’elle soit ancienne ou moderne.
Je suis fan et j’essaie de contribuer avec d’autres artistes autant que possible en partageant des scènes et des chansons. On est comme une famille et on partage cette envie de faire avancer notre culture, la chanson kabyle, et aussi de la transmettre aux générations futures… comme disait Slimane Azem « nedjayawend ma t kemlem amzun ur nemouth ara ».
Durant mon enfance, j’ai beaucoup écouté aussi des musiques étrangères comme Christina Aguilera, Britney Spears, Lara Fabian, Daniel Lévi et plein d’autres artistes ou groupes comme Scorpions qui m’ont aussi apporté quelques influences.
Le Matin d’Algérie : La chanson kabyle a été longtemps dominée par les hommes, mais on voit par bonheur apparaître de nombreuses chanteuses, musiciennes compositrices, dont vous faites partie, qui font un travail de qualité, qu’en pensez-vous ?
Lycia Nabeth : Le domaine artistique est souvent difficile d’accès pour une femme « surtout dans des sociétés à forte tradition comme la mienne » comme disait Idir. J’ai eu la chance d’être accompagnée par mes parents, et surtout soutenue. Chanter pour une femme reste un véritable défi ; il faut résister au « qu’en-dira-t-on ». Il n’est pas permis aux femmes d’exprimer librement leurs émotions en public dans nos sociétés, la relation homme – femme est déjà complexe dans toutes les sociétés et chez nous, ça l’est encore plus.
Il y a toujours une tendance à reproduire en milieu professionnel des schémas familiaux fortement imprégnés par une tradition patriarcale, et il est vraiment difficile pour une femme d’être vue comme une artiste, ou simplement comme une collègue de travail.
Même s’il y a eu beaucoup de progrès, et il faut le reconnaître, le chemin à parcourir reste encore long dans certains milieux. Il est encore difficile dans certaines familles d’envoyer leurs filles dans une école de musique, prendre des cours particuliers; tout d’abord il y a la distance, il y a trop peu d’école de musique chez nous, et si vous ajoutez les barrières sociétales, tous les ingrédients sont réunis pour que les filles n’apprennent jamais les activités artistiques.
Le fait de chanter en tant que femme est aussi une forme de soutien et d’encouragement pour toutes les femmes à réaliser leurs projets professionnels, personnels et à ne pas se résigner et surtout à lutter contre toutes les formes d’injustice que les femmes continuent de subir aujourd’hui.
Le fait de voir des jeunes filles talentueuses nous donne beaucoup d’espoir ; tout d’abord beaucoup d’espoir pour notre culture, il y a une relève qui se dessine et ça donne chaud au cœur de voir autant de talents ; et beaucoup d’espoir aussi pour nos sociétés puisqu’on voit des familles, des pères, des mères, des frères, des maris aussi soutenir ces jeunes chanteuses qui vont aussi tracer le chemin pour d’autres femmes talentueuses qui n’osent pas prendre l’initiative d’exprimer leur art.
Il faut aussi rendre hommage à tous ces messieurs qui soutiennent leurs sœurs, leurs filles, leurs épouses dans la voie artistique et qui montrent aussi le chemin pour toute la société. Mon espoir est de voir aussi des femmes réalisatrices de clips et dans les studios d’enregistrement.
Le Matin d’Algérie : La chanson kabyle foisonne de talents mais elle manque de visibilité, l’ouverture démocratique tarde à venir, l’avenir s’annonce assez sombre malgré quelques éclaircies çà et là, d’où vous vient cet optimisme véhiculé dans vos chansons ?
Lycia Nabeth : Je me suis beaucoup questionnée aussi sur l’optimisme que j’ai et que j’ai envie de transmettre notamment au moment d’écrire les textes. Je pense que ça vient de tout l’amour que j’ai reçu de la part de mes parents et des meilleures années de ma vie que j’ai vécu au village (At Lahcène – At Yenni) en me sentant libre et à l’aise dans l’insouciance et la sécurité. Ça vient aussi de mon père qui a toujours donné une image d’homme positif et exemplaire. Ma mère quant à elle, elle a fait de moi une personne toujours prête à avancer dans ses projets bien que les conditions soient difficiles.
Je suis très souvent touchée par ce que je vois dans la société et je veux apporter de l’espoir ne serait-ce qu’avec mes chansons et le son de ma voix.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en perspective ?
Lycia Nabeth : J’ai du nouveau qui va sortir bientôt. Je travaille sur un nouvel album et quelques clips qui vont sortir prochainement, avant de les partager sur scène avec le public très chaleureux. Quand je ressens l’accueil du public et je vois aussi un public de jeunes, ça me donne beaucoup d’espoir pour notre culture et les jeunes talents qui arrivent. Nous avons une grande culture millénaire qui vient de très loin et qui a été sauvegardée ; nous avons le devoir de la faire grandir encore plus et de la transmettre à nos enfants pour qu’elle demeure …
Entretien réalisé par Brahim Saci
Le 09 février 2024
Le Matin d'Algérie
Lematindalgerie.com
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Rezki Rekaï dit Reski est un poète écrivain discret, jovial, toujours souriant, c’est un poète rempli d’humanisme, dont les écrits émerveillent, interrogent et réchauffent le cœur.
Originaire du village Igariden, Maâtkas, la poésie a toujours fait partie de lui, mais ce fils de commerçant a fait des études en économie et gestion d’entreprise à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, il a continué ses études en France où il a obtenu en 2008 un Diplômé de troisième cycle en Audit et contrôle de gestion à l’INSEEC Paris.
Passionné de littérature et de poésie, ses premières lectures sont les livres d’Albert Camus et de Mouloud Feraoun.
Reski a vécu une dizaine d’années en Belgique où il a participé à plusieurs salons du livre, il a eu son premier prix de poésie Oxfam Liège, en octobre 2022. Il vient de publier un beau livre de poèmes et réflexions, Des mots Une beauté Un sens, chez thebookedition.
L’écrivain poète journaliste Youcef Zirem l’a invité à son café littéraire de l’Impondérable au 320 rue des Pyrénées dans le XXème arrondissement de Paris, ce fut une belle rencontre, on a pu constater avec bonheur que Reski est fidèle à ce qu’il écrit.
Le Matin d’Algérie : Vous avez fait des études en économie de gestion, en Audit et contrôle de gestion, et pourtant c’est la littérature qui vous anime et vous passionne, qui est Reski ?
Reski : Je dirai entre parenthèses qu’en économie et gestion, il y a une spécialisation en ressources humaines, donc on ne peut pas dissocier la chose purement économique de l’humain. Je vais terminer en disant que l’entreprise a besoin de l’humain comme l’humain a besoin de l’entreprise.
C’est qui Reski ?
Il est “le fruit “ d’une vie en communauté dont les relations humaines sont très importantes et une vie en occident où l’individualisme est presque roi.
Cela a forgé sa pensée que j’essayerai de résumer en quelques points :
La vie est une chance à saisir.
Si on remet l’humain au centre du monde, ce dernier se portera mieux.
La modernité ne doit pas effacer la tradition mais plutôt l’accompagner.
L’homme n’est pas né méchant ou gentil mais il fait des choix.
La planète terre est assez riche pour nourrir tous ses enfants sans exception.
Le monde est riche par la diversité de ses identités.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les auteurs qui vous fascinent ?
Reski : Il n’y a pas un auteur qui me fascine plus qu’un autre, j’ai aimé les livres de Feraoun car ce sont les premiers que l’ai lus, en plus qu’ils abordaient des sujets propres à ma société.
J’ai bien aimé le roman les chercheurs d’os de Tahar Djaout. Après je peux aimer du Camus comme du Balzac ou du Zola.
Je peux acheter un livre pour son titre sans connaitre forcément l’auteur mais je peux aussi acheter un livre car je trouve sa couverture belle…
J’ajouterai, si j’ai une fascination, elle est pour la chanson kabyle, pour ces poèmes et pour une certaine philosophie dans ses textes.
Le Matin d’Algérie : D’où vient cette passion pour les livres ?
Reski : Franchement je ne sais pas. Une chose est sûre, un livre est cet objet que je trouve si fascinant (si on peut considérer un livre comme un objet). À première vue, il n’est qu’une couverture, mais c’est celle-ci qui invite le lecteur à découvrir ce qui fait le fond du livre. Ce fond peut raconter une histoire, il peut faire rêver, il peut faire voyager, il peut faire aimer et faire douter en même temps …
Je pense que le plus important est que derrière chaque livre, il y a une âme avec une grande sensibilité … Et écrire, c’est laisser le cœur s’exprimer en mots.
Le Matin d’Algérie : Nous vivons une époque tourmentée, particulièrement en Algérie où la démocratisation tarde à venir, la poésie peut aider à apporter un peu de soleil dans la grisaille régnante, qu’en pensez-vous ?
Reski : Je vous livre cette citation : les nobles batailles se gagnent par l’art, et j’ajouterai : elles se gagneront par l’art. Effectivement la poésie comme les autres arts peuvent contribuer.
Mais avant tout, une question s’impose : quelle démocratie pour quelle société ?
Je pense que La démocratie est d’abord une culture, donc à chaque société de penser son système qui permet le vivre ensemble, et ce malgré les différences des opinions et des sensibilités.
Après, prenant le cas des assemblées des villages kabyles, je pense que c’est un exemple parfait de ce qu’on appelle aujourd’hui la démocratie participative. Donc peut être là une source d’inspiration et une idée à généraliser au niveau régional et pourquoi pas national.
Et d’ailleurs, je souligne qu’aujourd’hui, même les démocraties occidentales doutent et elles se cherchent un nouveau souffle. Je finirai par dire : que rien n’est acquis et rien n’est perdu, donc c’est aussi valable pour le cas de l’Algérie.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Reski : Si je retrouve un peu plus d’inspiration et surtout de l’énergie, je publierai un nouveau recueil de poèmes et de réflexions.
Entretien réalisé par Brahim SACI
Livres publiés :
La rose des ténèbres, une nouvelle, thebookedition.
Éviter au monde un lendemain qui déchante, un essai, thebookedition.
Des mots Une beauté Un sens, poésies, thebookedition
Le 06 février 2024
Le Matin d'Algérie
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Isabelle Georges, le talent à l’état pur
Isabelle Georges est une chanteuse qui émerveille et éblouit par ses multiples talents, le chant, la danse et la comédie. Cette artiste discrète brille comme un soleil depuis plusieurs années, la voir bouger sur scène, c’est le charme et le talent dans un élan poétique quasi magique débordant d’émotion.
Les yeux grands ouverts, l’oreille attentive pour ne rien rater, nous sommes transportés vers les cimes du bonheur, c’est une bouffée d’oxygène qui libère les mots pour panser les maux.
Isabelle Georges est habitée par l’art depuis sa tendre enfance, une passion sans doute transmise par sa mère qui a étudié le chant au conservatoire. Elle ne cesse d’évoluer, de visiter, d’interpréter différents répertoires de la chanson française, de la comédie musicale américaine en passant par le jazz, elle donne sa propre couleur et une vitalité remarquable, d’où sa grande originalité qui laisse à chaque fois le public comblé.
Isabelle Georges s’est produite dans des salles prestigieuses en France et à travers le monde, comme le Théâtre des Champs Élysées, la Philharmonie de Paris, le Musikverein de Vienne, le Concertgebouw d’Amsterdam, le Bal Blomet, le Festival d’Édimbourg ou encore celui de Radio France Occitanie Montpellier.
Isabelle Georges est cet univers musical enchanté où se mêle l’expression heureuse des arts multiples, c’est un souffle sans cesse renouvelé de tant de beauté.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes une artiste incroyable, vous chantez, vous dansez, vous êtes aussi d’une grande discrétion, qui est Isabelle Georges ?
Isabelle Georges : Oh Là là ! Isabelle Georges est, tout d’abord, une femme reconnaissante, parce qu’elle a la chance de vivre sa passion, en joyeuse compagnie !
Une femme qui aime malaxer la matière, aller au bout de ses rêves, entre émerveillement, doutes, crises d’angoisse ou de fou-rire, prises de risques, flou, tâtonnements, fulgurances… Bille en tête ! Guidée par une constante : apprendre, apprendre, apprendre ! Curieuse de tout ! Assoiffée de musique, de délicatesse et de poésie… La boussole sur joie !
Le Matin d’Algérie : Vous rayonnez sur les plus grandes scènes depuis plusieurs années, vous paraissez infatigable, comment faites-vous ?
Isabelle Georges : Quand on a la chance d’imaginer des projets et de pouvoir les réaliser, entourée de gens passionnés et passionnants, dans des lieux magnifiques, on a une énergie hors du commun.
Le Matin d’Algérie : Vous excellez dans tout ce que vous faites, la passion vous anime, quelles sont vos influences ?
Isabelle Georges : Mes influences sont très variées. Entre le jazz et la poésie chantée qu’écoutait mon papa, le chant sacré que pratiquait maman en rêvant de comédie musicale, la musique de film, de ballet ou de scène qu’écrivait ma grand-mère… Et puis, il y a ma sœur, mes nièces, les artistes, les gens que j’ai le bonheur de rencontrer sur mon chemin.
Mais aussi les photos de Louis Stettner, la poésie de Raymond Devos, la peinture de Chagall, les mots de Stefan Zweig, les films This must be The place, West Side Story, Swing Kids… La musique de Leonard Bernstein, Claude Debussy, Judy Garland, le courage d’Emma Thompson, l’écriture et les interprétations de Jacques Brel, la classe d’Harry Belafonte, l’inventivité d’Ella Fitzgerald, Billy Holiday, Freddy Mercury, Sammy Davis, Elvis Presley, Michael Jackson, Prince, Fred Astaire ou Gene Kelly… Le concerto d’Aranjuez, l’humour de Mel Brooks… Mais il y en a tant d’autres…
Le Matin d’Algérie : Un mot sur Frederik Steenbrink, pianiste, chanteur, qui vous accompagne sur scène
Isabelle Georges : Nous nous sommes rencontrés à Liège, en Belgique, sur la comédie musicale Titanic. C’était un moment charnière dans ma vie, j’avais enchaîné plusieurs premiers rôles de comédie musicale et je voulais aller vers quelque chose de plus personnel. C’est Frederik qui m’a donné l’idée de mon tout premier spectacle, Une Étoile et moi, à Judy Garland. Ce spectacle m’a ouvert les portes de la créativité ! Impossible de les refermer depuis ! Avec Frederik, nous avons confectionné un peu plus de 10 spectacles et ça continue. Il possède une force de travail extraordinaire, une voix et une musicalité, hors du commun et j’ai une immense confiance en son œil aiguisé et atypique.
Le Matin d’Algérie : Dans cette époque tourmentée où tout s’accélère dans la légèreté et la destruction des valeurs, vos performances sur scène, votre maitrise, votre savoir-faire donnent un nouveau souffle au music-hall, qu’en pensez-vous ?
Isabelle Georges : Je pense à Oncle Sadegh, cet Iranien de 70 ans, qui danse et chante en pleine rue, devant son étal de poissons, pour réclamer la liberté et le bonheur”.
Je pense que la musique, la danse, les spectacles vivants, les arts quels qu’ils soient, sont les plus belles ressources à la disposition de tous les hommes pour se rencontrer, se découvrir, apprendre, stimuler leur conscience, leur joie, transcender leurs différences, reprendre courage… Si mes spectacles/chansons ouvrent le champ des possibles pour, ne serait-ce qu’une personne, c’est une fête !
Je ne résiste pas à partager cette citation de Leonard Bernstein :
« Ce sera notre réponse à la violence : faire de la musique plus intensément, plus belle, avec plus de cœur que jamais auparavant. »
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Isabelle Georges : Frederik Steenbrink et moi venons d’enregistrer la toute première version musicale de la nouvelle de Stefan Zweig, 24h de la vie d’une femme, avec le magnifique Trio Zadig. L’album et le spectacle sortiront à l’automne 2024.
Nos différents spectacles, dont Oh Là Là, sont sur la route, en tournée.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot
Isabelle Georges : Un immense merci, cher Brahim pour cet entretien. Vive la musique et la poésie ! Un jour j’irai en Algérie.
Entretien réalisé par Brahim Saci
isabellegeorges.com
Le 01 février 2024
Le Matin d'Algérie
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Clotilde Brunetti-Pons est universitaire, docteur en droit, professeur émérite de l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), juriste romancière, auteur de nombreux articles et ouvrages juridiques. Clotilde Brunetti-Pons est officier dans l’Ordre des Palmes académiques. Enseignant-chercheur rattachée au CEJESCO- Centre d’études juridiques sur l’efficacité des systèmes continentaux – de l’URCA; consultante en droit de la famille et de la protection de l’enfance.
Clotilde Brunetti-Pons est aussi présidente de l’Association de l’Ordre des Membres des Palmes académiques (AMOPA) section de Paris VII.
Clotilde Brunetti-Pons est une femme lumineuse, toujours souriante, c’est une vie vouée à l’art et à la transmission du savoir, comme un phare salutaire par temps couvert.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes une universitaire brillante, votre présence illumine, qui est Clotilde Brunetti-Pons ?
Clotilde Brunetti-Pons : Que vous répondre ? Celle que vous interrogez est d’abord une mère de famille nombreuse et une épouse épanouie. Je ne serais pas la même sans ma famille.
Avec une vie déjà bien remplie, il m’a fallu trouver de l’énergie pour exercer une activité professionnelle très dense. Cela s’est fait sans y penser, sans calculer, mais parfois au détriment de ma santé.
L’enseignement m’a beaucoup apporté. J’ai eu l’impression d’être faite pour cela : être à l’écoute, transmettre. Ce furent de belles années, mais les trajets Paris-Reims m’ont fatiguée. Après 38 ans d’activité professionnelle, j’ai arrêté l’enseignement pour me consacrer entièrement à la recherche et à l’écriture.
Le Matin d’Algérie : Comment passe-t-on de professeur d’université au roman ?
Clotilde Brunetti-Pons : Enfant puis adolescente, je dévorais trois romans par jour. Grâce à cette passion, j’ai pu m’évader du quotidien, voyager dans de nombreux pays, fréquenter des milieux différents, croiser des personnages variés et souvent très différents de moi, ce qui était instructif. Écrire s’est imposé à mon esprit comme une continuité de la lecture. J’ai commencé à composer des poèmes à l’âge de 16 ans. Mes études de droit ont interrompu cette première période de création tout en m’apportant de la rigueur et sans nuire au goût d’écrire, loin de là.
Mes premiers articles juridiques ont vu le jour avant la fin de mon cursus universitaire, puis une thèse de doctorat, achevée à 28 ans, et des publications en droit des obligations. Parallèlement à mes études, j’étais chargée de mission à la protection judiciaire de la jeunesse, et d’abord au centre d’éducation surveillée de Vaucresson. Particulièrement sensible à la question de l’éducation des jeunes et de leur réinsertion familiale, une spécialisation en droit de la famille et de la protection de l’enfance s’est rapidement imposée.
Après 30 ans d’activité professionnelle sur ces thématiques, j’ai construit des récits autour de jeunes dont je souhaitais parler. Au départ, ces textes étaient exclusivement destinés à ma fille de 15 ans qui me réclamait la suite, chapitre après chapitre, puis à mes garçons. L’idée de les publier ne m’avait pas effleurée. Et puis un jour, la fille de bons amis, Élise, a lu l’un de mes manuscrits qui traînait sur une table. Elle l’a dévoré, me l’a rendu en larmes. Son émotion m’a convaincue qu’il fallait le publier. En 2015, je me suis lancée.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes présidente de l’Association de l’Ordre des Membres des Palmes académiques (AMOPA) section de Paris VII, cette formidable association contribue et participe au rayonnement de la culture à travers le monde, parlez-nous de cette association ?
Clotilde Brunetti-Pons : L’AMOPA est une belle association tournée vers les autres, spécialement la jeunesse. Elle publie une revue de qualité, soutient les élèves par des bourses, organise de nombreuses activités culturelles et aussi, notamment, des concours entre établissements (nouvelles, poèmes, expression écrite, histoire, géographie, …). Les lauréats sont mis en valeur et reçoivent de beaux prix.
L’AMOPA est divisée en 110 sections. Elle regroupe non seulement des personnes décorées dans l’Ordre des Palmes académiques, mais aussi des sympathisants. Quand la présidence de mon Université m’a décerné le grade de chevalier, en 2013, je ne connaissais pas encore cette association. C’est l’ancienne présidente de la section Paris VII, Denise Roudier, qui m’a envoyé une lettre m’invitant à soutenir l’AMOPA en adhérant, ce que j’ai fait. En 2018, la section m’a élue présidente et, depuis lors, nous (le bureau de l’AMOPA Paris 7) avons organisé de belles activités et des concours. Un magnifique recueil de nouvelles et poèmes rédigés par nos lauréats a vu le jour en 2021. Mettre en lumière la beauté de notre jeunesse est une grande joie.
Le Matin d’Algérie : L’AMOPA est comme un phare dans ce monde tourmenté, elle a un programme riche et varié, le prochain congrès international de l’AMOPA se déroulera à Tours du 31 mai au 2 juin 2024, mais le 4ème Salon du livre amopalien de Paris aura lieu le 13 mars 2024 à la Mairie du VIIème arrondissement, parlez-nous de ce salon du livre ?
Clotilde Brunetti-Pons : La première édition du salon du livre amopalien de Paris eut lieu en 2020. Cet événement est tout à fait original. Il s’agit de mettre en valeur les publications d’auteurs amopaliens (membres de l’AMOPA) et des réalisations de nos jeunes en rapprochant, par des activités communes, les chefs d’établissements du secteur, les familles, les professeurs, les membres de l’AMOPA et tous les amis du livre. L’entrée est libre.
La quatrième édition du salon du livre amopalien est planifiée le mercredi 13 mars 2024, à la mairie du 7ème arrondissement de Paris, de 14 heures à 19 heures.
De très beaux livres y seront présentés par leurs auteurs. Madame Michèle Dujany, Présidente de l’AMOPA, sera présente.
Au cours de l’après-midi, les visiteurs pourront assister à des conférences passionnantes sur des thèmes variés : La tuberculose d’hier à aujourd’hui, Julien Gracq, L’esprit français de Madame de la Fayette à Jean d’Ormesson.
Des élèves viendront présenter leurs travaux et projets.
Pendant le salon, seront déclamés des textes littéraires et des poèmes rédigés par les lauréats des concours de l’AMOPA 2019-2023.
S’ensuivra à 18 heures une cérémonie de remise des prix aux lauréats 2024 de la section Paris VII. Un cocktail viendra clore l’événement à partir de 19 heures.
Le Matin d’Algérie : « L’art sauvera le monde » disait Fiodor Dostoïevski, qu’en pensez-vous ?
Clotilde Brunetti-Pons : Dostoïevski est l’un de mes écrivains préférés. Cette citation souligne ce que l’auteur a cherché à révéler dans ses œuvres : une certaine transcendance est nécessaire pour éviter un comportement mauvais (le parricide dans Les frères Karamazov) ou le fait d’être possédé par des actes antérieurs criminels. Il faudrait donc que l’art s’inscrive au-delà du perceptible et des possibilités de l’intelligible. C’est d’ailleurs ce qui procure une émotion. En permettant à l’homme de percevoir qu’il n’est pas tout, l’art peut sauver le monde.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?
Clotilde Brunetti-Pons : Oui. J’aimerais organiser une exposition de sculpture d’un ancien membre de l’AMOPA décédé, à l’automne. S’agissant des projets en cours, je dirige actuellement une recherche de belle envergure, avec 25 spécialistes, sur L’efficacité de la protection de l’enfance en France et à l’échelle européenne. Les contributions seront publiées dans un ouvrage et nous exposerons nos conclusions lors d’un colloque le 17 janvier 2025. Ou encore, un recueil des productions de nos lauréats 2022-2024 est en préparation.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Clotilde Brunetti-Pons : Merci pour cet entretien. Le succès des concours de l’AMOPA et des cérémonies de remise des prix montre que la jeunesse d’aujourd’hui a besoin d’être encouragée, soutenue et inspirée. Il s’agit là d’une belle mission.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Romans publiés :
Les Sirènes de L’ombre, éditions Amalthée 2023
Les non-dits de l’éveil, éditions Amalthée 2020
La flûte de pan, éditions Amalthée 2018 (actuellement en phase de réédition 2024)
L’oiseau d’or, éditions Amalthée 2015
Le 27 janvier 2024
Le Matin d'Algérie
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mardi 23 janvier 2024
Le Matin d'Algérie
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Lakhdar Sennane est cet artiste discret, un chanteur kabyle, auteur compositeur qui ne cesse de monter, tellement son talent est grand. Ces compositions sont de toute beauté, portées avec justesse par une voix douce et puissante qui remplit l’air d’émotions.
Il se produit au Cabaret Sauvage le 3 décembre à 15h, pour notre plus grand bonheur, pour célébrer ces 30 ans de carrière.
Lakhdar Sennane est un chanteur brillant, altruiste, qui fait parler de lui depuis de longues années, par ses productions de qualité, qui touchent et interpellent l’esprit, le cœur se réchauffe, l’oreille est attentive pour tout capter, comme pour ne rien laisser s’échapper, tant l’émotion qui se dégage par sa voix et la mélodie est grande, envoutante.
Lakhadar Sennane chante l’amour avec ses joies et ses peines, la vie avec ses hauts et ses bas, mais aussi l’exil. Si ses rythmes sont souvent dansants ils ne font pas oublier la profondeur des paroles, la force du poème chanté laisse son empreinte dans l’air, comme un baume rafraichissant exhalant un parfum sur les mots guérissant les maux.
En écoutant ses airs, ses compositions, nous sommes transportés comme par magie vers l’Algérie, la Kabylie, vers les cimes du Djurdjura, de l’Akfadou et de Yemma Gouraya, on sent cette brise caressant la terre, traversant le ciel et la mer, remplie de senteurs du bonheur.
Ces chansons sont comme une bouffée d’air salvatrice, qui nous remplit de joie, c’est ce qu’on ressent par exemple en écoutant, Adrar-iw, Ma montagne, c’est un voyage quasi spirituel à travers la Kabylie, ses montagnes et ses valeurs ancestrales, millénaires.
La chanson kabyle revient avec force ces dernières années pour remplir les salles parisiennes, c’est très encourageant.
À ceux qui s’interrogent sur l’avenir de la chanson kabyle et qui s’inquiètent quant à sa relève, lorsqu’on voit le talentueux Lakhdar Sennane, on se dit que la chanson Kabyle a encore de beaux jours devant elle.
Brahim Saci
Vendredi 1 décembre 2023
Le Matin d’Algérie
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Élisabeth Tamaris, une vie vouée à l’art dramatique
Élisabeth Tamaris a consacré de longues années à l’enseignement de l’art dramatique au conservatoire municipal Camille Saint-Saëns du 8e arrondissement de Paris, de 2000 à 2008, elle n’a jamais cessé de transmettre le savoir théâtral, dans le but de former les nouvelles générations. Elle a aussi suscité l’admiration de ses élèves par sa façon d’enseigner et par sa façon d’être, par son sourire et sa générosité. Une carrière d’une richesse immense, (une carrière d’une grande diversité) de la télévision à la radio, du cinéma au théâtre et des mises en scènes de génie (des mises en scènes étonnantes).
Élisabeth Tamaris se distingue une nouvelle fois par la mise en scène de, « Ourika », de Claire de Duras, dans ce beau (petit) Théâtre Darius Milhaud, 80 Allée Darius Milhaud, 75019 Paris, à deux pas de la Villette, du 10 octobre au 19 décembre 2023 tous les mardis à 19h et les dimanches 15, 22, 29 octobre, 3, 10 et 17 décembre à 18h, (il reste encore trois dates en décembre le 3, 10 et 17 à 18h).
Le Matin d’Algérie : Vous avez une carrière incroyable, qui est Élisabeth Tamaris ?
Élisabeth Tamaris : Juste quelqu’un qui a toujours aimé les œuvres et l’art sous toutes ses formes, s’est consacrée particulièrement à l’exercice de l’interprétation théâtrale, et a ressenti le besoin de transmettre son expérience et son admiration pour les grands poètes de l’art dramatique, dont parlait si bien des gens comme Maria Casarès ou Laurent Terzieff.
Le Matin d’Algérie : Vous paraissez infatigable, malgré le poids des années, quelle est votre secret ?
Élisabeth Tamaris : Infatigable, ce n’est pas toujours vrai, mais la poursuite d’une activité que l’on aime et qui vous apporte autant est la meilleure des armes, tant qu’on peut matériellement l’exercer. Comme disait l’écrivain Jean Paulhan : « J’aimerais vivre jusqu’à ma mort ». Et bien sûr, c’est un immense privilège.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur l’association Mélane qui présente la pièce « Ourika » de Claire de Duras, comment s’est passée la rencontre avec la comédienne Marie Plateau ?
Élisabeth Tamaris : J’ai rencontré Marie Plateau en jouant avec elle dans plusieurs spectacles de la Compagnie de l’Elan (dans les années 85) et nous avons réciproquement suivi nos parcours depuis. Elle a créé l’Association Mélane, qui a produit plusieurs spectacles liés à la diversité, puis je lui ai « soufflé » l’idée de faire quelque chose à partir du roman de Claire de Duras qui me tenait à cœur depuis longtemps, et dont finalement j’ai fait la mise en scène.
Le Matin d’Algérie : Le message véhiculé par « Ourika » est plus que jamais d’actualité, bien qu’écrit au 19ème siècle, qu’en pensez-vous ?
Élisabeth TAMARIS : En travaillant sur le texte, c’est ce qui nous a particulièrement étonnées. Et cela nous a conduit à faire évoluer le spectacle en mettant sous le regard du spectateur une comédienne métisse d’aujourd’hui qui en travaillant le texte, se laisse happer par l’histoire et le personnage d’autrefois, tellement elle y retrouve son expérience contemporaine des souffrances qu’impliquent toutes les formes de discrimination.
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que les arts, l’Art dramatique en particulier, peuvent changer notre regard sur monde ?
Elisabeth Tamaris : Le changer, je ne sais pas… L’éclairer, l’enrichir, le nuancer, c’est ce que nous espérons.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur Claire de Duras qui nous a laissés il y a deux siècles, « Ourika », ce texte en avance sur son temps, d’une clairvoyance inouïe.
Élisabeth Tamaris : Claire de Duras était une aristocrate cultivée, tenant, déjà sous l’Empire puis surtout pendant toute la période de la Restauration un brillant salon où se croisaient les gens les plus éminents de l’époque, politiques, artistes, savants, hommes de lettres, comme Madame de Stael, Benjamin Constant, etc… et tout particulièrement Chateaubriand, pour lequel elle a eu une amitié indéfectible. Très marquée comme toute sa génération, par les drames de la Révolution qu’elle a traversés dans sa jeunesse, elle avait une nature hypersensible et lorsqu’elle s’est retirée pour écrire, son premier sujet a été l’histoire réelle qu’elle connaissait de cette jeune enfant sénégalaise, élevée dans la famille de Beauvau, qui était morte (de chagrin ?) à 16 ans, bien qu’élevée et aimée comme une enfant de la maison. Toute la force du roman est liée à la façon dont Claire de Duras s’est projetée dans la conscience de cette jeune femme noire pour lui donner la parole, pour la première fois sans doute dans la littérature occidentale.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les grands noms du théâtre qui vous parlent ?
Élisabeth Tamaris : J’en ai déjà cité deux, je pourrais dire Peter Brook, Jean Vilar, il y en aurait tant d’autres, tous ceux qui ont fait l’histoire du théâtre si vivante au XXème siècle, la liste serait trop longue… Pour le XXIème siècle, j’aurais envie de citer d’anciens élèves qui font un si beau parcours dans la mise en scène et l’interprétation (Igor, Olivier, Louise, Valentine… et les autres !)
Le Matin d’Algérie : J’ai parlé avec beaucoup de vos anciens élèves, ils sont unanimes quant à votre belle façon de transmettre le savoir théâtral, toujours en privilégiant le côté humain, il y a de la magie dans tout ce que vous faites, avez-vous d’autres projets en vue ?
Élisabeth Tamaris : D’autres projets, avec Marie Plateau et l’Association Mélane, liés à la Lecture à Voix Haute, discipline qui nous passionne en ce moment et pour laquelle nous animons des ateliers qui vont se développer prochainement.
Pour le reste, on verra ce qui se présentera, je veux surtout vous remercier ainsi que mes anciens élèves, pour la gentillesse de leurs témoignages !
Entretien réalisé par Brahim Saci
Vendredi 24 novembre 2023
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Rencontre avec l’écrivain Jean-Claude Michot
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Mack Nat-Frawsen est universitaire, consultant en informatique de gestion, c’est un poète écrivain prolifique. Il n’est pas seulement poète mais il est aussi romancier. C’est un intellectuel d’une discrétion rare, qui a fait le choix d’écrire sous le pseudonyme de Mack Nat-Frawsen.
Publier des
recueils de poésies et des romans peut paraître paradoxal mais dans le cas de
Mack Nat-Frawsen il n’en est rien, car les deux découlent d’une même source
poétique créatrice et passer du recueil au roman, loin d’être un dépaysement,
est un enrichissement littéraire élevé.
Le Matin
d’Algérie : Vous êtes
un auteur prolifique, qui est Mack Nat-Frawsen ?
Mack
Nat-Frawsen : Quand
l’inspiration est là, il faut la saisir pour écrire et peindre des mots sur
cette page blanche à portée de main.
Je suis
natif de la région des At Frawsen, plus précisément de Mekla. Cette belle
région montagneuse, au pied du Djurdjura petite sœur du Kilimandjaro.
En septembre
1993, j’ai quitté la Kabylie pour poursuivre mes études universitaires en
France. Après un DEUG A (sciences et structure de la matière), j’ai fait un
cursus de deuxième cycle d’ingénieur en génie des systèmes industriels. A la
sortie de la fac, j’ai intégré le domaine de l’informatique de gestion où
j’exerce en tant que consultant et chef de projets. Un métier qui m’a permis de
découvrir la France entière.
Le Matin
d’Algérie : Vous êtes
un poète, écrivain discret, vous écrivez sous le pseudonyme de Mack Nat-Frawsen,
ceci ne risque-t-il pas de desservir votre popularité ?
Mack
Nat-Frawsen : Sourire…
À dire vrai, je n’aime pas trop que l’on me dise que c’est un pseudonyme, car
il n’en est pas du tout. Je l’ai choisi pour rendre hommage à ma région natale.
Si une quelconque lumière devait briller sur ma personne, alors je préfère la
partager avec cette belle région qui m’a vu naître.
Le Matin
d’Algérie : Votre
écriture est d’une dextérité poétique rare, comment réussissez-vous cet exploit
?
Mack
Nat-Frawsen : Pour être
franc, je l’ignore complètement. Pour moi, ce n’est pas un exploit. Je ne fais
que lier les mots et accorder les temps. Mais la lecture aide sans doute, car
elle est cet océan qui nous inonde de voyages et de rêves.
Le Matin
d’Algérie : Vous êtes
un auteur singulier, vous passez aisément de la poésie au roman, quels sont les
écrivains et les poètes qui vous parlent ?
Mack
Nat-Frawsen : Le roman,
pour moi, n’est qu’une autre face de la poésie avec un autre orchestre
polyphonique. Passer de la poésie au roman serait cet entracte qui permet de
passer de la face A à la face B d’une mélodie permettant de peindre des
tableaux avec des mots arborant les couleurs de nos états d’âme du moment.
Quant aux
écrivains et poètes qui me parlent, ils sont nombreux, mais je citerai feu
Christian Bobin qui m’a beaucoup marqué par la force magique et graphique de
son verbe, Mouloud Feraoun qui m’a permis de prononcer mes premiers mots dans
la langue de Molière, Mohammed Dib, Tahar Djaout, Rachid Mimouni, Ernest
Hemingway, Jean Sénac, Jack London, Fernando Pessoa, Pablo Neruda. La liste est
longue, mais je n’oublierai pas de citer certains de mes amis écrivains et
poètes comme Farid Abache, Youssef Zirem, Améziane Aizaf, Azeddine Lateb et
notre serviteur Brahim Saci.
Le Matin
d’Algérie : Vous avez
beaucoup publié, qu’est-ce qui vous inspire ?
Mack
Nat-Frawsen : J’ai publié, à ce jour, dix recueils de poésie et deux romans.
Tout peut m’inspirer, mais cela dépend du moment et du lieu. La lecture d’une
phrase, dans un roman par exemple, peut faire l’objet d’un flash qui va
m’inspirer quelques vers d’un poème. Un voyageur (homme ou femme) sur un quai
de gare peut m’inspirer un paragraphe ou quelques pages d’un roman. J’écris
souvent pendant mes voyages en train ou en avion.
Le Matin
d’Algérie : Que
pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?
Mack
Nat-Frawsen : La littérature algérienne a connu une belle évolution ces vingt
dernières années. J’ai rencontré beaucoup de jeunes écrivains et poètes, dans
les différents salons du livre organisés en Kabylie, ainsi que via les réseaux
sociaux. À chaque fois que je me rends en Algérie, je reviens avec presque une
dizaine de nouveaux livres écrits par cette jeunesse qui n’a pas à rougir
devant toutes littératures du monde. Nos jeunes continuent de maintenir cette
belle flamme de création littéraire, léguée par nos anciens auteurs et anges
tutélaires tels que Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Kateb
Yacine, Tahar Djaout, Assia Djebar et tant bien d’autres.
Interview
réalisée par Brahim Saci
Ouvrages
édités sur Amazon :
Romans
Le voyage
avec Élise
Lettres aux
absences
Recueils de
poésie
Le bleu du
littoral
Le vers de
la mélodie
La rivière
espérance
Les beaux
rêves demain
Vers au vent
Agris n
unebdu – Les flocons de l’été
Le souffle
du zéphyr
Mots
éparpillés
Eclats de
vers poétiques
Le quai aux
fleurs câlines.
Interview
réalisée par Brahim Saci
Samedi 7
octobre 2023
Lematindalgerie.com
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Rachid Boutoudj : « Rien ne peut désancrer la littérature algérienne d’expression française »
Rachid Boutoudj est titulaire d’un doctorat en électronique à l’Université des Sciences et technologies de Lille, il vient par bonheur de publier chez, Le lys bleu, un beau recueil de poésie intitulé « La grisaille et l’azur » avec une préface de José Alfredo Vasquez Rodriguez.
« La grisaille et l’azur » est un titre qui interpelle en laissant entrevoir le beau voyage poétique entre l’ombre et la lumière, le tout écrit dans une langue française, ciselée, épurée, page après page jaillissent des élans poétiques insoupçonnés émerveillant le cœur et les yeux. Rencontre.
Le Matin d’Algérie : Vous venez de publier un beau livre de poésie, « La grisaille et l’azur », pouvez-vous nous parler de la genèse de ce livre ?
Rachid Boutoudj : Je savais que je devais écrire depuis le premier jour où j’ai foulé le sol de la France avec ma fraiche majorité en bandoulière.
En arrivant en France, j’ai élu domicile dans un foyer d’immigrés, ouvriers de nuit dans les filatures de l’Armentiérois, dans le nord.
Après l’ébranlement émotionnel lié à ces diverses fulgurances de la modernité qui émerveillent un montagnard qui venait de quitter la quiétude séculaire de son hameau, j’ai fait face pour la première fois de ma vie aux affres du déracinement et aux langueurs extrêmes de la nostalgie. J’ai aussi observé ces braves hommes asservis par la furie des manufactures. C’est dans ce contexte que j’ai alors commencé à griffonner des petits textes dans un petit calepin tout en lisant abondamment.
Après mes études universitaires, lors d’un séjour pour raison professionnelle dans l’est de la France, une région où l’hiver est bien plus rude qu’ailleurs, étreint par une profonde mélancolie, j’ai écrit le premier poème qui augure ce recueil et ce dernier m’a été inspiré par l’âpreté de la destinée de ma mère. Ensuite la muse a eu la lumineuse idée de venir me caresser joyeusement de ses petites ailes frissonnantes pour m’insuffler l’ensemble de ce livre.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur José Alfredo Vasquez Rodriguez qui a préfacé votre livre, parlez-nous de cette rencontre ?
Rachid Boutoudj : Alfredo est un ami précieux. Nous nous sommes rencontrés sur un terrain de football. C’est un Espagnol originaire de l’Andalousie. Il est professeur dans le nord de la France. L’histoire et la littérature dans sa globalité sont des domaines qui le passionnent. Il a été mon premier lecteur. Au gré de nos rencontres il n’a jamais cessé de m’encourager à faire connaître du grand public mes poèmes. C’est ainsi qu’un jour j’ai suivi ses conseils. Pour lui témoigner ma gratitude j’ai spontanément songé à lui pour écrire la préface de ce recueil, mission qu’il a naturellement acceptée tout en disant que désormais notre amitié connaitra une certaine postérité. Je souhaite à chacun d’avoir un ami aussi loyal aussi bienveillant qu’Alfredo.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes installé dans le nord de la France depuis de longues années, peut-on dire que le nord vous a adopté ?
Rachid Boutoudj : Je suis arrivé dans le nord en 1991 et j’y vis toujours. L’hospitalité du nord n’est pas une légende. Des artistes, des chanteurs, des écrivains et simplement des anonymes ont fait l’éloge du nord. Les habitants de cette région sont d’une profonde générosité. Il y a certaines valeurs qui se transmettent de génération en génération et dans le nord celles-ci s’inscrivent naturellement dans un serment intangible. L’histoire de cette région a gravi dans le marbre la grandeur de l’âme et l’humanisme.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un scientifique, pourtant la littérature vous passionne, quels sont les auteurs qui vous ont influencé ?
Rachid Boutoudj : J’ai eu un parcours scientifique dans le domaine des électrons, des ondes et de la matière mais la littérature a toujours occupé une place privilégiée dans ma vie. Toute lecture qu’on a savourée ou qui nous a ému déteint sur notre vie d’une façon ou d’une autre. Comme bon nombre de mes semblables j’ai été saisi par la portée des écrits de Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine et Rachid Mimouni. Les mots de ces écrivains phares résonnent encore dans ma tête.
En dehors de la littérature algérienne, les écrivains que j’affectionne sont fort nombreux mais s’il faut n’en citer que quelques uns je dirais : Albert Camus, Emile Zola, Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski, Jean Giono, Franz Kafka, Marcel Proust, Fernando Pessoa…et j’ajouterai Marcel Pagnol dont la gaieté inextinguible me rappelle invariablement un pan de mon enfance.
Le Matin d’Algérie : Quel regard portez-vous sur la littérature algérienne d’aujourd’hui ?
Rachid Boutoudj : La littérature algérienne d’aujourd’hui est plus vivace et plus vigoureuse qu’on le pense. Le flambeau légué par les devanciers est toujours vif et ardent. J’ose croire qu’il le demeurera encore car on constate l’émergence d’un vivier d’écrivain très talentueux de surcroît. Il suffit de constater que les salons du livre fleurissent un peu partout en Algérie notamment en Kabylie.
Cet été lors d’un passage à Tigzirt je me suis engouffré dans une librairie du centre ville. Si le lieu regorgeait de classiques de la littérature algérienne ou occidentale, il m’était donné à découvrir des écrivains locaux dont la plume est à la fois belle et pertinente. J’ai quitté le lieu en emportant les livres de Yelis N-Tarihant, Leila Bennini, Rachid Hammoudi, Lounes Ghezali et Ali Mouzaoui. Je n’ai pas été déçu par la lecture de leurs ouvrages respectifs.
Pour conclure je dois dire que rien ne peut désancrer la création littéraire algérienne, d’expression française, du fertile limon d’où elle puise sa sève. Il y a eu de prodigieuses productions littéraires par le passé, il y en a de sublimes aujourd’hui et il y en aura de remarquables demain.
Interview réalisée par Brahim Saci
mercredi 4 octobre 2023
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Kacem Madani : « Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie »
samedi 30 septembre 2023
Avant de prendre sa retraite, Kacem Madani, de son vrai nom Belkacem Meziane, était professeur des universités en physique. Il a enseigné à l’Université des sciences et technologies d’Alger et en France, à l’École nationale supérieure des sciences appliquées et de technologies (ENSSAT), Lannion, dans les Côtes d’Armor, ainsi qu’à l’Université d’Artois, Lens, dans le Nord-Pas-de-Calais.
Depuis une quinzaine d’années, il écrit des chroniques dans le journal en ligne Le Matin d’Algérie. Des analyses ciselées, de haute volée. Toujours sous le pseudonyme Kacem Madani, il a publié quelques ouvrages dans lesquels il fait part de sa grande indignation face aux tribulations politiques de nos décideurs. Il a généreusement accepté de répondre à nos questions.
Le Matin d’Algérie : vous avez un parcours atypique ! Qui est Kacem Madani ?
Kacem Madani : C’est toujours difficile de parler de soi, surtout quand votre vie s’étale sur des décennies et que vous bénéficiez d’une retraite quasi-dorée alors que de nombreux concitoyens pâtissent d’une justice aux ordres au pays et que d’autres croupissent encore dans les geôles pour un oui ou pour un non qui déplaisent aux maîtres du moment.
Mon parcours n’est pas si atypique que cela. Il ressemble à celui de nombreux Kabyles qui ont eu la chance d’avoir fait des études supérieures et d’avoir vécu à Alger, du temps où notre capitale brillait de mille et une splendeurs, de mille et un espoirs. Ces temps n’ont malheureusement engendré que désillusions ! Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie. À tel point qu’au contraire de nombreux camarades, après des études aux USA, je suis rentré au pays, décidé à tous les sacrifices pour un avenir meilleur. Malheureusement, les combines en haut lieu ont réussi à nous décourager.
Au lendemain de la légalisation du FIS par nos décideurs, l’idée de prendre la poudre d’escampette commençait à germer dans ma tête. Se sacrifier pour le meilleur, oui ! mais participer à la construction du pire, non ! J’ai donc quitté le pays au début des années 1990 pour construire une nouvelle carrière en France. Une carrière qui, après des années de travail acharné, m’a mené jusqu’à une titularisation en tant que professeur des universités en optique et physique des lasers.
Le Matin d’Algérie : vous vous appelez Belkacem Meziane, pourquoi avoir choisi d’écrire sous le pseudonyme de Kacem Madani ?
Kacem Madani : C’est simple, ce pseudo, qui a fini par me coller à la peau, je l’ai choisi et adopté pour séparer mes interventions en tant que chroniqueur sur Le Matin d’Algérie de ma profession de physicien. D’ailleurs, je suis venu au monde de la chronique grâce à Mohamed Benchicou. Quand Aâmmi Moh avait lancé la version en ligne de son journal, j’intervenais en tant que commentateur lambda. Parfois, quand mes exposés se faisaient consistants, Mohamed les insérait dans ses colonnes. C’est donc par le plus heureux des hasards que je suis venu à l’écriture. Je ne serai jamais assez reconnaissant à Aâmmi Moh et Hamid Arab pour m’avoir laissé une certaine liberté de ton dans mes nombreux coups de gueule.
Le Matin d’Algérie : quel regard portez-vous sur l’Algérie d’aujourd’hui ?
Kacem Madani : J’aurais bien voulu être optimiste, mais comment l’être quand on voit toute cette médiocrité chronique qui sévit de la base au sommet de la pyramide du pouvoir ? Pour ne rien vous cacher, je regrette l’ère Bouteflika. Malgré quelques dérives, le petit vieux avait beau s’accrocher au koursi, il avait laissé un tant soit peu de lest à la liberté d’expression.
Ce qui m’horripile le plus, c’est le massacre de l’éducation. L’arabisation bornée et irréfléchie a coulé notre système éducatif. Non satisfaits de ce carnage pédagogique, voilà que nos autocrates veulent introduire l’anglais dès l’école primaire ! ? En tant qu’anglophone, je devrais applaudir telle initiative, mais soyons sérieux, où est le personnel enseignant capable de remplacer le français par l’anglais ? On reprend les mêmes stratagèmes de poudre aux yeux et on refait délibérément les mêmes erreurs, au vu et au su de tous ceux qui sont tourmentés par l’avenir de ce pays et qu’on a laissés sur la touche pour les raisons que l’on connaît.
Tout le reste est à l’image de cet exemple. De la poudre aux yeux dans tous les domaines et à tous les niveaux. En fait, le pouvoir a, de tous temps, voulu nous faire croire qu’il possédait toutes sortes de baguettes magiques pour redresser la barre d’un navire à la dérive depuis des décennies. Tant que le pétrole coule à flots, ils ne lâcheront pas le morceau. Et rien ne dit qu’ils le lâcheront une fois les sources taries. Pour subsister, ils sont capables d’imposer une taxe sur l’oxygène que le peuple respire (clin d’œil à notre ami Youssef Zirem).
Le Matin d’Algérie : dans un monde déchiré où les valeurs s’effondrent, que peut apporter l’écrivain ?
Kacem Madani : L’écrivain est un lanceur d’alerte. Malheureusement, sa portée est limitée. Ne serait-ce que du fait que les nouvelles générations ne lisent plus, et que le langage sms tend à supplanter toutes les langues vivantes de la planète. Cet effondrement des valeurs est d’ailleurs intimement lié à ces joujoux de technologies qui envahissent le quotidien de tous les humains sur Terre. Quand je pense qu’on commence à peine à interdire les téléphones portables dans les classes, il y a de quoi se poser des questions par rapport à la vitesse de réaction des responsables concernés et des pédagogues affirmés. Je crois pouvoir dire que je suis l’un des premiers à avoir alerté sur les dangers de ces nouvelles technologies bien avant le smartphone ! Mais que peut bien changer une alerte noyée dans un océan de suivisme des plus ahurissants ?
Interview réalisée par Brahim Saci
Références :
Belkacem Meziane, « From nonlinear dynamics to trigonometry’s magic », Cambridge scholars, 2022.
Kacem Madani, « Autopsie d’une Algérie jamais en paix », eds Constellations, 2023.
Kacem Madani, « Mémoire(s) en dents de scie », eds Maïa, 2022.
Kacem Madani, « Aït Menguellet, chants d’honneur », eds Hedna, 2021.
Kacem Madani, « Indignation(s) chronique(s) », eds Vérone, 2017.
samedi 30 septembre 2023
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Rencontre avec la psychanalyste Sandra Cardot
Sandra Cardot est psychanalyste, thérapeute, art-thérapeute, à Bourg-en-Bresse. Elle a publié, « Ferme tes yeux Jessica », « Empathie et Compassion », « En pleine conscience », ses livres sont une plongée dans l’univers du psychisme humain, pour le comprendre et le guérir. Dans un monde où le mal-être devient un mal grandissant, la psychologie et la psychanalyse apportent des réponses. Sandra Cardot a généreusement accepté de répondre à nos questions.
Le Matin d’Algérie : Qui est Sandra Cardot ?
Sandra Cardot : Je suis psychanalyste, autrice et artiste.
Le Matin d’Algérie : Comment êtes-vous venue à l’écriture et à la publication ?
Sandra Cardot : Mon parcours est totalement atypique puisque j’ai d’abord fait les beaux-arts de Grenoble avec un passage d’une année au fine-art de Sheffield pour ensuite embrayer en psycho au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris ; achever une psychanalyse qui aura duré 10 ans et obtenir un diplôme d’art-thérapeute à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne Paris.
C’est en 2012, après le décès de mon père que tout a commencé dans l’écriture. Je rêvais la nuit et il fallait que j’écrive le jour ! Mon premier livre Ferme tes yeux Jessica, est un roman Fantasy pour pré-adolescents qui traite de la mort, de la thérapie et du phénomène de télékinésie. C’est après la parution de ce livre que je me suis faite remarquer auprès d’Yves Michalon (feu mon éditeur) qui m’a proposé d’écrire mes expériences en développement personnel.
À la suite est paru, En pleine conscience itinéraire lucide vers le bonheur spirituel, et Empathie et Compassion comment développer nos super-pouvoirs.
Le Matin d’Algérie : André Malraux a dit « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. » qu’en pensez-vous ?
Sandra Cardot : Les paroles de Malraux à ce sujet résonnent comme un espoir prophétique et visionnaire basé sur la certitude qu’il y aura toujours une part de spiritualité dans un siècle.
Personnellement, je pense que l’humanité manque encore beaucoup de pure spiritualité, la spiritualité ne se constitue pas de religions, de sectes et de pensées égoïstes écrites par l’humain. La spiritualité est conscience et énergie cosmique, c’est pour moi de la pure spiritualité.
Nous ne sommes pas encore à cette ère où l’être humain fait confiance indubitablement à sa conscience et à son pouvoir de rétablir de l’harmonie.
Le Matin d’Algérie : En vous lisant on sent notamment l’influence de Carl Gustav Jung, cette grande figure de la psychologie, pouvez-vous nous en parlez ?
Sandra Cardot : Jung était un psychanalyste de génie ! J’ai une profonde admiration pour son parcours qui a été à la fois rigoureux quand il travaillait avec Freud et novateur presque rebelle lorsqu’il instaura la spiritualité dans psychanalyse.
L’installation des synchronicités dans les thérapies ont été salvatrices pour un nombre incalculable de personnes en difficulté psychique.
Jung a su montrer au monde entier, avec la participation de scientifiques en mécanique quantique dont le physicien Wolfgang Pauli, que la psychologie analytique ou dite complexe ne se résume pas qu’à une topique, ou une exploration des rêves. Elle est étroitement liée aux énergies cosmiques et l’histoire personnelle du patient.
Le Matin d’Algérie : Dans un monde plus que jamais tourmenté, en perpétuelle mutation, la psychologie est-elle salvatrice ?
Sandra Cardot : La réponse est un grand OUI ! La psychologie est une recherche intelligente, fondamentale, sans aucune critique de soi-même. Sans elle nous manquons de confiance en soi et de développement personnel. Nous ruminons le passé et laissons la porte ouverte aux pensées négatives. La psychologie requiert d’être sincère et véritable. Elle demande beaucoup de courage mais in-fine elle nous apporte la résilience, cette force mentale pour affronter l’adversité.
Entretien réalisé par Brahim Saci
lundi 18 septembre 2023
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Sandra Cardot – Psychanalyste et thérapeute à Bourg-en-Bresse
Le Matin d'Algérie
samedi 12 août 2023
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Dès son plus jeune son âge, Marzouk Lattari fut animé d’une grande passion pour la musique. Compositeur, musicien de génie, il a enregistré trois albums qu’on peut écouter sur Youtube.
Marzouk Lattari est natif du village Taourirt Moussa Ouamar, des Ath Douala, qui compte beaucoup d’artistes et de grands poètes dont le plus célèbre d’entre eux est le regretté Matoub Lounès. On peut citer aussi, Tiloua (Lounès Ladjadj) qui fait monter sur scène le jeune Matoub Lounès à l’âge de 16 ans en 1972, Matoub Moh Smaïl qui a chanté avec El Hasnaoui et Dahmane El Harrachi, Matoub Achour, Laichour Mokrane (Mokrane Lhadj Amar) que Matoub Lounès invitait régulièrement sur scène, Matoub Moussa, Matoub Hamid, Mehari Mustapha (Mustapha Ath Ouali), Loukan Ferhat (Ferhat Ait Aissi), Mohand Ou Bouzid, Messous Mohand Ouyidir (Mohand Ouyidir ath Amara), Krazem Mohand Ouamar (Mohand Ouamar Takrarth).
Marzouk Lattari est un artiste discret, comme le sont les plus grands. Il ne cherche pas la gloire il travaille pour l’art, d’ailleurs il joue pratiquement de tous les instruments, même si son instrument de prédilection, dont la difficulté pour la maîtrise n’est pas des moindres est le banjo, cet instrument majestueux est dérivé du luth Ouest-africain joué par les esclaves africains déportés aux Etats-Unis au dix-septième siècle, qu’on retrouve surtout dans le jazz et la country.
Le banjo fut introduit dans les années 40 dans le chaâbi par Hadj M’hamed El Anka qui est considéré comme le créateur du chaâbi actuel qui dérive du medh et de la musique arabo-berbéro-andalouse.
Hadj M’hamed El Anka a apporté sa propre touche au chaâbi en introduisant plusieurs instruments, le banjo, la mandole et le piano. On peut citer des grands noms dans la maîtrise du banjo, Cheikh Namous, Kaddour Cherchali, Dahmane Elharrachi, Hamid Lakrib, Mahboub Bati, Said Hennad, Ptit Moh, Mouloud Nait Ali, Marzouk Lattari.
En écoutant Marzouk Lattari, on est envahi par l’émotion qui s’en dégage, les chansons, la composition, l’orchestration témoignent d’une grande maîtrise à la fois rythmique et harmonique, nous sommes saisis par ce travail d’orfèvre et on sent tout de suite l’influence des grands maîtres du chaâbi.
Marzouk Lattari joue donc du banjo, de la mandole, du piano, du violon, de la flûte. Il a appris à écrire la musique grâce à un livre de solfège que son grand-père a ramené de Paris. En côtoyant les plus grands, il a considérablement perfectionné son jeu. Il a appris les modes au côté de Si Said Hennad, bras droit au banjo auquel il voue une très grande reconnaissance.
Marzouk Lattari a joué comme bras droit au banjo avec Cheikh Mehdi Tamache, élève de Hadj M’hamed El Anka, Kamel Messaoudi, au côté de son talentueux guitariste Mohamed El Amraoui, Matoub Lounès, Cherif Hamani son cousin, Kheloui Lounès, Moh Bouhanik, et d’autres. Il a côtoyé Moh Smail, Hacène Ahres, Moh Hessas, Lani Rabah, et d’autres…
En 1987, il fait une tournée avec Cherif Hamani comme bras droit au banjo. En 1988, il est le bras droit au banjo de Matoub Lounès au côté de Hamid Lakrib, ce dernier a marqué son époque, il s’est distingué par son jeu remarquable du banjo.
Hamid Lakrib était un musicien virtuose du banjo, dont la vie fut brève. Il décède en 1999 dans la solitude à 38 ans, il est originaire de Tala-Khelil, Ath Douala. Il accompagna de grands chanteurs, Akli Yahiatene, Amar Ezzahi, Kamel Bourdib, Mehdi Tamache, Youcef Abdjaou.
Marzouk Lattari fut le bras droit au banjo de Lounès Matoub de 1988 à 1992. Ce chanteur musicien de talent continue son chemin en créant, en composant. Il a toujours la soif d’apprendre, les projets foisonnent dans sa tête.
Marzouk Lattari est un artiste à découvrir ou à redécouvrir pour le plaisir de l’oreille, du cœur et de l’esprit.
Brahim Saci
PS :Je remercie Amar Laoudi pour son aide.
Le Matin d'Algérie
Mercredi 9 août 2023
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lundi 5 juin 2023
Une pensée pour le chanteur Mouloud, (de son vrai nom Ahmed Ghezraoui).
Mouloud est originaire de Tizi-Ouzou, un grand artiste, universitaire, auteur compositeur, un fabuleux guitariste. Il a chanté le rock, le jazz, la country, la new wave, pop/rock, le reggae, le chaabi mais aussi le kabyle.
Il sort un 45 tour chez Déesse en 1979 en deuxième année de sociologie à l’université Paris 8. Il a fait beaucoup de concerts à travers toute la France et en Algérie, mais au niveau discographie c’est le parcours du combattant pour faire un album.
En 1987 il sort un album, « Retour aux sources sans frontières », qui lui a coûté en énergie et en sueurs, dont les chansons, Retour aux sources sans frontières – Rock Beur – Rain and tears – Yasmina…
De 1987 à 1992 ses chansons passent souvent à Radio Beur, surtout la célèbre chanson Yasmina. À partir de 1992 ses chansons restent régulièrement diffusées jusqu’à fin 90 à Beur FM.
Mouloud était un universitaire doué, un artiste, chanteur compositeur musicien brillant qui mérite qu’on se souvienne de lui.
J’ai eu la chance de le rencontrer début des années 90, je garde le souvenir d’un homme humble et discret, d’un artiste au grand talent, qui chantait aussi bien le rock, la new wave, pop/rock, la country, le jazz, le Reggae, que le kabyle.
En 1996, il a entrepris un travail colossal, l’enregistrement de reprises de 43 chansons algériennes kabyles et arabes ayant marqué plusieurs décennies, cette même année l’universitaire et poète Moh Cherbi l’invite dans son émission culturelle « Culturum » à laquelle je collaborais comme chroniqueur, c’est un souvenir mémorable. Les échanges avec Mouloud étaient de haute volée, un artiste éclectique d’un niveau musical épatant.
Triste destin pour ce passionné des arts, du chant et de la musique dans sa diversité, Mouloud s’est éteint bien trop tôt, le 23 décembre 2006, tragiquement des suites d’un arrêt cardiaque à l’aube de sa cinquantième année à Aubervilliers. Que sa belle âme repose en paix.
Brahim Saci
Le Matin d'Algérie
lundi 5 juin 2023
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« Éveiller les consciences », la nouvelle publication de Youcef Zirem
Après «Chaque jour est un morceau d’éternité», paru aux éditions Douro, Youcef Zirem nous revient comme un enchantement avec un livre passionnant, «Éveiller les consciences», publié chez Fauves éditions.
Le titre interpelle tout esprit cherchant l’éclaircie dans l’obscurité qui tend à s’étendre aujourd’hui comme pour plonger la mémoire dans l’amnésie.
« Éveiller les consciences », arrive donc à point nommé, comme un éveil salvateur pour ne pas sombrer. Dès les premières pages, Youcef Zirem nous rappelle l’éveil pacifique du peuple Algérien, « Lorsque les jeunes et moins jeunes sont sortis dans la rue le 16 février 2019, à Kherrata, en Kabylie maritime, ils ne savaient pas que leur geste amorçait un nouveau cycle de luttes en Algérie, toute lutte sincère génère un éveil. De larges fractions de la population se sont éveillées et réclament désormais leur droit à la dignité, à la liberté, à la justice sociale ».
Ce livre se présente agréablement sous forme d’entretiens avec des écrivains algériens, qui apportent un nouveau souffle comme pour réchauffer et rafraîchir l’univers littéraire parisien. Youcef Zirem a cette originalité, celle de donner la parole à plusieurs écrivains entre 2004 et 2006, où chacun s’exprime et donne sa vision sur la littérature et l’actualité du monde dans lequel il vit.
C’est ainsi que vingt-deux écrivains prennent la parole, dont Mustapha Benfodil, Bachir Mefti, Chawki Amari, Akram Belkaid, Ali Malek, Habiba Djanine, Abdelmadjid Merdaci, Rachid Mokhtari, Slimane Ait Sidhoum, Boualem Sansal…
Nous ne pouvons nous empêcher de penser à l’inventeur des grands entretiens littéraires dans les années 50, aux entretiens radiophoniques de Jean Amrouche qui a réussi à convaincre et à donner la parole à de nombreux penseurs, écrivains, tels que, Gide, Claudel, Mauriac, Giono, Ungaretti, Pierre Emmanuel ou Jouhandeau.
Ce livre à l’écriture agréable est un moment de littérature. Le lecteur ne boudera pas son plaisir en tournant les pages avec lenteur pour faire durer le jaillissement de lumière qui se dégage de chaque entretien. Mais qui mieux qu’un poète peut mener ces entretiens ?
Dans une Algérie qui peine à se démocratiser, qui n’encourage ni la littérature ni les arts, l’écrivain tente tant bien que mal à décrire la réalité saisissante et celle cachée pour forger avec sa sueur un certain chemin du bonheur, qu’il sait fragile, mais ne plie pas, il essaie de dompter les obstacles et surmonter les difficultés.
Tant d’efforts et tant de peines consentis par des générations d’écrivains, pour tenter d’éveiller les consciences, espérer et tracer des perspectives heureuses pour un lendemain meilleur où l’élan démocratique pourra s’imposer comme seule lueur salvatrice.
Youcef Zirem a l’art de mener les débats, il sait trouver la bonne question pour amener l’écrivain à se dévoiler, à se confier, à livrer ses pensées les plus intimes. Boualem Sansal qui a acquis une renommée internationale dit « c’est le drame qui m’a amené à l’écriture », Ali Malek nous confie « écrire pour prolonger une certaine innocence », Bachir Mefti avoue « l’écriture est une question de survie ». Chacun de ces écrivains est allé au fond de lui-même pour répondre au poète journaliste écrivain Youcef Zirem.
Pour l’écrivain enseignant chercheur Abdelmadjid Merdaci, « Sans liberté de penser, il n’y a pas de littérature ». Magistral !
Brahim Saci
Le Matin D'Algérie
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01/02/2022
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« Chaque jour est un morceau d’éternité », de Youcef Zirem
Cette nouvelle publication de Youcef Zirem arrive comme une bouffée d’air dans le paysage littéraire parisien. C’est un Ovni littéraire qui nous réconcilie avec l’écriture sensible et vagabonde qui vient chatouiller notre sensibilité.
L’écrivain Youcef Zirem, après « Libre comme le vent » publié par Fauves éditions et une quatrième édition de « histoire de Kabylie, le point de vue kabyle » publiée par les éditions Yoran Embanner, revient pour le plus grand bonheur des amoureux du livre avec « Chaque jour est un morceau d’éternité, journal parisien 2005-2015 » aux éditions Dourou.
Le livre s’ouvre sur une citation de Christian Bobin, qui donne un ton et un élan qui invite au voyage, à la réflexion, à la méditation. « Il n’y a rien d’autre à apprendre que soi dans la vie. Il n’y a rien d’autre à connaître. On n’apprend pas tout seul, bien sûr. Il faut passer par quelqu’un pour atteindre au plus secret de soi. Par un amour, par une parole, ou un visage ». Par cette élévation spirituelle et philosophique nous plongeons avec bonheur pour découvrir l’univers fabuleux de l’écrivain poète humaniste Youcef Zirem.
L’auteur a ce don et cette magie rare que partagent seulement les plus grands écrivains, comme Faulkner, Camus, Balzac, ou Feraoun, pour décrire l’humain et raconter la vie. Chaque jour est un morceau d’éternité, écrit sous forme de journal qui va de 2005 à 2015, avec des citations et des poèmes, nous transporte et nous émerveille.
Ce journal est une écriture aérée pleine de poésie et de lucidité qui invite le lecteur à suivre l’auteur, à s’interroger, à aimer. Il y a dans ce journal des rencontres, des quêtes, spirituelles, philosophiques. Chaque page apporte sa dimension poétique comme pour nous rappeler la beauté du monde malgré parfois des cieux lourds. « Je retrouve le Paris plein de rêves que la crise sanitaire obscurcit aujourd’hui ». On suit chacun des pas de l’auteur en essayant de ne rien perdre ni du regard ni de la pensée, l’on découvre que le meilleur est toujours possible.
Les pages semblent se tourner toutes seules comme pour ne pas troubler la quiétude qui émane de la narration, un peu plus loin nous sommes accueillis par une citation de Verlaine, « L’Art, mes enfants, c’est être absolument soi-même », pour magnifier l’élan poétique, la sensualité et le mysticisme qui se dégagent de chaque page. On ne peut s’empêcher de penser au Journal de Mouloud Feraoun, par l’humanité et l’émotion qui s’en dégage et le désir d’une liberté exigeante non négociable, comme un sursaut dans la conscience humaine.
La forme du livre est aussi des plus originales, les jours racontés portent un titre qui invite sans attendre à aller plus loin, pour ne perdre aucun pas, aucun regard du poète. Youcef Zirem nous rappelle les origines kabyles d’Alain Bashung, de Marcel Mouloudji, cet habitué de Saint-Germain-des-Prés. On retrouve une citation du poète chinois du huitième siècle, Tou Fou, surnommé le dieu de la poésie, aimé et admiré par Jacques Chirac.
Youcef Zirem nous raconte un concert donné par votre serviteur au conservatoire municipal Camille Saint-Saëns du huitième arrondissement de Paris le 7 juin 2006, il nous décrit l’ambiance chaleureuse de ce moment précieux du partage culturel, de la musique kabyle dans ce haut lieu de l’enseignement musical parisien. Il nous parle aussi du poète chanteur visionnaire Slimane Azem, cet immense artiste épris de liberté qui adorait Paris.
Il évoque aussi maintes fois l’Algérie qui peine à se démocratiser. La liberté et l’amour se côtoient entre illusions et désillusions, mais la poésie en sort toujours salvatrice pour ramener l’équilibre et l’harmonie. Le 16 juin 2015, Youcef Zirem écrit, « réhabiliter l’harmonie du monde, un titre quasi prophétique, qui sonne si juste aujourd’hui ».
Tout au long des pages de ce journal, on a l’impression de marcher à côté de Youcef Zirem dans Paris, on a envie de continuer la route avec lui, on ne veut pas s’arrêter. On veut que le poète continue à nous raconter. L’auteur cite Woody Allen : « Échouer à Paris, c’est mieux que réussir ailleurs ».
Brahim Saci
Chaque jour est un morceau d’éternité, journal 2005-20015 Éditions DOUROU Janvier 2022.
Le Matin d'Algérie
16/01/2022
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Les étoiles se souviennent de tout» est le roman de Youcef Zirem paru aux éditions Fauves. Comment un groupe de résistants kabyles a sauvé des enfants juifs dans Paris sous l’occupation. Ce livre est une merveille de la littérature.
C’est un rafraîchissement poétique du style littéraire pour les passionnés du livre. Une immersion éblouissante dans le Paris et la Kabylie des années 1940.
Ce roman « Les étoiles se souviennent de tout » de Youcef Zirem, est le bienvenu dans le paysage littéraire. L'auteur vient une nouvelle fois nous surprendre pour notre plus grand bonheur avec un enchantement littéraire qui interpelle le cœur et l’esprit.
«Les étoiles se souviennent de tout » est une plongée dans l’histoire, le roman se déroule dans les années 40 entre Paris et la Kabylie. On retrouve des pans de l’histoire souvent méconnus, une histoire humaine poignante. Comme un magicien des mots Youcef Zirem sait si bien jongler entre le roman et l’histoire pour étancher la soif du lecteur. On se prend d’affection pour les personnages, on évolue avec eux dans cette époque trouble écorchée des années 40.
Ce roman raconte une épopée vraie, comment des résistants kabyles aidés par la grande mosquée de Paris et de son recteur le cheikh Si Kaddour Benghabrit ont redoublé d’efforts en dépit de tous les dangers pour sauver des enfants juifs dans Paris sous l’occupation.Des tracts sont rédigés en langue kabyle pour ne pas éveiller les soupesons des nazis et de la Gestapo appellent les kabyles à aider les enfants juifs pour les sauver de la déportation, d’une mort certaine. Youcef Zirem réussit avec maîtrise et sobriété à nous immerger dans ces années obscures de l’occupation nazie en France. Le style épuré et fluide nous permet de mieux appréhender l’atmosphère étouffante de cette époque blessée.
Ce roman soulève des questions, apporte des réponses et nous aide à comprendre la complexité des situations humaines sous un regard philosophique pour dénouer les nœuds et enlever les brumes qui nous empêchent de voir certaines vérités et rendre hommage à certains engagements fraternels humains. Ce livre de Youcef Zirem nous éclaire et nous rend plus humains.
Samedi 26 septembre 2020
Youcef Zirem : "La Cinquième mascarade"
Youcef Zirem vient enrichir la littérature francophone avec son roman, la cinquième mascarade, chez Fauves Éditions. Nous pouvons dire que c'est un livre qui tombe à pic quand on voit le Hirak, la révolution qui se déroule en Algérie qui est porteuse d'espoir.
"La cinquième mascarade" est un roman qui émerveille par sa force et interpelle le cœur et l'esprit par sa lucidité. On retrouve des personnages qui se débattent dans les soucis de la vie de tous les jours, dans une société inégalitaire où même l’amour semble interdit. Un livre poignant, un hymne à la liberté, à l'espoir dans cette époque trouble de toutes les déchirures, où la lumière peine à percer les ténèbres imposées par l'absurde et le non-sens.
Un roman qui dépeint les illusions et les désillusions d'une jeunesse blessée de l'Algérie de l'indépendance à nos jours. Face à l'une des plus féroces dictatures au monde, la résistance est toujours là, l'amour aussi, la soif de liberté hante tous les esprits, ce qui laisse entrevoir un avenir qui peut être meilleur.
La folie et la déraison tentent de faire plier les cœurs et les esprits sans toutefois y parvenir. Le lecteur s'identifie parfois aux personnages et se sent proche de Sabrina, Malika, Khaled, Farid que nous n'avons pas envie de quitter tant nous sommes touchés par leur quête d'idéal et de justice.
L'histoire bien que romanesque paraît si réelle. Au fur et à mesure qu'on avance et qu'on tourne les pages on découvre le soleil sauvegardé au fond des cœurs qui donne l'énergie vitale pour œuvrer dans la bonne direction mais aussi la lutte pour effacer les atmosphères funèbres qui empoisonnent le quotidien.
Un peuple qui semble usé par les années noires d'obscurantisme où l'impensable, la démesure, nourrissent la terreur qui façonne le quotidien d'un pays livré aux hyènes où les valeurs sont déchiquetées. On évolue avec les protagonistes entre espoir et désespoir.
Mais malgré les impasses et les jours sombres, les yeux ne se tournent plus vers la terre à la recherche d'un tombeau, mais vers le ciel pour un renouveau, les corps usés courbés se redressent, comme pour renaître. Sabrina, Malika, Khaled, Farid ont appris par la force des choses à apprivoiser la souffrance et à vivre avec les blessures.
Mais les cicatrices sont là pour nous rappeler afin de chasser l'oubli et l'impunité. Celui qui se souvient par où il est passé saura où il va. Même par temps couvert et les hivers, il faut être lucide à tout prix pour ne pas sombrer. Les loups qui tiennent le pouvoir méprisent le peuple au point de le laisser dans la misère plus bas que terre. À la détresse morale s'ajoute l'injustice sociale qui touche surtout les plus faibles. La dictature a instauré la terreur et l'infamie. Les protagonistes réussissent malgré tout à tenir le cap à l'image d'une jeunesse sacrifiée mais toujours debout.
Youcef Zirem réussit avec art et magie un élan salvateur pour transfigurer les souffrances de tout un pays, dans un style limpide poétique et épuré qui nous rappelle les plus grands écrivains comme William Faulkner, Émile Zola, Mouloud Feraoun ou Albert Camus, où le verbe est porté, élevé, mis à nu pour ne dire que l'essentiel loin du superflus pour ne saisir que le vraisemblable, la vérité. Youcef Zirem malgré un style qui à première vue peut paraître des plus libres par sa fluidité applique au roman une rigueur quasi-scientifique pour peindre comme le peintre une fresque psychologique d'une société malade où les inégalités sociales sont criardes, où les maux sont multiples.
Youcef Zirem sait que le salut n'est pas dans la fuite lâche mais dans la résistance et la lutte pour se libérer des chaînes de la dictature qui érige l’oppression et la barbarie. Il sait que La vie l'emporte toujours et qu'un sursaut philosophique salvateur est toujours possible. L'injustice doit être combattue. Dans une société algérienne qui semble vouée au malheur depuis l'indépendance, l'esprit lucide doit dépasser l’échec pour ne plus se plier. Il interroge et s'interroge, décryptant par l’expérience humaine les conflits et les comportements qu'impose un système injuste, pour démystifier le réel parfois étouffant.
"La cinquième mascarade" nous apprend que malgré les incertitudes, l'espérance d'un avenir meilleur peut jaillir au bout du tortueux chemin. Youcef Zirem à travers ses personnages réussit à faire passer le message que le combat pour la dignité, la démocratie, n'est jamais perdu.
"La Cinquième mascarade", le roman de Youcef Zirem chez Fauves éditions.
Matoub Lounès la fin tragique d’un poète", de Youcef Zirem
une peinture portrait de Matoub Lounès, l’artiste peintre a connu le poète chanteur. Il n’est pas facile d’écrire sur ce géant de la culture Kabyle, poète, musicien, auteur-compositeur chanteur, militant infatigable des causes justes.
À juste titre, l’approche de Youcef Zirem est des plus pertinente, un style épuré accrocheur, fluide, forgé par la clairvoyance et la volonté toujours vive d’écarter les superflus pour aller toujours vers l’essentiel, qui accapare dès les premières lignes l’attention du lecteur, le regard fixé sur les pages pour ne rien perdre ni de la lumière qui jaillit des mots et tournures ni du rythme apaisant dans une volupté poétique magnifiant la verve tranchante et éclairée du récit.Youcef Zirem sait nous tenir en haleine. Youcef Zirem nous dévoile un poète vrai, ami de la muse, manipulant la langue kabyle avec grand art et une dextérité saisissante. Matoub Lounès était proche de son public. Ses admirateurs étaient émerveillés par des textes percutants, une voix grave particulière, un style musical travaillé, des mélodies envoûtantes, le tout dans une langue kabyle recherchée, où les mots sont choisis avec amour et l’expérience du vécu pour toucher le cœur et l’imaginaire kabyle en adéquation avec le réel, défi sans cesse renouvelé.
Recréer le monde par le langage poétique dans la recherche d’un idéal au-delà du réel, dans une société kabyle où la poésie est un art de vivre. Page après page, apparaît un poète généreux, amoureux des libertés, humble, fidèle en amitié, proche de son peuple. Nous découvrons un artiste écorché, meurtri dans une quête de l’absolu, d’un amour insaisissable, d’une justice sans cesse bafouée, dans un monde en mutation où les inégalités se creusent de plus en plus. Matoub Lounès, en ardent défenseur des libertés, criait haut et fort des vérités à l’instar du légendaire Slimane Azem auquel il vouait une admiration sans bornes.
Comme Slimane Azem, il est resté libre, poète qu’aucune force n’a pu ni plié ni corrompre. Matoub Lounès tombe dans un guet-apens en Kabylie le 25 juin 1998 à quelques kilomètres de son village natal, la thèse de l’assassinat politique soulevée par ses fans semble aujourd’hui se préciser, Matoub dérangeait. Une vraie enquête reste à faire pour déterminer les vrais auteurs et les commanditaires du lâche assassinat de l’un des plus grands poètes algériens kabyles du XXe siècle.Poète vrai incompris aux multiples blessures bravant l’incompréhension, la folie de son époque, Matoub Lounès a été l’ennemi d’une dictature bien établie avec ses rouages, ses valets, semant le mal et la destruction, érigeant la corruption en valeur, pour s’assurer la pérennité. Nous découvrons aussi les zones d’ombres entourant son assassinat, les intrigues les manipulations, les trahisons, du sommet du pouvoir jusqu’à l’entourage du poète.
Des questionnements assaillent le lecteur désespéré à la recherche de réponses. Youcef Zirem a cette magie rare qu’ont seulement les plus grands écrivains, pour ne citer que Faulkner, Zola, Hugo ou Gabriel Garcia Marquez, pour cette grande liberté dans la narration, mais avec une rigueur scientifique, où s’élèvent des interrogations.La poésie de Youcef Zirem est comme cette source enchantée bénie par les dieux où coule la vérité, celle qui jaillit du fond des âges, éternelle, de toute beauté. Notre temps est court mais nous gaspillons l'énergie précieuse à courir derrière des chimères qui nous mènent vers le gouffre, et là, on ne peut s'empêcher de penser à Baudelaire, lui qui a sondé l'âme humaine. La poésie de Youcef Zirem nous donne des ailes, nous rend libres. Elle nous parle, nous approche comme une amie, comme pour nous murmurer à l'oreille qu'il est toujours temps de s'évader, de s'envoler. Youcef Zirem à travers ces vers libres nous libère de toute entrave et conditionnement.
Ces aphorismes nous rappellent la brièveté de l'existence ou nous résument en peu de mots l'essentiel, la vérité fondamentale, éclairant ainsi le mental trop longtemps alourdi par une dialectique déformée par le monde matériel. Loin de chercher à convaincre, les aphorismes de Youcef Zirem sont hors du temps, ils paraissent comme une lueur d'espoir pour les âmes perdues qui ont peur du miroir, et ceux en quête de sens.Le poète est toujours à l'écoute du monde, Youcef Zirem rend un bel hommage au peuple algérien admirable, uni dans la fraternité et l'amour dans son identité berbère, amazigh, dans sa diversité culturelle et linguistique, pour libérer le pays de la dictature et instaurer enfin après tant de sacrifices une vraie démocratie, et retrouver la grandeur du soleil d’Afrique. (...Peuple algérien, tu es magnifique ! Laisse-moi te dire combien je t'aime, laisse-moi te dire combien je t'admire ! Laisse-moi te dire que je j'ai jamais douté de ta grandeur !...Par la force des choses je vis loin de toi...Mais je n'ai jamais cessé de penser à toi...L'exil est, parfois plus dur que la mort...je me sens renaître...aucune armée au monde ne peut s'opposer à ta soif de liberté, de dignité, de justice sociale...Ce qui se passe dans le pays va bouleverser toute l’Afrique du Nord...Peuple algérien, sois patient ta victoire est certaine...Peuple algérien, bientôt tu exerceras ta souveraineté, dans les règles de l'art, sans désir de vengeance, mais avec cet amour de l'autre qui a fait la force de nos ancêtres depuis la nuit des temps...Peuple algérien, tu as beaucoup souffert mais tu es en marche pour ta liberté. Peuple algérien, dans ta marche vers la lumière, tu es beau...)
Cet hommage est un hymne à l'amour, à la liberté, comme un beau chant, un beau poème lyrique à la louange de cette révolution algérienne pacifique extraordinaire, saluée par le monde. Il y a dans ce beau livre des quêtes multiples, cherchant un sens, il y a aussi des interrogations qui vont au-delà de notre réalité terrestre, vers l'univers, tentant toujours de saisir un élan salvateur."Libre, comme le vent" de Youcef Zirem, chez les éditions Fauve.
Merci Brahim SACI pour ces mots d'une grande justesse et d'une vérité touchante 🥳 Une merveilleuse critique pour découvrir le nouveau recueil de Youcef Zirem, une page qui chante la poésie dans ce qu'elle a de plus grand 🌬 "
Merci beaucoup Fauves Editions, ce nouveau livre du grand Youcef Zirem "Libre, comme le vent", est une pure merveille, c'est la poésie que j'aime, qui m'éclaire et qui m'interpelle .
Hamza Zirem : "L’écrivain éloigné de son pays doit se recréer continuellement"
Hamza Zirem est né en 1968 à Akfadou. Il a enseigné la langue française pendant plusieurs années. En 2009, bénéficiant d'une bourse d'études dans le cadre du réseau international ICORN, il a été accueilli en Italie par la municipalité de Potenza. Depuis 2010, il entreprend la profession de médiateur interculturel et linguistique.
Hamza Zirem a collaboré avec plusieurs revues et journaux : Rencontres Artistiques et Littéraires, Algérie Littérature/ Action, La Grande Lucania, Controsenso Basilicata, La Pretoria, Territori della Cultura… Hamza Zirem est l’auteur d'une dizaine de livres. Il est co-auteur de la traduction des entretiens radiophoniques de Jean El Mouhoub Amrouche avec Giuseppe Ungaretti (UniversoSud, 2017).membre du comité scientifique du Centre Universitaire Européen du Patrimoine Culturel. Ses textes ont été insérés dans de nombreuses anthologies.
Le Matin d'Algérie :Hamza Zirem : L’enseignement est un métier très enrichissant et très exigeant. Il ne consiste pas seulement à aider les élèves à apprendre, l’éducation à l’école compte beaucoup et doit amener les apprenants à réfléchir à la manière dont ils peuvent contribuer à l’édification d’un monde meilleur. De mon expérience personnelle, je me rappelle surtout des textes de grands auteurs, qui ne faisaient pas partie du programme officiel, que j’étudiais avec mes élèves et qui nous transmettaient des regards observateurs sur la société ainsi qu’un sens profond des rapports humains. L’école algérienne a toujours été utilisée à des fins politiques.
Les diverses «réformes scolaires», entamées au cours des années, n’ont pas vraiment pour objectif une refonte pédagogique, les idéologies planifiées du régime ont intentionnellement détérioré le système éducatif. Dans son étude intitulée « Crise linguistique en Algérie: les conséquences de l’ arabisation », l’universitaire Lily Keener a écrit en 2019 : « En ce qui concerne l'Algérie, qu’il soit de la langue ou de la religion, le gouvernement ne désire que monopoliser tout afin de garder le pouvoir, et de plus, il ne désire que le pouvoir. Il ne s'intéresse ni à la question de la langue, ni de la culture. La langue arabe a bien été exploitée comme un outil destiné à la domination des Algériens. Chez le gouvernement algérien n’existe qu’une histoire de corruption qui a conduit le problème islamiste jusqu'à la décennie noire ainsi que la politique d’arabisation jusqu'à l'empêchement de la modernisation ».Pouvons-nous dire que ce sont les contradictions, le manque d’horizon d’un pays qui se referme sur lui-même qui vous a ouvert les portes de l’écriture et vous a poussé à partir ?
Hamza Zirem : J’ai grandi dans un milieu familial très propice à l’éveil culturel. Je me suis rapproché davantage de l’écriture suite à mes rencontres déterminantes avec certains copains durant les études universitaires, nous avions vécu des expériences très formatrices et les lieux que nous fréquentions étaient de véritables bouillonnements culturels. En outre, dpuis 1990, j'ai entamé une correspondance littéraire en échangeant les idées avec de nombreux écrivains francophones qui m'ont encouragé à publier mes propres textes.Parmi eux, je peux citer Djamel Amrani, Michel Tournier, Jeannie Varnier et Michel Poissenot. Après avoir exercé pendant une quinzaine d’années dans le domaine de l’enseignement, j’ai quitté l’Algérie en 2007. J’ai vécu pendant plus d’une année en Norvège et puis je me suis installé en Italie. Abandonner son pays est toujours un choix douloureux. Les raisons qui poussent les Algériens à quitter le pays sont multiples.
La situation actuelle de l'Algérie est désastreuse: le président de la république et les membres du gouvernement sont illégitimes, le chômage est grave et endémique, les émeutes sont récurrentes, la flambée des prix érode continuellement le pouvoir d’achat des familles et la majorité de la population vit sous le seuil d’une extrême pauvreté, il n’existe aucune liberté d’expression, l’absence de démocratie est totale, la violation des droits de l'homme est systématique, l’incessante détention des militants du Hirak est arbitraire, la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19 est très mauvaise…Vous vivez depuis plusieurs années en Italie, où vous avez réussi à vous imposer en publiant des livres en italien et en français, parlez-nous de vos ouvrages ?
Hamza Zirem : Ma première suite poétique, parue aux éditions françaises Clapàs, remonte à 1997 et depuis j’ai continué de publier des recueils de poèmes, quelques essais littéraires, des entretiens avec certains auteurs, des fables pour enfants et des romans. J’ai également écrit le texte d’une pièce théârale qui a été représentée par la troupe Gommalacca à l’occasion de l’inauguration de « Matera, capitale de la culture européenne 2019 ». Je suis aussi co-auteur de la traduction des entretiens radiophoniques de Jean El Mouhoub Amrouche avec le poète italien Giuseppe Ungaretti, un livre publié chez UniversoSud en 2017. Dans quelques mois paraitra mon nouveau recueil de poèmes intitulé « La persistance des vieux jours » avec une introduction de Philippe Poivret.L’Italie vous a adopté, vous avez obtenu de prestigieux prix littéraires ainsi que des nominations de très haut niveau comme ambassadeur de la paix et membre du conseil scientifique du Centre Universitaire Européen du Patrimoine Culturel de Ravello. Parlez-nous de ces heureux événements ?
Hamza Zirem : On m’a attribué des prix littéraires et des nominations, et les différents motifs des reconnaissances sont minutieusement expliqués par les jurys responsables. J’avais bénéficié d’une bourse d’études dans le cadre du réseau international ICORN et je suis accueilli par la municipalité de Potenza au sud d’Italie, en Lucanie. Invité dans un cadre officiel m’a énormément aidé à organiser facilement beaucoup de rencontres culturelles pour parler de mes livres et d’autres sujets. J’avais, par exemple, organisé en 2009 avec le professeur Luigi Serra (un chercheur universitaire en études berbères et un ami de Mouloud Mammeri) un colloque international sur la Kabylie comme région emblématique de la Méditerranée. Oui la Lucanie m’a adopté. Cette région méridionale a accueilli de nombreuses et importantes civilisations méditerranéennes, des Grecs antiques aux hommes illustres du XXe siècle.Une région riche en paysages qui, sur quelques kilomètres, changent considérablement : des côtes sableuses ou découpées, des lacs aux montagnes, des châteaux aux fermes ; elle offre des décors splendides très différents. Le sud d’Italie a su garder une réelle authenticité semblable à la Kabylie, avec des gens viscéralement attachés à leur terre, à leur culture et à leur langue.
Les Lucaniens ont fièrement conservé leurs traditions aux rites anciens et ils ont su mettre à profit toutes les stimulations culturelles. Cette terre riche en produits gastronomiques est une gardienne excellente d’un patrimoine ancien et raffiné. Chaque commune est un haut lieu de valeurs culturelles d’où émergent des faits, des us et coutumes d’une grande richesse.Le caractère de l’Italien du sud est souvent jovial, on peut discuter de tout avec lui, vu sa facilité d’approche et son humanité. Les Lucaniens sont ouverts au monde par tous leurs sens, ils sont admirablement armés pour recueillir le trésor illimité de sensations et de jouissance que la Lucanie met à leur disposition. Ils gardent en eux intacts la puissance, l’audace et le besoin d’appréhender le monde dans sa réalité physique, ils sont de vrais habitants de la terre. Ils vivent en harmonie avec l’univers en atteignant un haut niveau de plénitude morale. De cet accord profond et essentiel, entre la Lucanie et ses habitants, nait une parfaite grâce.
Après avoir passé plus d’une année en Norvège où les personnes sont très froides comme leur climat, je me retrouve beaucoup mieux ici au sud de l’Italie dans le climat de la culture méditerranéenne, je ne me sens pas dépaysé et je découvre beaucoup de choses similaires entre l’Afrique du nord et le sud de l’Italie : les traditions et les us, certains faits historiques, les rythmes de la musique, la saveur culinaire, l’architecture, l’accueil des gens, la mentalité, la sympathie, la vie communautaire et même la langue dont beaucoup de termes arabes et berbères sont utilisés dans les dialectes lucaniens.Y a-t-il des reconnaissances ou des évènements culturels importants auxquels vous aviez participé qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Je suis parfois invité par des universités, des établissements scolaires et des associations culturelles pour participer à des événements culturels. Chaque rencontre me procure de grandes satisfactions. Je cite quelques épisodes qui me viennent à l’esprit en ce moment.Lors d’un festival de la poésie des pays méditerranéens qui s'est tenu à Nusco le 24 octobre 2009, les élèves de cinq lycées d'Irpinia dirigés par leurs professeurs ont étudié et traduit mes poèmes du français vers l'italien et même du français vers le latin. Ils m’ont consacré d’admirables critiques littéraires qui ont été publiées dans le numéro 4 de la revue «Il Monte». Ma suite poétique intitulée «Saisir le présent », parue dans la revue Algérie Littérature / Action en 2005, a été traduite en norvégien par le traducteur de Nedjma de Kateb Yacine : Kjell Olaf Jensen et a été publiée en 2008 à Stavanger. Mon roman « Inno alla libertà di espressione » a été étudié à l’Université de la Basilicate par les étudiants du département des sciences humaines.
En décembre 2010, un de mes textes est publié à Florence dans une anthologie, consacrée au thème de la liberté des idées, imprimée en 7000 copies et distribuée gratuitement dans tous les instituts scolaires du cycle secondaire de la Toscane. Dans un de ses livres, le grand écrivain italien Rocco Brindisi me cite dans plusieurs passages une trentaine de fois. Après avoir lu mon romanintitulé « L’exil norvégien d’un écrivain kabyle », le poète Oudjedi Khellaf m’a écrit un long commentaire, voici un petit extrait : « La première impression qui se dégage de ce roman est la poésie dont il regorge. (…) Ton écriture ressemble à celle de Mouloud Feraoun ou Albert Camus par sa simplicité, à celle de Mouloud Mammeri par sa poésie et à celle de Kateb Yacine par sa profondeur humaine ».
Est-ce que vous pourriez mettre en évidence quelques brefs extraits de votre roman que vous venez de citer pour donner une idée bien précise, aux lecteurs de notre journal, de ce que vous écrivez ?« Le rôle de Massi en tant qu’écrivain est d’ouvrir son cœur et ses idées à ses interlocuteurs, d’exprimer sa vision des choses, ses craintes et ses aspirations. L’acte d’écrire est, d’une certaine manière, un acte risqué qui suppose beaucoup de courage et d’abnégation dans le contexte où il vivait. Répondant aux questions qu’on lui pose, Massi évoque sa collaboration au journal Akfadou News et savoure encore ces temps durant lesquels il s’efforçait de sensibiliser les lecteurs sur des questions de morale, sur l’importance de la citoyenneté souveraine et sur le déclin de l’ouverture démocratique qui a gangréné l’Algérie jusque dans ses moindres recoins.
Face à l’oppression, ses articles se sont faits virulents, ce qui lui a valu un emprisonnement. L’écriture journalistique l’a fait voyager abondamment. Sa cause était juste et son combat était indispensable. Sa conscience demande à ce que quelqu’un le comprenne et poursuive sa lutte. Peut-être qu’un jour ses signaux seront plus forts que l’inhumanité de ceux qui l’ont poussé à l’exil. (…) Massi est un terrien, qui s’est nourri de vérités simples. C’est cela qu’il tente de traduire dans ses livres, par besoin de le rappeler au monde qui l’oublie, quand il ne se désintéresse pas, préférant les plaisirs et les vanités.Massi est quelqu’un qui a besoin du ciel mais dont les pieds demeurent ancrés dans le sol, il a besoin du concret, de toucher, de sentir, de voir et d’entendre avec les mots de tous les jours. Ses sentiments s’appuient sur des valeurs qui ne visent que ce qui peut rendre le monde et les hommes meilleurs. L’encre dans laquelle il plonge sa plume n’est pas celle qui rédige les savants dictionnaires, mais celle où le cœur puise ce qui le fait battre. (…) C’est quoi l’exil ? Une omniprésence d’un état d’esprit énigmatique. Vidée de sa substance vivante, l’âme s’engourdit et s’éteint dans un profond sommeil. Comme le vent qui souffle nerveusement sur le no man’s land, le bateau de Massi a du mal à trouver son port. Les flashbacks douloureux l’empêchent d’oublier les temps malfaisants et les périples âpres. (…) L’expérience de l’expatriation est une épreuve douloureuse et éprouvante.
L’écrivain éloigné de son pays doit se recréer continuellement une ambiance avec des couleurs imprécises. Massi reconsidère son exil dans ce qu’il contient d’épaisseur de survie, de souffrance, de joie inventée et de liberté recherchée. L’exil est une tension qui vise à fragmenter tant d’expériences humaines. Le regard de Massi est braqué vers un avenir de sentiments blafards. Sa vision est déroutante dans un mélange de symboles et d’interprétations confuses. La déraison de son époque l’a contraint à consommer la bêtise des jours contrariés. Il reconnaît l’inanité de son cheminement décérébré ».En France, les écrivains algériens souffrent du manque de visibilité pour la majorité car l’accès aux médias est souvent impossible. Pensez-vous que l’Italie offre plus l’ouverture et plus de perspectives de réussite aux auteurs étrangers ?
Oui l’Italie offre certainement plus de possibilités aux écrivains étrangers par rapport à la France. Au fil des années, la reconnaissance des différentes cultures et l’écoute des témoignages d'auteurs étrangers deviennent de plus en plus importants. L’intérêt pour la littérature produite par des auteurs d'origine étrangère en Italie est né dans le cadre d’un cours universitaire sur la communication interculturelle, initié par l’enseignante Paola Ellero qui avait déclaré : «Les productions culturelles des étrangers constituent, au-delà de leur valeur littéraire, un outil pour dépasser les frontières qui conditionnent encore notre façon de penser et de vivre le phénomène migratoire et la présence de citoyens immigrés dans notre pays. Ils nous invitent à regarder la réalité, souvent entachée de stéréotypes, à travers les yeux de ceux qui ont cherché et trouvé l'hospitalité parmi nous, parvenant également à s'intégrer.Face à l'augmentation des flux migratoires de ces dernières années, à l'image transmise par les médias, un changement de perspective dans notre façon de voir l'immigré est de plus en plus nécessaire. La littérature des migrants en langue italien peut jouer un rôle important dans ce processus, car elle reflète dans le présent de ces nouveaux voisins notre passé, pas substantiellement différent, même s'il est refoulé, d'hommes et de femmes qui ont dû abandonner leur terre pour chercher ailleurs une meilleure vie ».
L’Italie n’est pas épargnée par la crise sanitaire mondiale, comment vivez-vous cela ?On résiste en espérant que les choses rentreraient dans l’ordre après la saison hivernale. On se rend compte que la première vague de la pandémie n’a pas servi de leçon aux gouvernants, on se retrouve une nouvelle fois avec un manque flagrant de préparation. La deuxième vague du coronavirus est brutale, elle dévoile les disparités du système sanitaire italien et les hôpitaux du sud risquent de chavirer. Pour le moment, les autorités ont catalogué les vingt régions en zones jaunes, oranges et rouges, impliquant différentes restrictions.
Quel regard portez-vous en Italie sur la révolution pacifique algérienne du Hirak ?Un collectif d’Algériens résidents en Italie a été créé pour soutenir le Hirak. Il organise souvent des activités à la place Cordusio de Milan et rassemble des dizaines de personnes très actives qui se solidarisent avec les manifestants en Algérie et sensibilisent l’opinion italienne. Les protestations menées par le Hirak algérien étaient très impressionnantes. Les messagers de la révolution du sourire, depuis le mois de février deux mille dix-neuf et pendant plus d’une année, ont organisé des manifestations de masse plusieurs fois chaque semaine en Algérie et dans plusieurs pays étrangers où résident nos concitoyens. Ils ont hissé notre âme que l’on tente d’assujettir, ils continuent à réclamer un état civil et non militaire, ils ont brandi des slogans captivants, leurs chansons improvisées valent mieux que mille discours.
Ils ont mis l’intérêt collectif au dessus de tout, ils se sont rappelé des sacrifices de nos martyrs, ils ont traversé toutes les villes et tous les bourgs pour libérer nos âmes enchainées et abattre les injustices qui ont perduré. Ils ont franchi des océans en démence et des territoires consternés pour allumer sur nos fronts la flamme de l’espoir. Ils supportent encore de longues attentes pour tracer d’authentiques chemins, ils résistent aux aléas des quatre saisons pour figurer l’arc-en-ciel. Ils affrontent constamment de très grandes difficultés causées par le régime dictatorial des militaires. Beaucoup de personnes sont arrêtées et arbitrairement emprisonnées à cause de leurs opinions, même le drapeau amazigh dérange ceux qui ont renié notre identité. Les hirakistes sont des militants vigoureux et ils s’expriment pacifiquement en réinventant nos aspirations avec de géniales trouvailles. Ils s’efforcent de garantir des lendemains qui chantent pour ouvrir les fenêtres du pays sur la promesse de l’aube. L’Algérie libérée des tyrans est une espérance pour tous. Les messagers de la révolution du sourire ont désobéi à la mort programmée de l’Algérie pour déjouez les ivresses et les fureurs des décideurs illégitimes. Les agents du désordre ne peuvent brouiller les pistes perpétuellement. Après la pause forcée, due à la pandémie, les hirakistes renaitront avec de nouvelles formes de lutte. Avec leur détermination, ils résisteront jusqu’à l’instauration d’une transition démocratique et iront jusqu’au bout avec le projet du changement radical pour éteindre l’incendie causée par les pyromanes du pouvoir.
Cette révolution extraordinaire, ignorée par presque tout l'Occident, se poursuivra certainement jusqu'à la chute de la dictature des généraux. Les revendications de liberté et de démocratie soulevées dans le plus grand pays africain entraîneront des changements majeurs dans l'ordre géopolitique de l'Afrique du Nord et auront un impact sur le monde entier. Ces changements seront d'une importance fondamentale en ce qui concerne notamment l'avenir de lapolitique étrangère des différents pays européens.
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« Le Café de la Paix », place de l’opéra dans le 9è arrondissement, fréquenté par de nombreux intellectuels, écrivains, Maupassant, Victor Hugo, Émile Zola, Oscar Wilde, Paul Valéry, André Gide, Marcel Proust.
« Le Café de Flore » dans le 6ème arrondissement, fréquenté par Guillaume Apollinaire, Picasso, Boris Vian, Serge Reggiani, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Ionesco.« La Closerie des Lilas » dans le 6ème arrondissement, Bazille, Renoir, Monet, Sisley, Pissarro, Émile Zola, Paul Cézanne, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Edmond de Goncourt, Paul Verlaine, Paul Fort, Lénine Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry. Amedeo Modigliani, Germaine Tailleferre, Paul Fort, André Breton, Louis Aragon, Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre, André Gide, Paul Éluard, Oscar Wilde, Samuel Beckett, Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, Henry Miller, ont fréquenté cet endroit.
Le café littéraire de L’Impondérable de l'écrivain Youcef Zirema lieu tous les dimanches depuis plus de deux ans dans le 20ème arrondissement de Paris, plus précisément au 320, rue des Pyrénées. Beaucoup d’artistes, d’intellectuels, d’écrivains s’y côtoient chaque dimanche. Mais bien que ce soit le seul café littéraire qui a lieu chaque semaine à Paris, la presse française, curieusement, n’en parle pas.Ce café littéraire est pourtant un exemple pour le vivre ensemble et l’ouverture culturelle. C’est un lieu convivial, où les échanges se font dans la curiosité, l’amitié, et la bonne humeur. Les poètes, les écrivains, les artistes en général, sont toujours les bienvenus.
Mathilde Panot, députée de la France insoumise est venue parler de la situation sociale en France, elle a évoqué la lutte des gilets jaunes, du « Hirak » la révolution du peuple algérien dite du sourire, puisqu’elle a été en Algérie, en Kabylie, rencontrer les révolutionnaires. Mathilde Panot a aussi parlé des mouvements révolutionnaires en Amérique latine et à travers le monde.
Les artistes, le écrivains, les intellectuels de tous bords viennent parler de leurs publications. L’écrivain Youcef Zirem assure la programmation et anime toujours les débats avec brio.
Après une présentation et un échange entre l’invité et Youcef Zirem, la parole est donnée au public. Chacun est libre d’intervenir et de poser la question qu’il veut, même celui qui vient de rentrer, qui n’a rien suivi, tout le monde l’écoute avec bienveillance et l’invité lui répond, tout se passe dans le respect du vivre ensemble.Ce café littéraire situé dans un quartier populaire joue un rôle éducatif. Les rencontres sont toujours chaleureuses et conviviales. Un repas est souvent offert après la rencontre. Les gens restent souvent très tard et en profitent pour échanger autour d’un verre entre eux et avec l’invité.
Moise Kemmache le patron du lieu contribue aux côtés de Youcef Zirem à faire vivre ce café littéraire, on leur dit un merci et un grand bravo ! C’est vraiment un exemple d’ouverture culturelle dans le respect de la diversité et du vivre ensemble.Dans une société parisienne qui a tendance à se refroidir dans un individualisme grandissant dans un repli sur soi effrayant, le café littéraire de l’Impondérable est comme une oasis dans un désert brûlant, ou un coin du feu dans un hiver glacial.
Certains m’ont dit attendre chaque dimanche avec impatience. Ce rendez-vous est devenu incontournable pour beaucoup de parisiens et non parisiens.Sans démocratie rien n’est possible, ni la justice sociale, ni la justice tout court, ni la liberté d’être, de penser, d’opinion, d’action. Un ami rêvant d’une Kabylie indépendante me disait récemment reprocher au "Hirak" les slogans en langue arabe, mais il faut voir au-delà car le but est la chute du régime, de la dictature pour instaurer une démocratisation, mais la langue berbère, la langue kabyle est à peu près présente à travers tout le pays, on a même vu des slogans kabyles dans des régions arabophones. Il faut être lucide, l’urgence est la chute du système, sans cela rien n’est possible ! Nous avons vu que la Catalogne n’a pu avoir son indépendance même dans une Espagne et une Europe démocratique alors que l’Afrique peine à se démocratiser.
Les idées d’autonomies, d’indépendances ou de fédéralismes ne peuvent se développer que dans une véritable démocratie. La révolution doit continuer pour en finir avec les mascarades ! L’Algérie n’a jamais connu d’élections libres et démocratiques, tous les présidents ont été désignés ! Une transition démocratique est urgente pour mettre fin aux injustices, à l’arbitraire, à la pensée unique !L’Algérie est à un tournant de son histoire, le peule dans son ensemble, les 48 wilayas, veut la chute du système. Une révolution admirable saluée par les esprits libres du monde entier. L’Algérie démocratique de demain donnera sa place à chacun. « Pour faire une révolution il faut un peuple » Victor Hugo.
Brahim SACI.
Le 31 janvier 2020.________________________
Youcef ZIREM
Une vie vouée à l'écriture
L'écrivain poète journaliste Youcef Zirem, un écrivain talentueux, dont l'aura dépasse les frontières, parfois me rappelle Faulkner, parfois il me rappelle Camus, Mouloud Feraoun ou Gabriel Garcia Marquez.
Sil peut nous paraître quelquefois en marge, il n’en est rien en vérité, car il est parfaitement attentif et à l’écoute de la société dans laquelle il vit et suit les bouleversements du monde, son esprit perspicace et lucide comprend les enjeux, et tente bien des fois d’alerter et prévenir la conscience humaine.
Si sa vison métaphysique semble hors du temps, elle est aussi bien de son temps, conscient des flux volontaires et involontaires de l’époque qui semblent échapper au pouvoir humain. Ses écrits et sa façon d’être, sont un enseignement. Il sait que le présent façonne l’avenir avec les leçons du passé. Il ne cessera d’œuvrer à dégager la pensée dépoussiérée, de toute soumission. Il n’est pas rare de le voir à une terrasse parisienne, un café et un journal, parfois même en train de griffonner une pensée, un poème.
Youcef Zirem a cette manière étrange et mystérieuse de saisir l’inspiration et de ciseler les mots à la manière d’un orfèvre pour en retirer tout ornement superflus pour en retenir que l’essentiel. Sa vie est remplie de poésie, le regard du poète ne le quitte jamais , même à travers ces romans où il est souvent lui même l’un des personnages. Sil transfigure parfois la réalité c’est toujours pour la rendre plus réelle, à la portée de tous, afin que nul n’oublie.
Youcef Zirem connaît le poids de l’exil celui que ressent tout être incompris où qu’il soit, et la solitude qu’il apprivoise pour la rendre féconde, car c’est peut-être seulement là que l’âme est libérée, où la plume peut sans entraves s’exprimer. Il n’aura de cesse de tenter de briser les silences, bousculer les absences pour s’élever contre toutes les formes d’oppression. Il sait la fragilité des choses, ses écrits nous mettent en garde contre l’absurde qu’on tend à ériger en certitude.
Il est l’humaniste, l’ami. Youcef Zirem connaît les chemins justes, il essuie les larmes du faible, il connaît aussi les sentiers sinueux des méchants, des arrogants, il fustige et dénonce l’impunité des puissants. Il est de tous les combats qui mènent à la libération des peuples. Il aime les petits cafés parisiens, comme la plupart des grands poètes et écrivains car là les échangent sont sincères, les regards sont libres, les gens laissent leurs armures à l’extérieur, la vie est vraie.
Son livre, "Libre, comme le vent", le résume très bien, la liberté n’est pas pour lui un simple credo mais une façon de vivre, c’est un état d’être. Il sème des graines de lumière sur son passage, il éclaire ceux qui le lisent, il redonne l'espoir à ceux qui l'approchent. Il aime flâner dans les rues de Paris, cette ville lumière des poètes et des écrivains.
On le croirait tiré d'un personnage de roman, il est la pensée libre sans concession, il milite depuis de longues années pour la démocratisation de l'Algérie, et la liberté des peuples opprimés. IL aime aussi prendre des photos de cette ville des arts, pour fixer ces instants éternels parisiens. Si j'ai publié plusieurs livres de poésie, c'est en partie grâce à ses encouragements, et il m'a à chaque fois honoré d'une belle préface dont il a la magie. Rares sont les auteurs qui ont sa sagesse et sa générosité. Je suis heureux d'être son ami et j'attends à chaque fois avec impatience ses nouvelles publications.
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Le roman «la porte de la mer» de Youcef Zirem vient de paraître aux éditions Intervalles, un hymne à la vie, à la liberté.
Le roman «La porte de la mer» de Youcef Zirem nous interpelle à plus d’un titre. Dès le début nous sommes frappés par le titre très évocateur, nous pensons tout de suite à la liberté mais la photo nous montre une femme enfermée qui ne voit le monde extérieur qu’a travers une fente, une déchirure.
Il y a de prime abord une dualité entre cette photo de couverture qui montre une femme désespérée et le titre qui est plein d’espoir, le lecteur est alors envahi d’une impatience inouïe pour ouvrir le livre et entrer dans l’histoire qu’il pressent écorchée vive et plonger dans cette mer inconnue.
Dès la première page on constate que le roman est dédié au poète chanteur compositeur Brahim Saci, " A brahim Saci, pour la clairvoyance de son regard, pour sa poésie qui sait saisir l'essentiel, pour ses chansons toutes enrobées d'un humanisme serein et toujours en mouvement." qui est comme une clé ouvrant une petite porte pour découvrir un peu plus ce roman. Puis l’auteur cite une phrase de Fernando Pessoa, "J'ai conquis, un petit pas après l'autre, le territoire intérieur qui était mien de naissance. J'ai réclamé, un petit espace après l'autre, J'ai accouché de mon être infini, mais j'ai dû m'arracher de moi-même au forceps." comme pour nous donner une deuxième clé ouvrant une autre porte de compréhension pour mieux aborder le livre.
Nous découvrons une histoire tragique émouvante dans une Algérie déchirée qui se recherche. Les protagonistes sont tantôt perdus dans une société en effervescence où parfois la folie dicte ses lois, tantôt lucides pour panser ses blessures, se frayer un chemin et réinventer l’espoir. L’auteur dans une transfiguration de la réalité en allégorie de la critique d’une société algérienne extrêmement corrompue, une méthodologie stricte de l’observation, de la description, qui nous rappelle l’écriture d’Émile Zola.
Dans ces vives descriptions des inégalités sociales génératrices des passions les plus viles, à travers des personnages attachants que la misère ne plie pas, nous ne pouvons nous empêcher de penser à Honoré de Balzac tant le héros balzacien est un observateur révolté qui contemple impuissant. La forme narrative parfois hachée parfois fluide nous rappelle aussi par moments William Faulkner.
Ainsi l’héroïne Amina consciente de son impuissance mais ne baisse pas les bras, elle avance pour ne pas oublier, dans une Algérie qui cultive l’oubli de peur de se regarder dans le miroir.
Amina me fait penser à Nedjma de Kateb Yacine dans la transfiguration de l’Algérie tant elle témoigne d’une Algérie défigurée, meurtrie.
Brahim SACI
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Sandra Cardot, le bonheur à tout prix - Afrique du Nord News
Sandra Cardot, le bonheur à tout prix
Sandra Cardot, est une personne lumineuse que chacun devrait lire. Toujours souriante et joviale, toujours dans le don de soi, le partage et l’abandon, son simple regard vous fait aimer la vie.
Après son livre « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » publié aux éditions Michalon, dont on a beaucoup parlé, où elle nous éclaire sur les pouvoirs immenses cachés en nous et comment l’amour, l’empathie et la compassion arrivent comme par magie à les libérer, pour nous libérer, toujours pour le meilleur, améliorer notre vie, en parfaite communion avec les autres et le monde qui nous entoure, Sandra revient avec une nouvelle publication « Empathie et compassion ».
Sandra Cardot revient donc renforcer sa vision du monde avec une grande lucidité et une verve poétique qui semble inépuisable avec cette deuxième publication « Empathie et compassion » publiée aux éditions Michalon, qui est comme un rayon de soleil dans le paysage littéraire.
Sandra Cardot vient nous émerveiller avec ce livre pour le plaisir des lecteurs en quête de sens et de lumière, où lucide, perspicace et pédagogue elle nous ouvre les yeux sur le chemin du bonheur, de la spiritualité et nous donne des outils tels des clés pour ouvrir les portes conduisant à l’épanouissement personnel.
« Empathie et compassion » est un livre qui nous aide à respirer dans cette époque où tout va trop vite, où l’homme s’oublie, esclave de ses désirs entraînant derrière lui le chaos. Sandra Cardot nous offre la voie salvatrice de la spiritualité, de la méditation pour guérir le mental et redonner un souffle, un sens, aux esprits écorchés, aux cœurs torturés, qui portent le joug offert par le monde matériel.
Le monde tend à imposer le superflu et le non-sens, les ténèbres qu’il tisse voilent le vrai sens de la vie et notre raison d’être qui est d’être heureux, un bonheur que nous avons tous en nous même si l’éblouissement des lumières artificielles extérieures tend à nous le faire oublier.
Il faut beaucoup défricher, semer et aimer dans l’abandon, sans jamais rien attendre, c’est seulement là que peuvent commencer à apparaître des éclaircies dans le mauvais temps dont nous sommes le plus souvent responsables, et voir le chemin qui mène à la réalisation spirituelle en évitant les pièges de l’ego.
Sandra Cardot nous montre que notre plus grand ennemi est l’ego et nous donne des outils pour le combattre. Elle nous montre aussi combien tout ce qui est vivant est lié toujours pour célébrer la vie où tant de forces interréagissent dans l’amour et la compassion et qu’il est possible de changer nos comportements et nos réflexes hérités des générations qui nous ont précédées et d’aller vers l’amour absolu du vivant.
La nature est pleine d’enseignements pour ceux qui regardent avec le cœur loin des barrières, œillères, préjugés, terreur, inégalités, pauvreté, peurs et interdits que la société nous impose avec ses rois et ses vassaux pour pérenniser les forces obscures sous le règne du Veau d’Or afin de barrer la route à l’amour, au partage, à la compassion.
En nettoyant son cœur chaque jour, en souriant, en acceptant les événements de notre vie avec sérénité nous renforçons les forces positives qui participent à l’équilibre du monde, de la nature et de l’univers. Ce livre nous aide à mieux voir la vie, il nous montre comment aller vers l’essentiel, accepter ses peurs qu’engendrent les désirs pour pouvoir en sortir.
« Empathie et compassion » et « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » sont deux livres qui nous éclairent et nous ouvrent la voie vers la méditation pour une ascension spirituelle vers le langage libérateur du cœur.
Sandra Cardot nous apprend à nous libérer des ruses du mental et des pièges de l’ego, à cultiver le pardon pour retrouver l’équilibre enfoui au fond de chacun, en nous donnant des outils simples qui nous aideront au jour le jour à écarter les brumes du superflu qui viennent de l’extérieur.
Les livres de Sandra Cardot « Empathie et compassion » et « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » nous accompagnent comme une lumière bienfaitrice, éclairant notre quotidien, nous aidant à voir plus clair dans la nuit ou en plein jour, pour un éveil de la conscience tourné vers le cœur pour une élévation spirituelle et une plénitude intérieure, pour comprendre que l’amour, l’empathie, la compassion et le pardon sont les clés du bonheur.
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Katia Touat, une poésie qui interpelle le cœur et l’esprit.
Katia Touat, une poésie qui interpelle le cœur et l’esprit
« Ijeɣlalen n tudert » est un magnifique recueil de poésie en langue kabyle de Katia Touat publié aux éditions Achab, disponible en Algérie.
En ouvrant le recueil, nous sommes de prime à bord éblouis par la beauté qui s’en dégage comme un baume apaisant pour supporter les tiraillements subis par la pensée afin d’en écarter les ombres pour plus d’éclaircies.
L’attention est tout de suite happée par la liberté du style poussée à son paroxysme comme pour mieux retenir le lecteur dans une tentative hâtive de réduire toute réticence et résistance du mental pour une libération du regard des contingences de la condition humaine. Sortir de la forme vers d’autres configurations et styles, dans une volonté d’attiser la curiosité de l’esprit pour une poésie sans cesse renouvelée.
Les vers s’articulent parfois empreints d’une grande mélancolie, mais sans exagération, car l’imaginaire kabyle rend tout cloisonnement et enfermement quasi impossibles. Une poésie moderne par sa musicalité et le rythme tirant sa force dans un décloisonnement de la pensée libérant l’esprit. Katia Touat ne s’accommode pas des influences et des représentations, curieuse et surmontant les difficultés, elle essaie d’aller au plus profond d’elle-même pour saisir les éléments nécessaires pour dépeindre avec bienveillance la complexité de l’existence.
Les poèmes se succèdent dans un jaillissement de lumière surprenant, magnifiant, élevant l’esthétique de cet art littéraire que cisèle Katia Touat avec la force du cœur. L’effort se précise avec dextérité dans un élan stylistique singulier et irrégulier qui à première vue peut paraître hyperbolique dans son expression.
Au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture du livre, une poésie profonde s’offre à nous parfois pour nous surprendre par un renouveau du genre et du style qui interpelle, bouscule, éclaire et élève l’esprit. Katia Touat sort des sentiers battus, elle ne se perd pas dans des descriptions et développements inutiles et superflus.
La langue kabyle est merveilleusement ciselée, travaillée, pour transfigurer les douleurs, les déchirures du cœur, de l’âme, dans un élan poétique bienveillant et salutaire.
Brahim SACIHistoire de Kabylie, le point de vue kabyle», de Youcef ZIREM.
Une traversée de l’histoire de la Kabylie de l’antiquité à nos jours.
«Histoire de Kabylie, le point de vue kabyle», de Youcef Zirem aux éditions Yoran Embanner, est un livre passionnant, si étonnant par la force de la narration qu’on s’y croirait. On peut dire que l’écrivain Youcef Zirem nous a surpris avec ce livre d’histoire écrit par un kabyle sur cette région d’Algérie habitée par les berbères kabyles depuis la préhistoire. Jusqu’ici nous étions habitués à voir des auteurs étrangers à notre culture écrire sur notre histoire.Youcef Zirem est le premier kabyle à écrire sur l’histoire de son peuple dont les origines remontent à la nuit des temps. Les Kabyles sont un peuple pacifique qui a fait de la liberté et de la poésie depuis des milliers d’années un art de vivre où les contes, les chants, font partie du quotidien. Le livre se présente comme un résumé condensé exhaustif de l’histoire de la Kabylie.La couverture de la première édition du livre est un dessin représentant Si Mohand Ou Mhand, le célèbre poète kabyle de l’errance et de la révolte, de la confédération des Aït Iraten. Il est né entre 1840 et 1845 à Icheraiouen, à Larbaâ Nath Irathen, et mourut le 28 décembre 1906 à l’hôpital des Sœurs blanches, près de Michelet (Aïn- El-Hammam) il est enterré au cimetière de Tikorabin, Asqif Netmana (le portique de la sauvegarde), dans le coin réservé aux étrangers. Si Mohand Ou Mhand a marqué la deuxième moitié du 19ème siècle et le début du 20ème siècle.
Si Mohand Ou Mhand a été poussé sur les routes après la destruction de son village par les français. Il n’accepta pas le nouvel ordre dicté par l’occupant refusant toute compromission avec la présence coloniale, il vécut en poète errant libre, égrainant des rimes, jamais soumis, maniant le verbe kabyle avec grand art, dénonçant le colonialisme et les travers de son temps.Si Mohand Ou Mhand est entré dans la légende de son vivant comme ce fut le cas du poète chanteur kabyle Slimane Azem dans la deuxième moitié du 20ème siècle qui refusa toute compromission avec le pouvoir autoritaire de l’Algérie indépendante qui allait museler les libertés démocratiques et tenter d’effacer l’identité millénaire berbère. En fervent défenseur des libertés démocratiques et de son identité kabyle berbère occultée par l’Algérie indépendante, Slimane Azem fut contraint à l’exil. Il mourut en France en 1983.
La couverture de la réédition du livre est un dessin représentant l’héroïne guerrière kabyle Fadhma N’Soumer qui a résisté à la conquête française de 1849 à 1857. Elle est née en 1830 dans le village de Werja (Ouerdja), situé sur la route menant d’Aïn El Hemmam vers le col de Tirourda. Elle mena une résistance armée acharnée contre les Français. Le 27 juillet 1857, elle fut arrêtée au village Takhlicht Nath Atsou. Fadhma N’Soumer meurt en captivité en septembre 1863 à l’âge de 33 ans à Tablat. Ses cendres ont été transférées en 1994 à El Alia à Alger.Il n’est pas aisé d’être le premier kabyle à écrire l’histoire de cette région et pourtant Youcef Zirem l’a fait avec le talent et la magie féconde pour nous captiver et nous émerveiller, dans un élan poétique de conteur, qu’ont seulement les plus grands écrivains. Les kabyles sont un peuple épris de liberté, véhiculant les plus hautes valeurs humaines, d’entraide, d’hospitalité, de démocratie, de droit d’asile, où la prison n’existe pas, où le fonctionnement du pouvoir ne génère aucun salaire. Les kabyles sont un peuple berbère constitué en tribus, en villages, en fédérations et confédérations.
« Histoire de Kabylie » est donc une plongée dans l’histoire millénaire de cette partie d’Afrique du nord, la partie Algérienne, la Kabylie, à travers l’histoire si riche de cette Afrique du nord berbère. Le Kabyle a toujours défendu sa langue, sa culture et sa liberté depuis des millénaires. Cette terre africaine du soleil, de toutes les richesses, était très convoitée, les envahisseurs furent nombreux. Le peuple kabyle a résisté depuis des siècles aux différentes invasions, en préservant sa langue et sa culture qui sont toujours vivaces de nos jours. Il n’a jamais plié jusqu’à l’arrivé des français. Le kabyle qui a vécu en harmonie avec la nature qui l’entoure n’a pas résisté à la politique de la terre brûlée organisée par ceux-ci.C’est vers l’an 1000 avant J-C, que les Phéniciens installent des comptoirs le long de la côte nord-africaine pour asseoir leur domination commerciale en méditerranée, s’accommodant avec les royaumes numides avant que les Romains en fins stratèges, concurrents militaires et commerciaux ne viennent à leur tour tenter d’imposer leur domination sur l’Afrique du Nord berbère. Les kabyles comme les autres peuples berbères ont résisté à leur pénétration. Mais la convoitise de cette Afrique du nord va grandissante et la Kabylie va subir d’autres invasions, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Espagnols, les Turcs et les Français. Islamisés les kabyles vont participer à la fondation de plusieurs dynasties berbères musulmanes dont la dynastie des fatimides qui fonda le Caire en l’an 969.
La domination turque n’a pas réussi à soumettre la Kabylie et les français ne viennent à bout de la résistance Kabyle qu’en 1872. «Lorsque la guerre d’Algérie éclate, la Kabylie est l’un des plus grands bastions de cette lutte pour la liberté. Mais une fois l’indépendance acquise, le régime d’Alger n’a de cesse de marginaliser cette région qui ne se laisse pas faire. La Kabylie se bat toujours pour ses valeurs, sa langue et sa culture.»Youcef Zirem traverse l’histoire avec élégance relatant avec finesse l’essentiel. On apprend aussi énormément sur l’histoire contemporaine de la Kabylie, de l’indépendance à nos jours. Si aujourd’hui l’obscurantisme tente de lui faire perdre ses repères, son esprit libre et démocratique, il n’y parviendra pas, car les kabyles sont conscients du danger et semblent vouloir prendre leur destin en main. La Vérité, la liberté en sortiront vainqueurs, la lumière effacera les oppresseurs. Youcef Zirem réussit un coup de génie pour un livre d’histoire, donner la parole à quelques intellectuels pour donner leur point de vue sur l’histoire de la Kabylie et réactualiser le livre en l’augmentant de plusieurs pages à chaque nouvelle réédition.Brahim SACI
Le 31 octobre 2018Une pensée pour le grand chanteur, compositeur Lounès Ladjadj dit Tiloua.
Mon grand ami Achour Badache était une grande âme qui s'en est allée bien trop tôt, le 23 juillet 2018 à l'âge de 52 ans. La nouvelle de sa mort survenue à Alger était tombée comme un couperet.
Je n’arrivais pas à y croire, nous devions manger ensemble à Azazga, il m'avait proposé de m'y rejoindre en voiture pour nous restaurer dans cette ville kabyle située à 135 km d'Alger, cette ville célèbre pour ses restaurants et son accueil légendaire.
La distance n'avait peu d'importance pour lui lorsqu'il s'agit de rejoindre un ami. J'ai rarement rencontré un homme aussi fidèle en amitié et à la parole donnée.
D'une mère française et d'un père kabyle, il était l'exemple même de la double culture.
Il maîtrisait admirablement la langue kabyle et était très attaché aux valeurs légendaires qu'elle véhicule. Il aimait la Kabylie, il aimait l'Algérie qu'il désirait plus que tout voir se démocratiser pour le bonheur du peuple algérien. Je sais qu'il aurait aimé assister au réveil de ce grand peuple, à toutes ces manifestations pacifiques saluées par le monde entier.
Achour Badache était plein d'amour, il aimait tant la vie. Toujours jovial, d'une immense générosité toujours prêt à rendre service, un grand homme de culture, un grand humaniste, un homme merveilleux qui nous manquera toujours.
Achour Badache aimait les livres, les arts. Nous nous retrouvions souvent au café littéraire l'impondérable animé par Youcef Zirem. En compagnie de Youcef Zirem, nous partagions le verre de l'amitié, nous discutions avec joie du livre et nos échanges étaient à chaque fois des plus profonds et d'une grande portée littéraire.
Il aimait mes chansons, il avait tous mes livres ainsi que les livres de Youcef Zirem, Sa générosité était immense, il achetait un grand nombre d'exemplaires qu'il offrait toujours avec plaisir.
A chaque fois qu'il venait au café littéraire il achetait évidemment les livres de l'auteur invité et il ne manquait jamais de poser des questions pertinentes pour enrichir l'échange intellectuel toujours avec douceur et gentillesse sans jamais froisser l'invité mais au contraire encourageant toujours.
Il a aidé beaucoup de jeunes artistes en difficulté tant il aimait l'art avec cette volonté majestueuse de vouloir toujours aider.Toujours prêt à rendre service.
Il me parlait souvent de sa famille, de ses enfants qu'il aimait tant qu'il était impatient de voir grandir. Malheureusement le destin en a décidé autrement. Que dieu tout puissant t'accueille dans son vaste paradis.
Sur terre tu étais un exemple, tu portais en toi les plus hautes valeurs humaines, l'amour des autres, la solidarité, l'entraide, la générosité, donner sans rien attendre en retour en digne héritier de la sagesse et des valeurs nobles kabyles d'antan.
Une pensée pour l’homme de culture Chérif Messaouden, paix à son âme.
Tu étais un grand homme de culture, un grand militant, un homme généreux qui connaissait la valeur de l'amitié, tu nous as quittés le 18 avril 2010 bien trop tôt, des suites d'une longue maladie, à l'âge de 44 ans.
Chérif Messaouden a dirigé le Cercle culturel Igelfan de la commune de Bouzeguene, le premier novembre 2004 il lança le journal " Echos de Bouzeguene", une publication culturelle d'ouverture dans la perspective enrichissante de débats démocratiques. Il avait écrit "Notre association fait sienne cette citation de Saint-Exupéry, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit".En effet en 1994, le MCB (mouvement culturel berbère appelle à la grève du cartable pour la reconnaissance officielle de la langue berbère, (tamazight), pour qu'elle soit enseignée dans les écoles et les universités. Il dit à propos de son documentaire, "Lors du boycott scolaire qui avait été lancé par le mouvement culturel berbère (MCB) pour la reconnaissance officielle de la langue tamazight et son introduction dans l'enseignement de l'école à l'université, j'ai participé à plusieurs manifestations pendant cette période de "dissidence scolaire" de l'année 1994/1995. Beaucoup d'encre a coulé. C'est pour mieux comprendre cette épopée à inscrire à l'actif du long combat pour l'amazighité que j'ai décidé de porter un regard critique de la réalité vécue de cette période avec toute la liberté et tout le recul nécessaire à travers l'image."
Le centre culturel de Bouzeguene que tu as dirigé en tant que directeur rayonnait. Je n'oublierais jamais ce jour de 2007 où tu m'as accompagné à radio Soummam.Il y avait avec nous un autre grand ami, le journaliste Salem Hammoum, une belle plume, un des rares esprits libres du journalisme algérien, qui t'a rejoint dans l'éternité à l'âge de 65 ans le 21 septembre 2015, lui aussi des suites d'une grande maladie, paix à son âme.la mère des langues, qui nous a quitté le 16 juillet 2006 à l'âge de 56 ans, lui aussi des suites d'une longue maladie, paix à son âme.
Tu m'avais proposé de lui rendre hommage avec le centre culturel de Bouzeguene, en associant Houra son village natal et les départements de recherche linguistique de l'université de Tizi-ouzou et de l'université de Bgayet.Une pensée pour l’ingénieur homme de culture Kaci AZEM
Une pensée pour l’ingénieur homme de culture Kaci AZEM
Kaci Azem nous a quittés prématurément le 15 décembre 2019 à l’âge de 60 ans, paix à son âme. Il est décédé accidentellement, en tombant d’un olivier dans son champ, dans son village Agouni Gueghrane en Kabylie.
Triste destin que celui de cet ingénieur, érudit, homme de culture, aimé de tous, ouvert sur le monde.Une disparition tragique qui laisse sans voix, plongeant une famille, un village, ses proches et tous ceux qui l’ont connu dans la douleur et l’incompréhension.
Je me souviendrais toujours de nos échanges amicaux, fraternels, éclairés,sur les réseaux sociaux et par mails. Je garde en mémoire le souvenir d’un homme attentif, cultivé, d’une grande sagesse, d’une grande générosité, curiosité, à l’écoute de tous, de sa société et du monde.
Kaci Azem était d’un optimisme naturel orné d’une grande bonté, d’un esprit élevé, plein d’espoir, confiant en un avenir meilleur.
Nous échangions souvent sur les réseaux sociaux, des idées, des réflexions, nous évoquions souvent le légendaire Slimane Azem, dont nous partagions l’admiration.
Un jour je lui avais demandé s’il pouvait prendre quelques photos de la maison natale de Slimane Azem ainsi que des terres familiales, il a accepté avec joie. Quelques temps après, il a eu la gentillesse de m'envoyer quelques photos.
Le 23 novembre 2019, soit vingt-deux jours avant sa disparition tragique, il publia sur facebook :
(L’heure est-elle écrite, peut-on la fuir ce soir à Samarcande?
Puis il cita Le poète mystique persan Farid ud-Dîn Attar (1140-1230).(Il y avait une fois, dans Bagdad, un Calife et son Vizir. Un jour, le Vizir arriva devant le Calife, pâle et tremblant :
«Pardonne mon épouvante, Lumière des Croyants, mais devant le Palais une femme m’a heurté dans la foule. Je me suis retourné et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort. En me voyant, elle a fait un geste vers moi. Puisque la mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d’ici, à Samarcande. En me hâtant, j’y serai avant ce soir »
Sur quoi il s’éloigna au grand galop de son cheval et disparu dans un nuage de poussière vers Samarcande. Le Calife sortit alors de son Palais et lui aussi rencontra la Mort. Il lui demanda :
« Pourquoi avoir effrayé mon Vizir qui est jeune et bien-portant ? »- Et la Mort répondit :
« Je n’ai pas voulu l’effrayer, mais en le voyant dans Bagdad, j’ai eu un geste de surprise, car je l’attends ce soir à Samarcande »).
Kaci Azem nous invite à la réflexion et à la méditation par cette pensée à la portée mystique et philosophique qui interpelle le coeur et l'esprit humain, comme pour nous rendre meilleurs.
La nouvelle de sa mort tragique est tombée comme un couperet. Nous n’oublierons jamais cet homme, cultivé, au sourire plein de bonté, aimé de tous.09 mai 2020
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